Interview

Mubarak Sooltangos : «J’ai vivement conseillé à la Présidente de rester»

Mubarak Sooltangos

Mubarak Sooltangos, ex-banquier comptant 18 ans d’expérience, et managing director de Happy World Foods pendant 20 ans, est l’un des conseillers de l’ombre d’Ameenah Gurib-Fakim. Il soutient que l’affaire de la carte de crédit est une manipulation politique. Il donne certains détails sur le dossier.

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« Tout le beau monde qui a côtoyé et entouré Sobrinho s’est débiné, laissant sur le carreau une personne intègre et sans défense »

Vous défendez avec force la présidente de la République, Ameenah Gurib-Fakim. Pourquoi ?
Nous sommes amis et on se parle de temps en temps. Je lui conseille et elle m’écoute. Je n’ai aucun statut officiel auprès d’elle et je ne suis pas rémunéré.

Vous êtes d’avis que la Présidente n’a rien fait de mal…
Elle est victime d’une machination politique. Des gens veulent qu’elle parte immédiatement. Toutes sortes de tractations ont lieu en ce moment. Certains veulent sa place. Elle est une grande académicienne, mais pas une politicienne. Il y a des choses qu’elle devrait dire…

Par exemple ?
Il serait peut-être bien que les gens entendent certaines choses. Je ne sais pas pourquoi elle parle peu. J’ignore quelle est sa contrainte. Quand elle a commencé à parler à la State House, on a vu qu’elle savait communiquer et faire passer son message. Je pense qu’elle le distillera petit à petit.

Qu’est-ce qui n’a pas été dit ?
On dit qu’elle a mené des gens en bateau, car des bourses d’études pour des universités européennes avaient été promises par le biais de Planet Earth Institute (PEI). En vérité, les demandes d’admission ont été transmises. Aucun étudiant n’a été retenu, car personne n’avait les qualifications nécessaires.

Concernant la carte de crédit, on dit qu’elle a utilisé l’argent destiné aux étudiants… Ce sont deux choses complètement distinctes. Les fonds  destinés aux bourses ne peuvent transiter par la carte de crédit qu’elle a reçue.

Quand on dit qu’elle a obtenu une rémunération, car elle a utilisé une carte de crédit que PEI avait mise à sa disposition, ce n’est pas vrai. Si elle avait retenu une partie de l’argent, on aurait pu dire que c’était une forme de rémunération, mais tel n’est pas le cas. Elle a tout remboursé.

« On dit que la Présidente a utilisé l’argent destiné aux étudiants… Ces fonds ne peuvent transiter par la carte de crédit qu’elle a reçue »

Vous parlez de manipulation ?
Une manipulation flagrante venant d’une personne qui a extrait des informations d’une banque et en a donné une partie aux médias, en cachant le fait qu’elle avait tout remboursé. Il n’a diffusé qu’une partie des informations disponibles pour susciter un scandale.

Le criminel est celui qui a organisé les recherches et la fuite des informations de la banque. Son identité est connue. De par la position qu’il occupe, il sait que le pays dépend à plus de 20 % de revenus issus du secteur financier. Il a mis l’intégrité du pays en jeu pour des considérations personnelles.

En tant que Présidente, Ameenah Gurib-Fakim n’a-t-elle pas fauté en travaillant pour une ONG étrangère ?
Elle ne travaillait pas pour une ONG étrangère. Elle siégeait au conseil d’administration. C’était une œuvre caritative et PEI n’est pas une rogue institution. C’est une institution de renom.

Elle a rejoint PEI, car elle voulait aider des étudiants à obtenir des bourses. Si un jour on apprend qu’Alvaro Sobrinho  (Ndlr : fondateur et financier du PEI) est un gangster, sa bonne foi aura été trompée.

Ce qui est encore plus chagrinant, c’est le procès qu’on lui fait. On dit qu’Alvaro Sobrinho est passé 31 fois par le VIP Lounge grâce à la Présidente. C’est faux. C’est le fait de quelqu’un d’autre à la State House. Je vous donne la garantie que la Présidente n’est jamais intervenue.

C’est quand même un fait qu’Alvaro Sobrinho était proche de la Présiente ?
Je l’ignore. Je vous assure cependant elle n’a tiré aucun avantage personnel de cette proximité. D’autres ne se sont pas génés, mais ils lâchent la Présidente aujourd’hui. C’est malhonnête !

On a vu des gens se déplacer dans de belles voitures. Ce n’est un secret pour personne. J’ai une information selon laquelle un proche d’une très haute personnalité a beaucoup voyagé dans une berline. Si vous me demandez si c’est Sobrinho qui a payé cette berline, je ne le sais pas, mais tout porte à le croire.

Elle est tout de même Présidente de la République et a utilisé la carte de crédit d’une ONG. Ce n’est pas très malin.
Sa carte connaissait des problèmes techniques. Elle avait la carte professionnelle de PEI en sa possession. Elle a demandé la permission de l’utiliser et a obtenu le feu vert. Elle l’a utilisée puis a restitué la somme. Pourquoi après trois mois ? Elle a remboursé et c’est tout ce qui compte.

Est-ce une maladresse ?
Je pense que oui. C’est un incident malheureux. Mais, elle a agi de bonne foi. Il n’y avait aucune intention de ne pas rembourser.

À l’époque, on savait déjà que Sobrinho n’était pas un saint…
Oui, je crois que ce n’est pas un saint, mais y a une foule de fonctionnaires et de politiciens, qui ont côtoyé Sobrinho. Pourquoi est-ce que c’est la Présidente qui doit payer pour tout ce que ces gens ont fait ? Pourquoi détruit-on quelqu’un qui nous fait honneur dans le monde ? Des permis ont été délivrés par des institutions régulatrices. Ce sont des fonctionnaires qui les délivrent. Il y a un conseil des ministres aussi. On fabrique des faussetés. On prend avantage du fait que son statut exige un devoir de réserve pour la traîner dans la boue.

Partira-t-elle ou pas ?
Je lui ai dit et lui redit de ne pas démissionner. Ce serait un aveu de culpabilité. Cela noircira complètement sa réputaion et sa carrière internationale en pâtira. Puis, ce n’est pas parce qu’elle part que cela va faire taire les ragots.

Je ne connais pas son état d’esprit, mais dans pareille situation, on alterne les hauts et les bas. On est humain après tout.

Il est question de présenter une motion à l’Assemblée nationale pour la destituer si elle ne démissionne pas…
Si on présente une motion pour la destituer, on la salira complètement. Cela sous l’immunité parlementaire. Elle ne pourra pas se défendre. Le saving grace, cependant, c’est qu’il faudra alors passer par un tribunal qui, selon moi, la blanchira, car la seule charge dont elle peut faire l’objet, c’est breach of ethics d’un code qui n’existe pas.

Je ne vois aucun motif légal permettant de la destituer. À moins, et cela serait alarmant, d’amender la Constitution afin d’assouplir les procédures de destitution pour ne pas avoir à passer par un tribunal. Ce serait un déni de justice.

Le Premier ministre a déclaré qu’il y avait un accord pour qu’elle parte…
Je n’ai aucun renseignement sur ce qui a été dit lors de cette réunion, mais la manière dont cela a été rendu public entretient le flou. Je ne connais pas les intentions de la Présidente, mais mon conseil est qu’elle ne démissionne pas. Toutefois, la décision lui appartient.

Sur Twitter, elle dit vendredi soir que la vérité sortira après l’enquête. De quoi parle-t-elle ?
Je ne sais pas. La politique est mêlée dans cette affaire. Les politiciens jouent le jeu à leur manière, pourquoi ne pourrait-elle en faire  de même ? Je pense qu’elle entretient le flou. C’est une bonne tactique.

C’est une affaire très triste. On a traîné dans la boue une Présidente, une épouse, une mère de famille et une citoyenne qui a les capacités de faire briller l’île Maurice dans le monde. Au-delà de la personne de la Présidente, on a aussi sali le pays et sa réputation. Tout le beau monde qui a côtoyé et entouré Sobrinho s’est débiné, laissant sur le carreau une personne intègre et sans défense.

 

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