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Onze ans après les « flash floods » de 2013 - Port-Louis : l’ombre des inondations persiste, l’inaction politique aussi 

Les inondations meurtrières du 30 mars 2013 ont profondément marqué les esprits.
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Un manque de volonté politique pour résoudre le problème des inondations à Port-Louis est dénoncé par Sunil Dowarkasing et Prem Saddul. Une approche holistique et des décisions courageuses sont nécessaires pour démolir ce qui doit l’être afin de faciliter l’écoulement des eaux pluviales. 

Onze ans jour pour jour après les inondations du 30 mars 2013 qui ont coûté la vie à 11 personnes à Port-Louis, peu de progrès ont été réalisés pour prévenir de tels drames. Le chaos survenu le 15 janvier dernier, lors du passage du cyclone Belal, l’a clairement démontré. Heureusement cette fois, les dégâts étaient surtout matériels, mais ils ont laissé une cicatrice : la peur de se rendre dans la capitale quand il pleut. 

Entre-temps, malgré les recommandations du comité présidé par le juge Domah sur les inondations du 30 mars 2013, Port-Louis semble être demeurée inchangée. Les infrastructures identifiées comme faisant partie des causes des inondations dans le centre-ville sont toujours présentes, et ce malgré les recommandations du comité qui préconisait leur démolition. Il s’agit notamment des structures installées dans le canal du Ruisseau du Pouce, ainsi que du bâtiment abritant un restaurant rapide et deux parkings aménagés sur un canal servant à l’évacuation des eaux pluviales. 

Incivisme 

« Le gouvernement, tout comme la mairie de Port-Louis, prend les mesures nécessaires », affirme une source proche du dossier au ministère des Collectivités locales. Elle ajoute qu’un budget est alloué chaque année, vers août et septembre, à toutes les municipalités et conseils de village pour le nettoyage des drains afin de prévenir les accumulations d’eau ou les débordements des eaux pluviales sur la route. 

Cependant, les tonnes d’ordures transportées jusqu’à la mer et ramassées au Port-Louis Waterfront à la suite des inondations du 15 janvier 2024 ont démontré qu’il reste encore beaucoup à faire à ce niveau. Cela a également mis en lumière l’incivisme de certains Mauriciens qui jettent tout et n’importe quoi dans les cours d’eau et les canaux d’évacuation des eaux pluviales. 

Plan d’ensemble 

Diverses mesures ont également été prises pour améliorer le système de drainage dans la capitale. De multiples propositions ont été avancées, notamment l’aménagement d’un « cutting-off drain » au pied des montagnes surplombant Port-Louis, afin de contourner le centre-ville par les eaux pluviales, ainsi que la création de puits d’absorption. 

Cependant, ces projets ne pourront pas aboutir en l’absence d’un plan d’ensemble pour le relogement des « squatters » qui ont construit illégalement leur maison sur le flanc des montagnes et qui, ce faisant, ont obstrué le cours naturel des eaux pluviales, selon Sunil Dowarkasing, ancien stratège de Greenpeace. En outre, les constructions diverses entravent également l’écoulement des eaux pluviales. 

Il explique que l’ancien gouverneur Mahé de Labourdonnais était un visionnaire. Les grands drains semi-circulaires qu’il a fait construire lors de la colonisation française dans les années 1700 ont permis à l’eau de pluie de s’écouler directement vers la mer. Toutefois, en raison d’un manque de volonté politique, les mesures appropriées ne sont pas prises aujourd’hui pour atténuer le problème des inondations à Port-Louis. 

Sunil Dowarkasing fait également ressortir que dans certaines régions rurales ou à la suite de la mécanisation dans les champs de canne à sucre, des drains naturels ont été comblés, ce qui a provoqué des accumulations d’eau dans ces régions. Il déplore aussi le fait qu’un rapport réalisé par la firme Gibbs sur les drains soit resté au fond d’un tiroir depuis 2002, alors qu’il aurait pu aider à résoudre les problèmes actuels. 

innondation
Onze ans après les inondations de mars 2013, Port-Louis a vécu pratiquement le même scénario en janvier 2024.

Port-Louis en étau

Il ajoute que Port-Louis est confronté à un autre problème : la ville est prise en étau entre l’élévation du niveau de la mer d’un côté et les eaux pluviales dévalant des montagnes de l’autre. 

« Il faut des solutions holistiques pour bloquer l’eau des montagnes à travers des puits d’absorption, une meilleure canalisation des eaux pluviales et l’élimination de tous les obstacles empêchant l’eau de rejoindre la mer, tels que les structures construites pour abriter les marchands de rue, le bâtiment abritant un restaurant rapide et des parkings aménagés sur les drains », souligne-t-il. Sunil Dowarkasing déplore cependant l’ingérence de certains politiciens qui font échouer certaines décisions. 

Le géomorphologue Prem Saddul ajoute que l’homme est le responsable de la situation qui prévaut à Port-Louis lors de fortes pluies. Comme Sunil Dowarkasing, il cite les multiples constructions qui entravent le passage des eaux pluviales. Il déplore également le manque de volonté politique, ainsi que l’absence de décisions courageuses pour leur démolition. 

Il plaide aussi en faveur de mesures pour atténuer la situation, telles que l’aménagement de digues sur les berges des canaux, mais aussi l’installation d’hydrographes pour suivre la montée des eaux dans les systèmes de canalisation des eaux pluviales. 

Prem Saddul explique qu’il est également nécessaire d’étudier la topographie des terrains et des artères à proximité des montagnes, car ces routes se transforment en torrents lors d’averses, incapables d’absorber l’eau en raison du bitume. Mais toutes ces mesures ne seront efficaces qu’avec un nettoyage régulier des drains et une application sévère des lois pour dissuader l’incivisme, souligne-t-il.

Silence radio 
Le Défi Plus a envoyé des demandes d’information au ministère des Collectivités locales et au commissaire de police sur les mesures prises depuis le passage du cyclone Belal en janvier dernier. Nous attendons toujours les réponses aux questions suivantes :

  • Quelles mesures ont été prises depuis les inondations du 30 mars 2013 pour prévenir ou atténuer d’autres problèmes similaires en cas de fortes pluies ? 
  • L’enquête judiciaire sur les inondations de 2013 a formulé une série de recommandations. Ont-elles été mises en œuvre ? Si la réponse est non, quels sont les obstacles à leur mise en application ? 

Nous avons cependant appris de sources sûres que des mesures ont été prises depuis les inondations de mars 2013. Parmi : le recrutement de coordinateurs locaux de gestion des catastrophes dans toutes les collectivités locales, y compris le conseil municipal de Port-Louis. 
Le NDRRMC a également organisé un exercice de simulation pour la réponse aux inondations. Un plan d’évacuation pour le centre-ville de Port-Louis a aussi été élaboré afin de tester le projet de réponse aux inondations, affirme notre source.

Plan d’évacuation 

À la lueur de l’évaluation effectuée sur le terrain, l’élaboration du plan repose sur des principes tels que l’évacuation verticale et la déviation du trafic routier, en mettant l’accent sur la réduction du flux de trafic vers Port-Louis. L’accès aux services critiques, comme les hôpitaux, les Casernes centrales et l’Hôtel du gouvernement, entre autres, devra être préservé. Des actions ont été entreprises par plus d’une quarantaine de parties prenantes pour assurer la sécurité publique, ainsi que pour sauver et protéger des vies. 

La fermeture de routes par la police est également prévue pour empêcher la circulation vers les zones inondées dans le centre-ville de Port-Louis, près du Ruisseau Créole, du Ruisseau du Pouce, du ruisseau de la Poudrière et du Canal Anglais, a expliqué le ministre des Collectivités locales Anwar Husnoo dans sa réponse à la Private Notice Question (PNQ) du leader de l’opposition Xavier-Luc Duval, le mardi 26 mars 2024. Le ministre Husnoo a également mentionné les mesures prises à la suite des inondations provoquées par Belal en janvier. 

Du côté de la police, le responsable de la communication, l’inspecteur Shiva Coothen, soutient que la force policière suit les directives du NDRRMC lors des catastrophes naturelles, conformément au protocole établi. Il a également affirmé que les instructions pour le déploiement des forces d’intervention viennent également de cette instance.

Système d’alerte 
Le National Disaster Risk Reduction Management Centre (NDRRMC) a été créé dans le but de réduire les risques lors des catastrophes naturelles, comme son nom l’indique. Réglementé par la loi de 2016 sur la réduction et la gestion des risques de catastrophe, ce cadre juridique prévoit :

  • La prévention et la réduction des risques de catastrophe ;
  • L’atténuation des effets néfastes des catastrophes ;
  • La préparation aux catastrophes ;
  • La réaction efficace aux catastrophes ; et
  • La gestion des activités post-catastrophe, y compris la réparation et la réhabilitation.

Le NDRRMC, présidé par le ministre Anwar Husnoo, regroupe divers organismes, dont différentes unités de la force policière, le Mauritius Fire and Rescue Service et des représentants de divers ministères, entre autres. Bien que sur papier, le protocole établi dans le cadre de cette législation avec le pré-positionnement des forces d’intervention à des endroits stratégiques semble être une mesure judicieuse, il s’est avéré que la gestion des événements survenus le 15 janvier dernier a été tout simplement inefficace. C’est le directeur des Mauritius Meteorological Services (MMS) qui en a fait les frais. 

Cependant, le nouveau système d’alerte mis en place par les services météorologiques à la suite de divers événements, dont le décès d’un motocycliste alors qu’il se rendait au travail peu de temps après la levée des alertes cycloniques il y a quelques années, semble mieux correspondre aux événements météorologiques perturbés par les changements climatiques. 

Ainsi, la levée des alertes cycloniques est suivie de l’émission d’un bulletin de sécurité, qui est une évaluation de la situation sur le terrain pour garantir qu’après le passage d’un cyclone, les conditions météorologiques permettent de sortir et que les routes sont praticables, entre autres. 

Avec les « Flash Floods » que le pays a connus, le système de « veille de fortes pluies », « avis de fortes pluies », « avis de pluies torrentielles » permet de prendre des dispositions en amont, même si ce système est mal compris ou si les événements prévus ne se sont pas avérés en plusieurs occasions.

Travaux en tous genres 

Dans sa réponse à la PNQ du leader de l’opposition, le ministre Anwar Husnoo a affirmé que divers travaux ont été entrepris par la mairie de Port-Louis, la National Development Unit et la Road Development Unit dans diverses régions. Cela comprend des travaux de drainage à Raoul Rivet ; l’élévation des murs le long du ruisseau du Pouce ; la démolition des dalles couvertes le long du ruisseau du Pouce, de Desroches à la rue Brown Sequard ; et la construction d’une deuxième sortie à Caudan pour augmenter la capacité de l’acheminement des eaux pluviales vers la mer.

Selon le ministre Husnoo, d’autres travaux sont prévus, parmi lesquels la construction d’une « cut-off drain » à Monneron ; des travaux de drainage à Lord Kitchener Street ; et l’amélioration du pont de la Rouselle au Canal Dayot. Il a également mentionné le nettoyage et le désensablement des rivières et des canaux de Port-Louis, qui ont été effectués à divers endroits. 

Diverses autres mesures ont également été prises, a ajouté le ministre, dont des exercices de simulation. Le dernier en date a eu lieu le 28 novembre 2023. Environ 50 parties prenantes y ont participé, dont 20 étaient physiquement présentes au National Emergency Operations Command. 
Anwar Husnoo a également affirmé que des mesures ont été prises par le gouvernement dans le cadre du programme national de gestion des inondations, pour la construction et la réhabilitation de drains par différentes agences de mise en œuvre.

 

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