Interview

Patrick Assirvaden, ex-Chairman du CEB: «Il faut un plan énergétique clair pour dix ans»

L’ancien président du Central Electricity Board (CEB) et président du Parti travailliste (PTr) tire la sonnette d’alarme. Il suggère le retour du projet Maurice Île durable, ainsi qu’une instance pour réguler le secteur. La firme scandinave BWSC a décroché le contrat pour une centrale de 67 MW à St-Louis. C’est un pas dans la bonne direction ? C’est quand les partis de l’opposition ont soutenu que des risques de black-out sont réels que des mesures ont été prises par le CEB pour la construction de cette centrale. Mais cette centrale n’est pas une bonne chose. Car nous allons continuer à dépendre de l’huile lourde. Pire, le gouvernement veut installer des turbines à gaz. Une unité d’électricité coûtera Rs 14 alors qu’avec du charbon, c’est Rs 4. Nous ne faisons rien pour diminuer notre dépendance sur l’huile lourde. Nous ne diversifions pas notre bouquet énergétique. Pourquoi ne pas utiliser le site de CT Power, à Albion, pour une ferme photovoltaïque, semblable à celle de Sarako ?
Pourquoi ? Le problème, à Maurice, c’est qu’en 2016, nous n’avons toujours pas de politique énergétique claire, définie et à long terme. Celle d’au jour le jour se décide au niveau du CEB alors que cela aurait dû être fait au niveau de l’hôtel du gouvernement. Des techniciens prennent des décisions qui auraient dû revenir aux politiciens.
[blockquote]« Avec du recul, je peux dire que le PTr aurait pu mieux faire sur le dossier des énergies renouvelables. »[/blockquote]
Nous avons bien un ministère de l’Énergie ? Certes ! Mais il semble prôner le colmatage. Quand l’opposition disait que le terrain de Bain-des-Dames est marécageux, le ministre ne voulait rien entendre. Le rapport Mott Macdonald a confirmé les dires de l’opposition. Quand il y a des coupures fréquentes, c’est, en fait, le réseau qui cède. Mais le ministre blâme les chauves-souris. Que voulez-vous de plus ? D’abord, il faut un plan énergétique clair pour les dix prochaines années. Il faut mettre l’accent sur les énergies renouvelables. L’ancien gouvernement avait institué le projet Maurice Île durable, qui a été démantelé par l’actuel gouvernement. Remettons cet organisme sur pied, même si on change son appellation. L’avenir de Maurice en dépend. Au cas contraire, nous resterons confinés dans le cercle vicieux qui comprend le charbon et l’huile lourde. Une politique d’efficience maximale est aussi de mise, ainsi qu’un programme de conscientisation dans les écoles et un réseau intelligent (smart grid). Il faut aussi un contrôle sur les appareils électriques. En même temps, Heritage City a revu à la baisse ses estimations en besoins énergétiques. Le CEB a dû être soulagé, n’est-ce pas ? 80 MW pour Heritage City était un chiffre choquant. C’est beaucoup plus que le projet de 67 MW de St-Louis. Pourquoi pour un projet de prestige, où il n’y a aucune urgence, on demande au CEB d’investir près de Rs 3 milliards ? Pourquoi Heritage City ne produit pas sa propre électricité ? Ce que je ne comprends pas, c’est que les villes intelligentes, à l’instar de Heritage City, doivent être autonomes sur le plan énergétique. Elles doivent privilégier des sources d’énergies vertes pour leur fonctionnement. Selon vous, le CEB ne pourra pas soutenir la demande énergétique des ‘smart cities’ ? Non. Le CEB répond à la demande croissante en énergie et prend des mesures pour augmenter sa capacité. Or, valeur du jour, nul ne peut dire combien de villes intelligentes verront vraiment le jour. Le Budget n’est-il pas l’occasion de rectifier le tir ? Concernant l’énergie, le gouvernement Lepep ne se positionne pas clairement par rapport aux IPP, au charbon… Le précédent Budget ne fait aucunement mention de cela. Et voilà qu’avant même la présentation de son deuxième Budget, le gouvernement s’attache les mains avec le projet Heritage City. Ce sera un fardeau pour le CEB et par ricochet, pour la population. J’espère que le ministre Ivan Collendavelloo viendra avec un état général de l’énergie. Quelles sont les mesures, sur le plan énergétique, qui devraient figurer dans le prochain Budget de Pravind Jugnauth ? Je souhaite que l’accent soit mis sur les énergies vertes. À ce jour, nos plans en la matière sont timides et tâtonnants. J’espère qu’il y aura des incitations fiscales et financières pour les sociétés et individus pour développer ce secteur. Sur le plan administratif, il faut trouver une solution pour débloquer la situation qui prend actuellement trop de temps. Pravind Jugnauth doit donner de l’argent au CEB pour moderniser son réseau. Il ne faut pas oublier que nous avons 7 500 km de réseau qui requiert de la maintenance. Instituons aussi un régulateur pour contrôler ce secteur. Ensuite, une réforme du CEB s’impose. Cet organisme est complètement dépassé. C’est même devenu un champ de bataille où l’on règle ses comptes. Le PTr ne regrette-t-il pas de ne pas avoir fait assez sur le dossier de l’énergie verte ? Définitivement. Nous ne sommes pas allés suffisamment vite, à mon goût, sur le dossier des énergies renouvelables. Mais nous avons tout de même démarré plusieurs projets : la ferme éolienne de Plaine-des-Roches, les photovoltaïques de Sarako, les petits IPP… Avec du recul, je peux dire que le PTr aurait pu mieux faire. Mais l’actuel gouvernement n’a quasiment rien fait sur ce dossier. Nous avons accumulé du retard comparé à l’île sœur. Un mot sur le métro léger… C’est un symbole. L’Alliance Lepep disait que c’était une erreur du PTr, mais il fait la même chose. Idem pour les speed cameras, les centres de fitness… On critique les rouges, puis on les copie, et mal en plus. Pour que le projet de métro léger soit viable, il faut 15 à 17 stations comme nous l’avions proposé. Le gouvernement propose sept à huit stations. Il n’y aura pas de masse critique. 17 stations auraient permis de créer des emplois et des commerces. Contrairement à nous, le gouvernement n’a donné aucune garantie que les emplois des travailleurs du secteur du transport seront sauvegardés. Ce projet revient sur le tapis uniquement à cause de l’argent obtenu de l’Inde. … et le PTr. Nous sommes toujours en phase de reconstruction du PTr. Cela prendra le temps qu’il faut. Nos récents congrès étaient plutôt des rencontres avec le peuple. Nous voulons écouter les doléances des gens par rapport à nos erreurs du passé. Nous sentons qu’il y a une nostalgie du PTr. Mais le moment n’est pas encore venu. Entre-temps, le parti se consolide et se réforme, après son mea culpa.
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