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Perception tenace: quand le recrutement fait jaser...

Chaque recrutement dans la Fonction publique génère son lot de mécontents. Les commentaires n’ont pas manqué cette semaine contre le ministère de la Santé, après l’embauche de soixante généralistes. Sur 460 demandes pour un poste de médecin des hôpitaux publics, 60 candidats ont été retenus. Le choix a été fait par un comité du ministère de la Santé auquel la Public Service Commission a délégué ses pouvoirs, une mesure à laquelle la commission a recours pour des professions très techniques. Pour bien des observateurs publics, l’exercice n’a pas été équitable : deux recrutés sur trois auraient des liens avec des membres du gouvernement, estiment les candidats malchanceux. Critique gratuite ou observation justifiée ? Comment le favoritisme peut-il perdurer, alors que nous posons, régime après régime, des garde-fous pour nous en protéger ? Car les garde-fous existent bel et bien. à commencer par la Public Service Commission elle-même. Pitch Venkatasamy, de Think Mauritius, est de ceux qui sont convaincus que les personnes nommées à la tête de cette instance sont intègres. « Certains ne se laissent pas marcher sur les pieds et résistent à toute interférence des ministres, qui n’ont pas le droit de modifier leur liste. Il faut leur faire confiance », soutient-il. Il y a l’Equal Opportunities Commission (EOC) et le Public Bodies Appeal Tribunal, instances de recours pour ceux qui estiment avoir été lésés lors d’un exercice de recrutement. Il y a enfin le jugement du public, impitoyable.

Promesses de campagne

Malgré ces filets, la perception selon laquelle les ministres peuvent placer leurs gens reste tenace. C’est la faute aux politiciens eux-mêmes, qui nourrissent cette perception. En outre, les promesses faites aux agents et autres soutiens de campagne font perdurer le cercle vicieux. Ce n’est pas un hasard si les recrues sont plus nombreuses dans les circonscriptions des élus ayant un plus grand poids politique, fait ressortir Philippe Hardy, président de Transparency Mauritius. Cette perception est-elle fausse ? Bien que la PSC soit indépendante, la tentation de « politiser le recrutement » menace, soutient Radhakrishna Sadien, président de la Government Services Employees Association (GSEA). « Depuis quelque temps, il y a un mauvais usage de la délégation des pouvoirs de la PSC. On en profite pour recruter également à haut niveau », fait-il remarquer, déplorant que la culture du « coup de pouce » ait raison de la méritocratie. [blockquote]«C’est en effet devenu une culture. Et les politiciens se prêtent au jeu.»[/blockquote] Si les réactions de ceux qui crient à la discrimination sont si vives, c’est aussi parce que la Fonction publique reste fortement convoitée et que les places sont limitées. Pour l’exercice de recrutement des médecins dont il est question, certains attendent depuis plus de trois ans. Or, l’état ne peut accommoder tous les postulants. Il doit au contraire dégraisser. Le fait qu’il limite le nombre de personnes choisies rend plus délicat le choix.

« Screening exercise »

Arrivera-t-on un jour à dissiper la perception d’ingérence ? Pour Jack Bizlall, il faut que la liste des personnes retenues fasse l’objet d’un « screening » par le ministère du Travail. Cet exercice déterminera si les noms figurant sur les listes sont des proches du pouvoir. Une enquête serait alors initiée pour vérifier si ces candidats sont aussi méritants que les autres. Autre solution suggérée par l’alliance Lepep durant la campagne 2014 : filmer les entretiens. Une option sur laquelle Pitch Venkatasawmy, membre de Think Mauritius, a des doutes. [blockquote]«Les caméras peuvent être intimidantes et ajouter une pression supplémentaire sur les épaules du candidat», dit-il.[/blockquote] Il propose en revanche que Maurice adopte le même principe que l’Australie, c’est-à-dire que soit publiée une liste des personnes recrutées avec leurs compétences pour le poste qu’ils vont occuper. Cela assurera une transparence « après » le recrutement, ce qui permet au candidat s’estimant lésé de recourir aux instances aptes à enquêter. [padding-p-1 custom_class=""][/padding-p-1]

Le cri du cœur d’un recalé

Il fait partie des médecins qui n’ont pas été retenus au dernier exercice, la semaine dernière. Le Dr Rakesh Bakhoree tente d’integrer le service de santé depuis 2013. Il est amer et qualifie « d’injustice » ce que lui-même et ses collègues laissés sur la touche subissent. « On n’a jamais été témoin d’une telle chose auparavant. J’ai écrit à l’EOC, à la PSC, au Bureau du Premier ministre. J’ai rencontré des hommes de loi, en vain », dit-il. Ce qu’il déplore d’abord, c’est que la seniority n’ait pas été prise en compte. « Comment des médecins qui ont terminé leur internat il y a à peine une année ont-ils été retenus aux dépens de ceux qui ont entre deux et quatre ans d’expérience ? Pourquoi avoir aboli l’ancien système, qui permettait aux médecins ayant passé leur entrevue avec succès d’être recrutés grâce à leur ancienneté ? » se demande-t-il.

« Choquant »

« Le manque de transparence sur le choix des candidats est aussi choquant », dit-il. « Nous sommes supposés être dans une démocratie, où la transparence est pratiquée. Si c’est comme ça, qu’on révèle au moins les noms des recrues ». Le médecin juge inapproprié que c’était un comité du ministère et non la Public Service Commission (PSC) qui a procédé à cet exercice fort délicat, dans la mesure où les places étaient limitées. Au-delà de l’exercice du 12 octobre, il pense que le ministère aurait dû revoir le nombre de personnes à recruter. « Il dit avoir payé plus de Rs 2 millions pour des heures supplémentaires. Or, le PRB et la Medical Association demandent depuis des années l’introduction d’un système de shift. Au lieu de payer pour des heures supplémentaires, qu’il offre du travail à 100 médecins sans emploi. Même s’ils touchent moins, ils pourront faire vivre leurs familles. Et cela diminuera la pression sur le gouvernement, car les médecins travaillent dans de meilleures conditions », s’insurge-t-il. Le Dr Bakhoree avoue son pessimisme. « Beaucoup regrettent aujourd’hui d’avoir choisi de faire carrière dans la médecine. Je ne crois pas que les choses vont changer au niveau du ministère. Je garde néanmoins espoir qu’un jour la vérité et la justice prévaudront », dit-il.

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