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Plan d’assurance médicale : plein feu sur les mauvaises pratiques

L'APHPA ne peut établir un ‘Scale of cost’ commun.

La Competition Commission a sommé des compagnies faisant partie de l’Association of Private Health Plans and Administrators (APHPA), de mettre fin à une pratique jugée collusoire entre compétiteurs. Celle-ci consistait à limiter le remboursement pour des traitements médicaux ou des traitements à l’étranger. Ces compagnies doivent aussi payer des amendes totalisant quelque Rs 11,3 millions. 

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Les trois catégories d’entités concernées par cette décision de la Competition Commission (CCM) – compagnies d’assurance, administrateurs et les grandes entreprises – s’étaient mises d’accord sur un « scale of cost agreement ». Il s’agit d’un document qui établissait les montants (maximum) des prestations médicales. Concrètement, pour certains types de traitement ou d’intervention pratiquée sur un patient dans une clinique privée, une unité (ou code) allant de 1 à 9 y est attribuée, où une unité correspond à une somme d’argent prédéfinie. 

Or, la CCM considère que l’APHPA ne peut établir un ‘Scale of cost’ commun pour deux raisons. D’abord, en ce faisant, l’association a fixé, d’un commun accord avec ses membres, les charges ou honoraires à pratiquer pour des interventions. « (…) it has the object of fixing the purchase price of doctor’s service (…) », peut-on lire dans la décision de la CCM. Ensuite, la ‘Scale of Cost’ fixait aussi le montant maximum que les membres d’APHPA comptaient rembourser aux patients. « (…) to fix, among others, the maximum price to be paid to doctors for inpatient treatment ». 

Coût de l’intervention

En ce faisant, la CCM estime que cela pouvait poser problème à un patient dont le coût de l’intervention dépasse celui déjà préconisé par le code. Selon le directeur d’une compagnie d’assurance, si tel était le cas, la compagnie d’assurance pouvait refuser de payer, ou alors, comme souvent, la compagnie d’assurance acceptait de payer le montant maximum préconisé par le code seulement, le patient devant alors payer le montant restant de sa poche. 

C’est notamment le cas pour les interventions en gynécologie où souvent les frais des médecins varient grandement. D’ailleurs, la CCM fait comprendre que l’Association des gynécologues avait refusé de s’adhérer au code établi par l’APHPA.  La CCM considère que l’APHPA a ainsi fixé le montant des interventions sachant que les gynécologues n’allaient pas s’y conformer. « Therefore, in so far gynecological treatment is concerned, the scale of cost will by its object distort competition as it does not consider the potential countervailing arguments from the acquisition side ». La Commission estime donc que dans le cas de la gynécologie, la pratique du ‘Scale of Cost’ est égale à une collusion. 

Traitement à l’étranger

La CCM considère qu’il y eu collusion également parmi certains membres de l’APHPA dans le cas des traitements à l’étranger. Les 8 membres concernés s’étaient mis d’accord qu’ils rembourseraient uniquement dans les cas où les interventions ne pouvaient se faire à Maurice. Ils étaient aussi tombés d’accord sur les pays où le patient devait se rendre pour chaque type de traitement afin d’y être éligible à un remboursement. Or, la CCM que cela limite la compétition entre les différents prestataires. « (…) they have agreed on a given policy, and have thus limited the competition that could have happened among them in terms. » 

Selon les explications du directeur de compagnie d’assurance, si un patient voulait, par exemple, subir une opération de la cataracte dans un pays européen en supposant qu’il obtiendrait un meilleur service, il pouvait ne pas être remboursé sous prétexte que l’opération peut se faire à Maurice. Ou alors, il obtenait le remboursement d’un montant déjà défini par ces compagnies pour l’opération de la cataracte à Maurice. « Une fois de plus si les frais à l’étranger dépassent ce montant, le patient devait payer de sa poche le montant restant », souligne-t-il. Or, notre interlocuteur considère que tous les patients ne peuvent être traités de la même façon. « Pour la bonne et simple raison que la police d’assurance d’un patient est spécifique à lui.  On ne peut appliquer les mêmes règles across the board », dit-il.

Pénalités de Rs 11,6 millions

Elles sont au total 12 compagnies à avoir participé à cette pratique de collusion. Elles sont : Swan General Limited, la Mauritius Union Assurance Company Limited, Eagle Insurance Limited, Sicom General Insurance, Jubilee Insurance Mauritius Limited, Medscheme Mauritius Limited et Linkham Services limited, Business Mauritius Provident Association, Air Mauritius Provident Association, Ireland Blyth Limited Provident Association, Mauritius Commercial Bank Staff Provident Association et Rogers Group Provident Association. Toutefois, seules les sept premières ont été appelées à payer des pénalités qui varient entre plus de Rs 6 millions et Rs 45 000.

Coût uniforme : Collusion mais…

L’application d’un ‘Scale of Cost’ ne serait pas forcément une mauvaise pratique, concède la CCM dans sa décision. D’un côté, la pratique de coût uniforme permet de contenir les honoraires de certains prestataires de services de santé, sachant que pour les mêmes services, les honoraires varient parfois du simple au double. Le coût uniforme permet aussi aux clients de mieux comparer les prestations d’assurances entre les différentes compagnies. 

Comment est défini le « code » ?

Selon un médecin du privé, le code est régi par une multitude de facteurs. « Le code varie en fonction de la discipline, la chirurgie à pratiquer, la sévérité de la maladie, le nombre d’heures dans le bloc opératoire ainsi qu’une multitude d’autres facteurs », dit-il.  Et d’ajouter que si le traitement intervient durant les « Emergency hours », qui sont de 20h à 8h, il faut compter des frais supplémentaires qui tournent autour de 20 % en moyenne.

Un gynécologue : « Nos honoraires ne peuvent être fixés de manière unilatérale »

Selon la CCM, l’Association des gynécologues n’a pas souhaité s’adhérer au Scale of Cost de l’APHPA. Par conséquent, des frais de traitement ou d’intervention auprès d’un gynécologue n’étaient pas toujours couverts dans sa totalité, contraignant le patient à trouver la somme restante. Dans le camp des gynécologues, on dit assumer ce choix et estime que les compagnies d’assurance ne peuvent fixer « de manière unilatérale » leurs honoraires. « Le frais de consultation d’un gynécologue, par exemple, peut aller de Rs 1 200 à Rs 2 500. Celui-ci fixe ses honoraires en fonction de ses compétences et de son expérience, parmi d’autres critères. Nous suivons le code, mais nous n’y adhérons pas pleinement car il y a parfois des situations d’urgence. Il faut aussi prendre en compte la spécificité de la chirurgie ou encore la surspécialisation », dit-il. 

Connivence médecin-patient-clinique

La connivence entre des patients, des médecins et des centres de santé privés serait l’une des raisons ayant poussé à mettre en place ce ‘Scale of cost’ et à fixer, dans certains cas, le montant qui sera remboursé. C’est ce que nous explique un cadre d’une des compagnies épinglées par la CCM. « Dans certains cas, une compagnie d’assurance peut légitimement refuser de financer une intervention. Pour contourner cette situation, le médecin ainsi que la clinique soumettent un faux rapport, mentionnant une intervention autre que celle pratiquée. L’objectif étant clairement de tromper la compagnie d’assurance afin que celle-ci rembourse le montant de l’intervention », dit-il. 

Toutefois, un médecin qui ne cache pas qu’il a déjà eu recours à une telle pratique se défend et met en avant l’aspect « humanitaire ». « Parfois, des compagnies d’assurance cherchent la petite bête et met en avant des points légaux pour éviter de financer un traitement. Or, le patient lui, souffre véritablement et n’a pas toujours les moyens de payer de sa poche tout le montant de l’intervention, essentielle à sa survie ou son bien-être. C’est dans ces cas précis que nous choisissons parfois de contourner le règlement car la vie n’a pas de prix », dit-il.

 

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