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Politique : un faux air de campagne électorale 

L'échiquier politique s'agite avec des réunions et autres évènements tant pour l'opposition que pour la majorit◙é gouvernementale.

Le pays est-il entré en période de campagne électorale ? La concrétisation de l'alliance entre le Parti travailliste (PTr), le Mouvement militant mauricien (MMM) et le Parti mauricien social-démocrate (PMSD) semble en tout cas avoir intensifié l'ambiance politique. 

Dans un contexte où, d'une part, des querelles surgissent entre l'alliance PTr-MMM-PMSD et les autorités au sujet de l'accès à certains lieux pour la tenue de congrès politiques, et d'autre part, l'attente du jugement du Privy Council concernant la contestation de l'élection de Pravind Jugnauth et de ses deux colistiers, le pays semble être de nouveau plongé dans le jeu politique.

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Toutefois, pour l’historien et observateur politique Jocelyn Chan Low, ce climat politique n’a rien de nouveau car, selon lui, nous sommes, en réalité, en campagne électorale perpétuelle. « Au cœur de ce problème réside la structure même du système électoral. À Maurice, le système de First Past The Post fragmente souvent le pouvoir politique et rend difficile l'émergence d'une majorité parlementaire clairement établie. Ainsi, même si un gouvernement remporte le plus grand nombre de sièges parlementaires, cela ne signifie pas nécessairement qu'il a reçu le soutien de la majorité de l'électorat. Cette disparité crée une situation où une partie substantielle de la population reste fondamentalement opposée au gouvernement en place, alimentant ainsi un climat constant de méfiance et de tension politique », explique-t-il. 

Jocelyn Chan Low ajoute qu’avec une opposition soutenue par une base de mécontents, « la rhétorique politique ne se calme jamais ». Les gouvernements en place ne peuvent rester les bras croisés et se sentent constamment obligés de contre-attaquer. « Les gouvernements qui se succèdent se sentent obligés de prendre des décisions populaires pour éviter de froisser leur électorat. Cependant, ces décisions ne sont pas toujours alignées sur les besoins à long terme du pays, mais plutôt sur la nécessité de maintenir une popularité politique fragile ». De plus, souligne-t-il, avec le faible pourcentage de votes recueilli par le gouvernement aux dernières élections, la pression politique est encore plus palpable depuis les législatives de 2019.

Notre interlocuteur évoque également la contestation de l'élection de Pravind Jugnauth devant le Privy Council. « Le jugement qui sera rendu plongera encore davantage le pays dans l'effervescence électorale. Si le Privy Council donne raison à Pravind Jugnauth, il est à prévoir que le gouvernement multipliera les sorties publiques. Les membres du gouvernement s'appuieront sur ce jugement afin de discréditer la campagne de l'opposition, laquelle prétend que les dernières élections ont été entachées d'irrégularités. En revanche, en cas de décision défavorable, l'opposition parlementaire exploitera assurément cette situation pour accroître la pression sur le gouvernement en exercice. »

L’observateur politique Alexandre Barbès-Pougnet voit les choses sous un angle différent. Selon lui, c’est uniquement l’opposition parlementaire qui a déjà commencé à investir le terrain. « C’est dans l’intérêt de l’opposition parlementaire d’investir le terrain très tôt afin de rallier le maximum de leurs partisans qui ne sont pas forcément d’accord avec cette alliance. Le PTr et le MMM s'efforcent de créer une alliance cohésive. Les électeurs du PTr ne sont pas automatiquement en faveur du MMM et vice versa. Un exemple révélateur de cette dynamique remonte aux élections de 2014, lorsque le PTr a été accusé par certains membres du MMM d'avoir contribué à la défaite de Bérenger. Le gouvernement va pour sa part donner la réplique à l’opposition parlementaire en capitalisant sur d'éventuelles divisions historiques entre le PTr, le MMM et le PMSD. »

L’ancien éditorialiste Yvan Martial soulève une autre perspective. « Avec une population d'environ 1,2 million d'habitants, je ne ressens pas encore le début d'une campagne électorale active. Il n’y a que 2 000 à 3000 personnes à Maurice qui sont actuellement réellement préoccupées par toute cette chose politique. L'attention des citoyens se tournera davantage vers les élections lorsque l'assemblée sera dissoute, marquant ainsi le début officiel de la course électorale », dit-il. 

L'idée avancée par Yvan Martial est que les leaders politiques ne doivent pas projeter leurs rêves sur la réalité du terrain. « La population a des préoccupations diverses et préfère se concentrer sur le coût de la vie, sur la manière de dépenser son argent, entre autres. Les aspirations politiques des dirigeants ne coïncident pas nécessairement avec les besoins et les priorités de la population ». Évoquant le licenciement de la syndicaliste et employée d’Air Mauritius Yogita Baboo-Rama, il déplore que l’opposition ne se soit pas réellement intéressée au cas de cette personne. « Je pense même que l’opposition aurait agi de la même manière si ses membres avaient été au pouvoir. »

Abdallah Goolamallee, chargé de cours et observateur politique, rappelle que les protagonistes politiques ne sont pas les arbitres de l'annonce des élections, cette prérogative revenant au Premier ministre. Notant le caractère stratégique de la concrétisation de l’alliance PTr-MMM-PMSD, il souligne qu’elle a été scellée « en anticipant un éventuel revers devant le Privy Council par rapport à la contestation de l’élection du Premier ministre. Il s’agit ni plus ni moins d’une manipulation de l'opinion publique, avec une tentative de créer une perception préélectorale au sein de la population. » 

Commentant la manière dont le gouvernement a décidé de donner la réplique à l’opposition, Abdallah Goolamallee affirme que cela a été une réponse basique en considérant qu'il n'y a pas encore d'enjeu électoral majeur à ce stade. Il dit observer que l’opposition s’efforce de créer une impression de campagne électorale, mais il estime que cela concerne principalement ses partisans et une partie spécifique de la population. « L'ensemble de la population sait que les élections ne sont pas imminentes. Les préoccupations des citoyens sont plus orientées vers les décisions gouvernementales qui pourraient améliorer leurs conditions de vie », conclut-il. 

 

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