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Pour se démarquer

On prend les mêmes et on recommence. Il est fort à craindre que le prochain budget national ne soit pas si différent du dernier : ronflant et peu stimulant. À la seule différence que ce sera très probablement un budget du ministère des Finances plutôt que du ministre des Finances. Or le budget d’un pays doit porter la marque de celui qui le présente à la nation, en l’occurrence celui qui en est politiquement responsable. Et même si ses trois devanciers font partie de la majorité gouvernementale, l’actuel grand argentier se distinguera en produisant un budget qui se démarque par son caractère novateur. Reconnaissons que c’est embarrassant de changer de fusil d’épaule toutes les saisons. Au début de l’été 2015, le gouvernement dévoile sa vision dans le discours-programme. Deux mois plus tard, sans crier gare, le budget de Vishnu Lutchmeenaraidoo annonce un plan pour des Smart Cities. Arrive l’hiver, et c’est le Premier ministre lui-même qui vient avec une Economic Mission Statement. L’encre est à peine séchée sur ce document que le Conseil des ministres sort un tout nouveau projet, celui de Heritage City, comme pour montrer que l’immobilier figure en première position à l’agenda du gouvernement. Mais ne voilà-t-il pas qu’en cet été 2016, le chef du gouvernement, maintenant aussi ministre des Finances, semble mettre moins d’accent sur ce secteur de l’économie. Ce changement de focus est traduit dans les propos du nouveau conseiller du ministère des Finances, Gérard Sanspeur, dans un entretien au journal le mauricien : « L’erreur des années précédentes a été de se focaliser sur les investissements en relation avec l’immobilier. Il faut réduire la dépendance envers l’immobilier et retourner vers les secteurs comme la manufacture, les TIC, les services financiers qui sont plus robustes. » Cela constitue un aveu d’échec du premier budget qui a fait de l’immobilier la clé de voûte de la relance de l’économie. On nous avait promis que la première Smart City sortirait des terres au plus tard en 2017. Aujourd’hui, des doutes germent dans les esprits au point qu’un éditorialiste fait référence aux « hypothétiques Smart Cities ». Il convient effectivement de se concentrer cette fois sur les secteurs traditionnels sans toutefois négliger l’immobilier. Celui-ci est une activité économique à part entière qui génère de la valeur ajoutée. À ce titre, c’est un secteur productif. Le véritable problème, c’est le surinvestissement dans l’immobilier, si bien que certains projets s’avèrent non-productifs en ce sens qu’ils ne sont pas rentables. Des ressources sont ainsi mal réparties, leurs prix du marché sont faussés, et les créances douteuses s’accumulent dans les banques. Suivra alors une hausse du taux d’intérêt qui pénalisera les emprunteurs ayant des projets viables. Lesquels proviennent justement des secteurs traditionnels. Il faut certainement consolider ces derniers, ce pour quoi le gouvernement est à l’écoute de leurs opérateurs. Mais il ne doit pas se sentir obligé de prendre en considération toutes leurs propositions. Certaines sont bonnes, d’autres sont insensées. Le plus farfelu : une baisse de 100 points de base du taux directeur. Si l’on veut préserver l’indépendance de la Banque centrale, il ne revient pas au ministre des Finances de dicter la politique monétaire. Et d’ailleurs, les changements du taux repo ont peu d’effet sur l’emprunt, le taux de base bancaire n’ayant pas suivi la dernière réduction de 0,25 %. Le plus discutable : un protectionnisme tarifaire pour la manufacture locale. Cela réduira le surplus du consommateur alors même que la consommation croît modérément. Souhaite-t-on la perte du pouvoir d’achat des Mauriciens pour qu’ils achètent des produits locaux moins chers que les produits importés ? Le plus acceptable : un allégement des procédures de l’administration publique. Malgré toutes les bonnes volontés des dirigeants politiques, des projets d’investissement restent bloqués dans les interstices de la bureaucratie. Seule la législation peut rendre effective une approche rapide. Reste que le gouvernement n’accordera pas au secteur privé des mesures considérables, sachant que de toute façon ce dernier applaudira le budget sans discernement, comme chaque année. Là où l’on attend le ministre des Finances, pour qu’il se démarque de ses prédécesseurs, c’est qu’il donne un grand coup de pied dans la fourmilière des corps paraétatiques. Si le budget de l’année dernière a été étrangement silencieux sur les institutions parapubliques, celui de 2016-2017 devrait être axé essentiellement sur la réforme de ce secteur afin d’éviter la destruction de richesse. Saluons la détermination du Premier ministre adjoint de restructurer la Cargo Handling Corporation où la productivité n’est pas à la hauteur des niveaux de salaire. Mais quid des autres ? La Central Water Authority doit savoir que la distribution d’eau ne s’améliore pas, le Central Electricity Board que les coupures de courant se répètent trop souvent, et la State Investment Corporation que la suspicion règne dans les casinos. La méritocratie ne prime pas chez Airports of Mauritius, la gestion des risques n’est pas structurée à la State Trading Corporation, et le gaspillage de fonds continue à la Banque de développement. Le public a le droit de connaître la valeur ajoutée qu’apportent les entreprises paraétatiques à l’économie. Pour cela, il faut les obliger, comme pour les sociétés cotées en bourse, à publier leur compte financier, et ce, dans les délais prescrits par la loi. La bonne gouvernance commence par la transparence. www.pluriconseil.com
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