Live News

Poursuites judiciaires : une épée de Damoclès sur la tête des médecins

Depuis la condamnation de l’ex-gynécologue Abdool Yusuf Boodoo, le débat enfle sur le fait d’engager ou pas des poursuites judiciaires contre un médecin en cas de négligence ou d’erreur médicale. La Private Medical Practitioners’ Association espère rencontrer le ministre de la Santé et le Medical Council pour en discuter. 

Publicité

Le fait que l’ex-gynécologue Abdool Yusuf Boodoo a perdu sa bataille pour être exonéré de tout blâme vient réactiver le débat. Un médecin doit-il être poursuivi en justice en cas d’erreur médicale ? Cette erreur peut-elle être considérée comme un « acte criminel » ? Comment affirmer sans nul doute possible qu’elle était délibérée et qu’il y avait une intention de tuer ? 

Dans le cas de l’ex-gynécologue, il a été à la fois radié de l’Ordre des médecins et condamné à six mois de prison pour homicide involontaire par imprudence, suivant le décès d’une patiente de 33 ans lors d’une césarienne. La sanction se devait-elle d’être double ? La Private Medical Practitioners’ Asssociation (PMPA), qui regroupe des médecins du privé, souhaite éclaircir ce point avec le ministre de la Santé et le Medical Council lors d’une rencontre. L’association compile en ce moment des informations dans l’attente de cette réunion. 

En attendant, elle précise que c’est comme si les médecins avaient une épée de Damoclès sur la tête. Ce que confirme un membre influent de la PMPA, qui a requis l’anonymat : « Les professionnels de la santé vivent dans l’angoisse pour chaque diagnostic qu’ils posent. » Cela signifie-t-il pour autant qu’il faille accorder l’immunité aux médecins ? Non, rétorque le membre de l’association. « Ils ne sont pas au-dessus de la loi. Chacun doit prendre ses responsabilités », concède-t-il. Mais il estime que les médecins ont droit au bénéfice du doute. « Nul ne se lève un matin et se dit qu’il va faire exprès de tuer un patient », lance-t-il. 

Le Dr Bassodev Goolaub, médecin généraliste exerçant dans le privé, fait ressortir qu’avant de présenter un médecin devant une cour de justice et le faire condamner « comme un vulgaire criminel », il faut être sûr à 100 % qu’il n’a pas essayé de faire de son mieux pour sauver la vie du patient. « Une erreur peut arriver à n’importe quel moment. Il faut être certain qu’elle a été faite en connaissance de cause pour que cela soit considéré comme un acte criminel », insiste-t-il.

Il précise qu’un médecin est un être humain avant tout. « Ce n’est pas une machine. Il n’est pas infaillible. Il peut commettre une erreur n’importe quand », souligne-t-il. Sauf que son erreur peut être fatale et coûter la vie à un patient. à cela, le Dr Bassodev Goolaub réplique qu’il ne faut pas faire l’amalgame entre « erreur médicale » et « négligence médicale ». (voir des explications en encadré). Il martèle qu’il ne faut pas considérer une erreur médicale comme un cas de négligence punissable par la loi. En revanche, il n’est pas contre une sanction, comme le prévoit la Medical Council Act, en cas de « medical negligence, professional misconduct, malpractice or any breach of the Code of Practice ». 

Une source du Medical Council, qui a requis l’anonymat, trouve inconcevable qu’un médecin obtienne l’immunité dans l’exercice de ses fonctions. Il estime que « cela laissera place au laxisme » si cela se produit. « Certains médecins pourraient ne pas prendre suffisamment de précautions en exerçant », estime-t-il. 

S’il trouve injuste qu’un médecin soit poursuivi pour homicide involontaire en cas d’erreur médicale, au même titre qu’un automobiliste en état d’ébriété qui provoque un accident avec mort d’homme, il concède cependant que nul n’est au-dessus de la loi. « On ne peut pas aller contre la justice. » Commentant le cas de l’ex-gynécologue Abdool Yusuf Boodoo, condamné à six mois de prison, il indique qu’il y a eu « de grosses lacunes durant l’intervention ». Il estime que, si la cour a pris une telle décision, c’est parce qu’elle « considère que les fautes de l’ancien gynécologue sont impardonnables ». 

Nous avons sollicité d’autres associations de médecins pour obtenir leurs réactions, mais nos tentatives ont été vaines.

Erreur médicale vs négligence médicale 

Une erreur médicale n’est pas intentionnelle. Elle peut survenir de manière inattendue au cours d’une intervention. C’est ce qu’explique le Dr Goolaub. Il définit la négligence médicale comme un acte qu’on continue à faire, bien qu’étant conscient qu’il est mauvais.

Le Medical Council : «Une double sanction est possible, dépendant de la gravité du cas»

Un acte de négligence médicale ou de mauvaise conduite professionnelle peut valoir à un médecin d’être sanctionné par le Medical Council. C’est qu’a répondu le Registrar de l’Ordre des médecins, lorsque nous lui avons posé la question. Expliquant la procédure, il a indiqué que, si après une enquête préliminaire, le Medical Council est d’avis que le « medical practitioner has committed a major fault », le cas est transmis au Medical Tribunal pour une enquête plus approfondie. Ce dernier soumet alors son rapport au Medical Council pour qu’une décision finale puisse être prise. 

Quand est-ce qu’un cas atterrit devant la justice ? « Il peut être transmis à une cour de justice si le médecin n’est pas d’accord avec les mesures disciplinaires prises contre lui. Il peut s’agir d’un avertissement ou d’une suspension. Le plaignant peut alors demander la permission de recourir à une révision judiciaire, devant la Cour suprême, de la décision prise par le Medical Council », explique le Registrar. 

Les sanctions que le Medical Council peut prendre à l’encontre d’un Medical Practitioner sont les suivantes : un avertissement, une réprimande, une suspension ou la radiation de l’Ordre des médecins. Quant à celles que prennent la cour, elles incluent une amende ou une peine d’emprisonnement. Que penser de la double sanction, c’est-à-dire que le médecin est à la fois sanctionné par le Medical Council et par la justice ? Le Medical Council répond qu’« une double sanction est possible, dépendant de la gravité d’un cas, et s’il a été rapporté à la fois à notre instance et à la police ».

Indemnisation

Les médecins du privé sont couverts par une police d’assurance en cas de « medical malpractice ». Cela couvre la responsabilité du médecin pour une faute professionnelle commise dans l’exercice de ses fonctions. C’est ce qu’explique Jean-Yves Violette, président de l’Insurance Institute of Mauritius. Cela sert à dédommager le patient ou la victime de la faute. 

Mais il précise que les allégations d’erreur médicale doivent être soutenues par des évidences solides et n’exemptent pas non plus le médecin d’une sanction de la part des instances appropriées (Medical Council, ministère de la Santé ou autre). « L’assurance ne couvre que le medical malpractice », insiste-t-il.

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !