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Pravind Jugnauth vs Navin Ramgoolam : entre bilan positif et sentiment de frayeur

Pravind Jugnauth lors de son discours du 12 mars. Les dirigeants de l'alliance PTr-MMM-PMSD.

La semaine écoulée a été marquée par les prises de parole des deux prétendants au poste de Premier ministre, Pravind Jugnauth et Navin Ramgoolam. Tandis que l'un soutient que le pays est bien dirigé sous l'égide du Mouvement socialiste militant, l'autre met en avant un sentiment de peur.

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La stratégie électoraliste de Pravind Jugnauth 

Le discours prononcé par le Premier ministre Pravind Jugnauth lors de la célébration de la fête de l'indépendance révèle clairement l'influence du contexte électoral. L'annonce de l'augmentation de la pension de vieillesse à 13 500 roupies à partir du mois d'avril est largement interprétée comme une manœuvre politique visant à consolider le soutien du Mouvement Socialiste Militant auprès des retraités. Cette mesure s'inscrit dans la continuité de la stratégie initiée lors des élections générales de 2014 par Sir Anerood Jugnauth, qui avait promis de porter la pension de vieillesse à 5 000 roupies, marquant ainsi un tournant décisif dans la campagne électorale de l'époque.

Cependant, selon certains observateurs, Pravind Jugnauth n'avait pas vraiment le choix que d'annoncer cette mesure lors de cette occasion. En effet, la limitation de l'augmentation de la pension à 13 500 roupies aux seuls retraités âgés de plus de 75 ans, annoncée lors du message du Nouvel an, avait créé un sentiment de favoritisme envers certains retraités au détriment d'autres. Ainsi, l'annonce du 12 mars visait également à apaiser cette frustration et à corriger cette perception de discrimination ressentie lors du précédent message. En réaffirmant l'engagement envers l'ensemble des retraités, le Premier ministre cherchait à rétablir la confiance et à regagner le soutien parmi les électeurs concernés, tout en consolidant sa position politique à l'approche des élections.

D'autre part, bien que l'annonce de l'augmentation de la pension pour l'ensemble des retraités et les promotions au sein de la force policière aient dominé l'attention lors du discours du Premier ministre, des proches du gouvernement observent qu'au cours des derniers mois, Pravind Jugnauth a également souligné l'importance de la jeunesse et son engagement à lutter contre la violence envers les femmes.

« Il est indéniable que le MSM a mis l'accent sur les retraités depuis 2014, mais le Premier ministre et son parti cherchent également à toucher d'autres segments de l'électorat. En somme, le Premier ministre vise à élargir sa base de soutien et à inclure tous les secteurs de la société. Le prochain Budget présenté devrait illustrer cette approche plus inclusive », ont-ils souligné.

De plus, le fait que le Premier ministre continue depuis ces dernières semaines à insister sur l'importance de compléter la décolonisation du territoire mauricien avec la souveraineté de Maurice sur les Chagos n'est pas non plus anodin, indique-t-on dans le cercle proche du chef du gouvernement. « Pravind Jugnauth veut aussi prendre de la hauteur et sa volonté de vouloir récupérer les Chagos témoigne clairement de cela, comme un véritable chef d'État qui cherche à obtenir le respect de la communauté internationale, surtout auprès de deux puissances que sont l’Angleterre et les États-Unis ».

Démocratie en péril : Navin Ramgoolam sonne l’alarme 

Le discours prononcé par le leader du Parti travailliste (PTr), Navin Ramgoolam, le 12 mars dernier, s'est pour sa part révélé être une critique sévère de la situation actuelle à Maurice, mettant en avant les principaux défis auxquels le pays est confronté en matière de démocratie, de corruption et de gouvernance. À travers un langage fort et percutant, Navin Ramgoolam a dépeint un tableau sombre de la réalité mauricienne, affirmant que le pays est « complètement à la dérive » après 56 ans d'indépendance. 

La publication du rapport V-DEM sur l’état de la démocratie à Maurice, mettant en avant le fait que Maurice est devenu une autocratie en puissance, s’est révélée être un véritable point d’appui pour Navin Ramgoolam afin de justifier ses arguments. En effet, ce rapport du groupe suédois, que Navin Ramgoolam prend soin de décrier comme un groupe indépendant, témoigne selon lui de l’urgence de la situation et que Maurice est officiellement tombé en disgrâce sur le plan de la démocratie. Et selon Navin Ramgoolam, cette situation préoccupante est le résultat des actions du MSM, qui, à travers ses choix de nominations dans les différentes institutions, a clairement sapé l'indépendance des institutions chargées de préserver les fondements démocratiques du pays.

Jocelyn Chan Low évoque le désenchantement de la population face aux régimes politiques 

Jocelyn Chan Low, observateur politique et historien, souligne quant à lui que Pravind Jugnauth cherche à tout prix à démontrer à la population que le pays est entre de bonnes mains sous sa gouvernance. « À chaque fois qu'il prend la parole, il cherche à mettre l'accent sur son bilan et surtout sur la jeunesse, les retraités ainsi que les femmes », explique-t-il En revanche, l'élément qui revient sans cesse dans le discours de Navin Ramgoolam est celui de la peur. Selon Jocelyn Chan Low, le leader des rouges donne clairement le ton en faisant comprendre que le pays est complètement en train d'être gangrené par le régime autoritaire en place. 

Par ailleurs, bien qu'il exprime sa conviction que la course aux prochaines élections générales se jouera entre Navin Ramgoolam et Pravind Jugnauth, Jocelyn Chan Low estime que l'électorat n'a pas encore arrêté son choix en vue de ces échéances. Selon lui, tant l'opposition que le gouvernement se trouvent actuellement dans une situation extrêmement complexe. Bien qu'il reconnaisse la présence de nombreuses vagues de contestation contre le gouvernement, il souligne néanmoins que ce mécontentement ne garantit pas automatiquement un avantage pour l'opposition parlementaire. « La vérité est que nous faisons face à une population qui éprouve un profond désenchantement à l'égard des régimes politiques en place, et qui peine encore à prendre une décision ».

Les discours des leaders politiques dépourvus de vision, selon Ram Seegobin

Selon Ram Seegobin, représentant du parti de gauche Lalit, les discours des deux principaux leaders politiques du pays ne semblent pas refléter une réelle volonté de présenter un programme concret pour Maurice. Pour lui, il s'agit simplement d'une politicaillerie de bas niveau qui laisse beaucoup à désirer en termes de vision politique pour l'avenir du pays. Les commentaires de Ram Seegobin sur les discours de Navin Ramgoolam et de Pravind Jugnauth viennent ainsi mettre en lumière les attentes du public en matière de leadership politique et soulèvent des questions sur la capacité des dirigeants à répondre aux défis actuels et à proposer des solutions concrètes pour l'amélioration de la société mauricienne. 

« Le discours prononcé par Pravind Jugnauth à l'occasion du 12 mars a déçu les attentes de la population qui espérait une prise de hauteur. Malheureusement, il a préféré faire un discours de bas étage qui ne parvient aucunement à inspirer la population. Pravind Jugnauth est clairement en train de patauger dans la politicaille », déplore Ram Seegobin. 

Ce dernier n'est pas non plus indulgent à l'égard de l’allocution de Navin Ramgoolam. « En examinant le discours de Navin Ramgoolam, il est également évident que ce n'est pas avec lui que les grandes idées vont émerger », déclare-t-il. 

Ram Seegobin fait également remarquer que tous les dirigeants de l’opposition parlementaire semblent actuellement être en mauvaise posture. Il note une certaine gêne entre les trois leaders politiques, car selon lui, ils n'ont toujours pas réussi à s'entendre sur les points fondamentaux de leurs programmes respectifs, ce qui les laisse également embourbés dans la politicaillerie.

 

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