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Programme mis à jour : la ZEP II à la rescousse des enfants défavorisés

Eleves

Durant ces dix dernières années, le taux de réussite dans les écoles tombant dans la Zone d’éducation prioritaire a fluctué entre 36 % et 44 %.

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Ces établissements connaîtront des changements cette année avec l’introduction de la ZEP II. L’idée est de mettre à jour le programme pour qu’il soit mieux adapté aux besoins des enfants en difficultés.

La performance des écoles situées majoritairement dans des endroits défavorisés n’a pas beaucoup progressé ces dernières années. Entre 2006 et 2016, le taux de réussite a fluctué entre 36 % et 44 %. Il n’a jamais atteint la moyenne.

Outre le faible taux de réussite enregistré dans ces écoles tombant sous la Zone d’éducation prioritaire (ZEP), le comportement de certains enfants issus de ces régions est souvent qualifié « d’inacceptable ». Certains parents habitant ces localités ont choisi de retirer leurs enfants de ces écoles. C’est le cas de Michel, père d’une fillette de six ans.

« Je me souviens encore de l’angoisse que j’ai vécue l’an dernier à l’admission de ma fille. L’école de ce quartier défavorisé est située à proximité de notre maison. Elle tombe dans la ZEP. J’ai réclamé une autre école pour mon enfant, mais on nous a alloué l’école ZEP de la localité. Pour moi, il était inconcevable d’envoyer ma fille dans une telle école.

Je connais la réputation de ces enfants et je sais que le taux de réussite y est très faible », explique le père de famille. N’ayant d’autre choix, Michel a inscrit son enfant dans une école payante. « Je ne critique pas l’école mais plutôt l’environnement autour. Je reste persuadé que les enseignants accomplissent un travail formidable, mais comme tout parent, je souhaite ce qu’il y a de mieux pour mon enfant. »

Atmosphère pesante

Un autre père de cette localité est tout aussi stressé. D’ici deux ans, sa fille entrera au primaire. Son discours ne diffère pas de celui de Michel. « Dès maintenant, je me renseigne sur les possibilités que j’ai pour ne pas l’inscrire dans cette école. Je sollicite mes amis ou les enfants du coin qui fréquentent d’autres écoles pour savoir comment ils ont fait. Je prévois de l’inscrire dans une école privée s’il n’y a pas d’autre issue. »

Le Défi Quotidien a également voulu tâter le pouls à la sortie de cette école classée dans la ZEP. Une seule maman est là et attend son enfant qui est en Grade 1. « Je n’ai eu d’autre choix que de l’inscrire ici. Mais je suis optimiste. Si zanfan-la pou aprann, kot met li li pou aprann », a-t-elle répondu.

Cela fait six ans que Vishal est affecté dans des écoles ZEP. Cet enseignant dit en voir de toutes les couleurs. « Nous travaillons avec des enfants issus de familles brisées. Ils sont souvent turbulents et indisciplinés, mais ce sont des innocents. Ce sont les difficultés de la vie qui les rendent ainsi. C’est très dur de travailler avec eux. Chaque enfant est différent et réclame une attention particulière. Nous menons aussi une action sociale, car nous allons aussi chez eux pour discuter avec leurs parents. L’atmosphère à la maison est souvent pesante. »

« La situation à l’école peut rapidement dégénérer, ce qui met parfois la vie des enseignants en danger », ajoute Vishal. « Certains enfants sont agressifs, donnent des coups de pied dans les tables et insultent les enseignants. Les parents en font de même. Certains tabassent parfois les enseignants. »

En chiffres - 28 écoles ZEP

  • Il existe 28 écoles ZEP à Maurice.
  • En 2016, 14 de ces établissements ont enregistré un taux de performance situé en dessous de la moyenne.
  • Le taux de réussite le plus élevé a été enregistré à Pointe-aux-Sables Government School avec 77,5 %, suivi de l’école Sainte-Thérèse-de-l’Enfant-Jésus avec 76,3 %.
  • Le taux de réussite le plus faible a été noté à Louis Serge Coutet Gouvernment School avec 27,7 %, suivi de l’Emmanuel Anquetil Government School avec 29,5 %.

Phase II du programme

Dans un récent discours, la ministre de l’Éducation Leela Devi Dookun-Luchoomun a annoncé que des changements interviendrait, en 2017, au niveau des écoles des Zones d’éducation prioritaire (ZEP). La phase II est désormais engagée. La ministre a déclaré que la pédagogie au sein des classes de ces écoles a été revue.

Il y a aussi l’importance d’intégrer la communauté dans le quotidien de l’école. « Je lance un appel pour que les parents soient parties prenantes de ce qui se fait à l’école. Avec la réforme, ils seront informés de l’importance de leur contribution dans l’accomplissement du parcours scolaire des enfants. »

Pauvreté et scolarité

Pour Sarah Rawat-Currimjee, conseillère au ministère de l’Éducation, la conception de la ZEP 2 va dans la même direction que la pédagogie prônée par le Nine-Year Schooling. La conseillère a travaillé sur la réalisation du programme ZEP 2. Elle s’est intéressée à l’impact de la pauvreté sur le cerveau. « J’ai étudié toutes les recherches faites sur le développement du cerveau, surtout l’impact de la pauvreté sur le cerveau humain. Les études démontrent qu’il y a réellement une incidence. Nous avons considéré tout cela et notre mission, c’est de faire comprendre aux enfants que la pauvreté n’est pas une fatalité. »

Une partie du programme touche à la formation des enseignants. « Nous formons les enseignants pour qu’ils puissent travailler avec ces enfants. Il faut leur donner les outils nécessaires pour qu’ils puissent comprendre des enfants qui ne mènent pas une vie facile. Contrairement aux idées reçues, les enseignants (dûment formés) ont la capacité de tirer ces enfants vers le haut, malgré leur milieu. »

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Expliquez-nous la raison d’être des écoles ZEP ?
Ce sont des High Poverty Schools qui se retrouvent dans ou autour des zones de pauvreté (Poverty Areas). Jusqu’en 2016, la Differentiated Pedagogy leur était appliquée. Cette méthode installait la manière d’enseigner par rapport aux besoins des enfants. Elle se définit par la Learner Centered Pedagogy qui permet à l’enseignant d’installer sa classe par rapport aux besoins des élèves.

Ainsi, pour un enfant qui a raté sa classe de seconde et qui garde le niveau d’un enfant de première, il serait bête de le promouvoir en troisième. Il faut travailler avec lui pour une remise à niveau. S’il faut introduire les mathématiques et pour des enfants qui sont à la traîne, l’enseignant doit effectuer deux types de travail. D’abord avec ceux qui ont du retard. Puis avec ceux qui ne le sont pas.

Certes, c’est plus facile à dire qu’à faire. Mais cette pédagogie et d’autres facteurs nous ont permis d’améliorer les résultats année après année. Avec la ZEP 2, nous introduirons la Brain Based Education pour résoudre nos problèmes. Le développement de l’enfant a lieu par phase chronologique. Nous appliquerons une pédagogie qui œuvrera sur une phase graduelle.

Dans le passé, qu’est-ce qui n’a pas vraiment marché dans ces écoles ?
Nous n’avons pas pu réunir tous les ingrédients nécessaires pour que les enfants fassent mieux. Parmi ces éléments : l’école, la famille, un travail continu et un soutien en dehors des classes. Plusieurs facteurs contribuent à ce qu’un enfant travaille bien. Certains de ces facteurs n’ont pas été améliorés. D’autres éléments s’ajoutent à cela.

Si le taux de performance a fluctué ces dix dernières années, il faut comprendre que ce n’est pas la même classe qui participe aux examens finaux. Parmi les facteurs négatifs (à la performance de l’enfant) : le changement de maître d’école ; le transfert de l’enseignant ; et un groupe d’élèves au comportement variable. Nos analyses indiquent pourquoi certaines écoles enregistrent des taux de performance de 25 %. 

Que comprend le programme ZEP II ?
Nous sommes arrivés à la conclusion qu’une pédagogie n’est pas bonne si les enfants ne progressent pas. Les examens se sont toujours tenus en anglais. Si les enfants éprouvent des difficultés dans cette langue, c’est sûr qu’ils ne réussiront pas aux examens. La ZEP II a instauré des piliers. À commencer par le Continuous Professional Developement Programme destiné aux enseignants des écoles ZEP. Cette formation leur donne les moyens d’introduire la nouvelle pédagogie en classe. Toutefois, quand on change de pédagogie, il faut donner aux enseignants les moyens de réussir. Pour ce faire, nous installerons un Resource Center qui leur fournira le matériel scolaire requis.

Un autre pilier : les parents. On ne peut plus travailler avec les enfants en classe si les parents ne comprennent pas où nous allons. Avec le Parents’ Support Programme, nous leur donnons les moyens de comprendre ce que nous tentons d’inculquer aux enfants.

Enfin, il y a la recherche continue. Il ne suffit pas de réagir sur les résultats en fin d’année scolaire. Nous menons des analyses poussées et continues pour mieux cerner les besoins de l’enfant. L’impact sera visible d’ici fin 2017.

Un enfant issu de milieux défavorisés est-il condamné à échouer ?
La pauvreté influe définitivement sur le développement de l’enfant. Certains impacts paraissent évidents, tandis que d’autres sont subtiles. Un enfant mal nourri durant les trois à quatre premières années de sa vie connaîtra un développement compliqué.

Un autre cas de figure, plus subtil, c’est quand l’enfant vit dans une maison où les parents ont des problèmes sociaux. L’enfant vivra dans l’angoisse. Et le potentiel d’un enfant stressé s’affaiblira. Lui enseigner quelque chose devient alors difficile.

Certains diront qu’un enfant est paresseux, mais s’il n’a pas beaucoup dormi de la nuit, ce n’est pas de sa faute. Malgré cela, si on donne à l’enfant les moyens de se calmer, de se nourrir et de se concentrer, les recherches indiquent que les enfants peuvent progresser.

Comment faire comprendre cela aux parents ?
Le programme ZEP comprend un chapitre sur la sensibilisation des parents, mais certains n’assistent pas aux réunions. Un travail social et communautaire est mené par les écoles ZEP. Il existe des localités comptant des communautés avec lesquelles il est très difficile de travailler.

Notre but est de faire de notre mieux pour aider les enfants et les parents. Cependant, avec la ZEP II qui compte le Parents’ Support Programme, le soutien du plan Marshall et la collaboration des ministères et agences, nous recevrons une aide très appréciable. 

Témoignage : ceux qui tirent leur épingle du jeu

«Difficile de travailler dans ce type d’environnements », plaident des enseignants des écoles ZEP. Toutefois, ceux qui ne baissent pas les bras et font montre d’une volonté de fer parviennent à accomplir des miracles.

Naomi Orthoo et Dharveen Mungur enseignent à l’école Bambous A. Quatre de leurs élèves ont été admis dans des collèges nationaux après les examens du CPE de 2016. « Ce n’était pas facile de travailler dans un tel environnement. Nous apprenons sur le tas concernant les écoles ZEP. Il faut trouver les moyens de susciter l’intérêt de l’enfant. L’encadrement est essentiel. Certains ont besoin d’une attention spéciale. »

Ainsi, la pédagogie appliquée diffère de celle des autres écoles. « En l’absence de suivi à la maison, les devoirs et les travaux de classe se font à l’école. Nous devons susciter chez l’enfant l’envie de travailler. L’enseignement traditionnel n’a pas sa place. Nous devons rendre les classes vivantes. C’est pourquoi certaines classes se font à l’extérieur. Les enfants peuvent toucher ce que nous leur enseignons en théorie. Toute leçon est accompagnée d’un exemple tangible ou concret. »

La maîtresse d’école explique qu’il ne faut pas établir de relation enseignant-élève avec les enfants des écoles ZEP. « Nous devons être leurs amis et leurs confidents. Ces enfants vivent parfois des situations difficiles et tragiques. Il faut être attentif à cela. »

Sajanah Tushina a décroché 3 A+ et 3 A. Elle est aujourd’hui au collège Lorette de Quatre-Bornes. « C’est difficile de travailler dans une classe où certains sont incontrôlables, mais je restais concentrée à améliorer mes capacités », lance la collégienne.

 

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