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Progression salariale : pas sans conséquences pour les employeurs 

Des spécialistes estiment qu’il faut faire attention à l’illusion monétaire.

Le ministre du Travail a en fin de semaine annoncé que le salaire minimum passera à Rs 15 000 dès janvier 2024. Depuis 2018, il y a eu une progression salariale à ce niveau. D’ ailleurs, le Chief Operating Officer de Business Mauritius affirme que cette nouvelle augmentation équivaut à près de 80 % du salaire médian. Or, selon des acteurs concernés et des économistes, cela n’ est pas sans conséquences. 

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Le salaire minimum, qui sera de Rs 15 000 à partir de janvier 2024, équivaut à près de 80 % du salaire médian à Maurice, selon le Chief Operating Officer de Business Mauritius, Pradeep Dursun. Il estime que c’est un pourcentage « très élevé ». Selon les lois internationales, le pourcentage avoisine normalement 55 % à 70 %. Le salaire minimum passe de Rs 11 575 à Rs 15 000, représentant une hausse d’environ 30 %. « C’est une augmentation conséquente pour les entreprises et elle aura sans doute un impact sur les activités », soutient le COO de Business Mauritius. 

L’économiste Eric Ng affirme ne pas savoir si la compensation salariale pourrait être ajoutée au salaire minimum de Rs 15 000. Toutefois, augmenter le salaire minimum est pour lui « une démarche normale ». « Tout le monde souhaite une augmentation de salaire. Cependant, la question de savoir si les petites et moyennes entreprises (PME) peuvent soutenir cela est une autre considération. Certaines éprouvent déjà des problèmes de trésorerie et de cash-flow. Cette éventuelle hausse pourrait éventuellement entraîner des licenciements. Passer de Rs 11 575 à Rs 15 000 peut être un coup dur pour de nombreuses PME », fait-il ressortir. 

L’intervenant dira qu’il y aura des conséquences économiques sur le marché de l’emploi. « Il y aura probablement des frustrations, car des gens touchant Rs 15 000 après plusieurs années de service, se retrouveront au même niveau que des jeunes entrant sur le marché du travail. Cela pourrait bouleverser la hiérarchie salariale. Ce qui pourrait engendrer des frustrations », fait-il mention. 

Selon Eric Ng, la question de savoir si le secteur privé, dont les PME, a les moyens d’augmenter les salaires de ceux qui touchent Rs 15 000 pour établir une nouvelle hiérarchie salariale est complexe. « Bien que cela puisse augmenter le pouvoir d’achat, cela pourrait également entraîner des coûts de services plus élevés. Il est important de faire attention à l’illusion monétaire, où une hausse des salaires peut conduire à une spirale de hausse des prix sans une augmentation correspondante de la productivité. Il est crucial de lutter contre l’inflation à la source plutôt que de la combattre en aval pour éviter de tomber dans un cercle vicieux », estime l’économiste. 

Quant à Pierre Dinan, il tient à souligner que nous sommes en train de comparer des roupies qui ne sont pas comparables. « La roupie d’hier et d’aujourd’hui ne représente pas la même valeur, dit l’économiste, car la monnaie a considérablement déprécié, de l’ordre de 22,4 %. L’augmentation du salaire minimum n’est donc pas aussi conséquente qu’il n’y paraît ». 

Il se pose d’ ailleurs des questions mettant en avant qu’il y a l’annonce de cette augmentation quand nous sommes dans une situation à Maurice où la population consomme abondamment. « Chaque année, nous produisons un important « gato » national (PIB), mais nous le consommons largement au lieu de conserver une partie. Cette propension à la consommation a un impact sur notre balance commerciale, car nous importons beaucoup. Il nous faut épargner et nous devrions utiliser ces ressources pour investir davantage. L’investissement accru vise à augmenter nos capacités d’exportation », avance l’intervenant. 

Pierre Dinan se désole que Maurice importe beaucoup plus qu’elle n’exporte, ce qui crée un déséquilibre en termes de dollars et d’euros. « Nous sommes contraints de déprécier la valeur de la roupie, ce qui crée des problèmes pour nous-mêmes. Je m’intéresse moins au déficit public qu’à la balance commerciale, car il est crucial pour notre avenir économique de réduire notre dépendance vis-à-vis des importations », poursuit l’ économiste. 

Pierre Dinan plaide aussi pour conserver une partie de ce que nous produisons chaque année pour réinvestir dans des industries, en commençant par l’alimentation, les produits de la terre et de la mer. « Nous affirmons être autosuffisants en viande et en poulet, alors que nous importons des produits pour ces animaux », ironise-t-il. 

Il évoque les années 80, lorsque l’économie décollait, le taux d’épargne était plus élevé. « Notre situation dépend de nous-mêmes. Nous devons apprendre à maîtriser nos dépenses plutôt que de demander toujours plus. Il faut avoir les moyens pour répondre à ces demandes. C’est un appel à tous. Trop souvent, nous croyons que le gouvernement peut résoudre tous nos problèmes, mais chacun de nous doit voir ce qu’il peut faire. Envoyons des personnes au pouvoir qui se soucient de nos intérêts, des gouvernants qui travaillent pour le bien de leurs gouvernés. Nous avons tous une responsabilité dans la vie et ne devrions pas croire que tout va miraculeusement tomber du ciel »,conclut Pierre Dinan. 

 

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