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Promis à un bel avenir : un judoka de 23 ans mourant

Alougen sait qu'il ne lui reste pas beaucoup de temps à vivre.
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Il n’a que 23 ans. L’âge où on a des projets, des envies, des rêves… Alougen Canjamalay n’en a qu’un : celui de vivre. Sauf que les médecins lui ont annoncé que son corps ne réagit plus aux traitements. Il veut faire entendre sa voix, car il est animé par un sentiment de révolte contre le pays dont il a autrefois défendu les couleurs et qui l’a aujourd’hui abandonné. Il y a quatre ans, il s’est blessé lors d’une compétition de judo. 

La mort fait partie de la vie. Ce n’est cependant pas tous les jours qu’on rencontre quelqu’un qui annonce qu’il ne lui reste que très peu de temps à vivre. C’est encore plus dur quand la personne n’a que 23 ans et vous lance : « Dokter inn dir mwa inn fini. » Alité depuis trois mois, Alougen Canjamalay explique que les médecins lui ont dit, en présence de sa famille, qu’ils ne pouvaient plus rien pour lui. « Je ne peux plus marcher depuis trois mois. La tumeur s’est propagée. Cela fait deux semaines que je n’arrive plus à respirer sans bonbonne à oxygène. J’ai mal partout. » 

Alougen Canjamalay
'Those were the days' pour Alougen sur un tatami.

C’est à la demande de ce jeune et avec l’autorisation de sa famille que nous publions son histoire et ses photos. Tout a commencé en 2015, lors d’une compétition à Grande-Rivière Nord-ouest. Ce jour-là, Alougen Canjamalay est blessé au talon. Il n’avait que 17 ans. « Personne ne l’a emmené à l’hôpital. Quand il est rentré, il souffrait tellement que nous l’y avons conduit. Il a été plâtré. C’est depuis ce jour que les complications ont commencé. Il souffrait énormément de son pied. Pendant un an, il a fait l'aller-retour à l’hôpital. Nous avons dû insister pour qu’on lui fasse un MRI. Nous avons par la suite appris qu’il a une tumeur », déplorent ses proches. 

En 2017, il s’est rendu en Inde où il a subi une amputation. « Les médecins étaient tellement tristes de devoir amputer quelqu’un de son âge. Ils nous ont donné un papier en nous disant de chercher de l’aide auprès de l’État pour qu’il puisse obtenir une prothèse », racontent ses proches. 

Alougen étant un battant dans l’âme, la prothèse ne le dérangeait pas. « Je me disais que je pouvais encore pratiquer un autre sport et que je pouvais surtout travailler. » Ses proches confirment que c’est un bosseur : « Il travaillait dur comme barman pour gagner sa vie. » 

En 2018, comme il n’allait pas bien, ses proches l’ont ramené à l’hôpital. « Il a dû être opéré de la colonne vertébrale pour être capable de faire ses besoins. La tumeur s’était propagée. Il a dû commencer la chimiothérapie. La suite vous la connaissez… »

Aux oubliettes… 

Les proches d’Alougen disent avoir alors cherché de l’aide auprès du ministère de la Jeunesse et des Sports. « La première fois, ils nous ont envoyé balader. La seconde fois nous avons demandé de l’aide pour obtenir une prothèse qui coûtait environ Rs 100 000. Nous avons demandé un rendez-vous au ministre Stephan Toussaint, mais il ne nous a jamais reçus. Nous avons dû insister auprès du ministère pour qu’à la veille de son départ, Alougen obtienne un chèque de Rs 25 000 », raconte l’oncle du jeune homme.  

Le plus dur pour Alougen est que tous ceux qui étaient autour de lui durant les compétitions semblent l’avoir oublié. « Mo ti partisip dan plizyer konpetisyon », nous dit-il en nous montrant un article paru dans Le Défi Quotidien en 2012 qu’il a précieusement conservé. « Mo ti prepar mwa pou Jeux des îles 2015. Pendant tout ce temps, j’ai défendu les couleurs de mon pays. Aujourd’hui, ce même pays m’a abandonné. Ces personnes ne m’appellent pas. Elles ne prennent jamais de mes nouvelles. Elles ne savent même pas que je suis en train de mourir », lance-t-il tristement.

Assurance médicale

Ces proches s’interrogent, de leur côté, sur l’absence d’une couverture médicale pour ces sportifs. « Li ti pe gagn tracksuit, maillot, etc. C’est bien de donner ces choses-là, de construire de grands stades, d’investir beaucoup d’argent dans l’organisation des Jeux des îles. Mais la santé de nos sportifs est tout aussi important. Zordi nou ki pe perdi enn zanfan », pleurent-ils. 

« Comment peut-on envoyer nos enfants faire du football, du judo ou de la boxe s’ils ne sont même pas assurés en cas de blessure ? Si Alougen avait été couvert en tant que jeune qui défendait les couleurs de son pays, certaines complications auraient sans doute pu être évitées », fulminent-ils. 

Marie Michelle St Louis, qui a entraîné le jeune homme à Beau-Bassin, ne tarit pas d’éloges sur le jeune homme : « Il était vraiment appliqué. Il arrivait premier dans la catégorie. Il aurait facilement été qualifié pour les Jeux des îles. » Aujourd’hui, ce n’est plus sur un tatami qu’Alougen se bat, mais sur son lit d’hôpital. Son adversaire est la maladie. Il espère, comme ses proches, qu’un miracle se produira, car tant qu’il y a la vie, il y a de l’espoir…

Alougen Canjamalay
Alougen est ici entouré de ses proches.

Pas de réponse du ministère

Alougen Canjamalay

Nous avons tenté à plusieurs reprises d’obtenir une réponse du ministère de la Jeunesse et des Sports sur le cas d’Alougen Canjamalay et pour savoir si les sportifs, membres d’associations sportives, sont couverts par une assurance médicale. L’attaché de presse nous a promis, vendredi matin, qu’il reviendrait vers nous. Mais à l’heure où nous mettions sous presse dans la soirée, nos questions sont restées sans réponse.


Joseph Mounawah : «Les assurances sont trop coûteuses pour la fédération» 

Nous nous sommes tournés vers Joseph Mounawah pour l’interroger sur la question des couvertures médicales. L’ancien entraîneur national de judo apparaît d’ailleurs sur l'une des photos qu’Alougen a gardées comme souvenirs d’une compétition. « En ce moment, ce n’est pas une réalité. Je sais qu’à une certaine époque, le gouvernement d’alors avait tenté d’introduire une formule pour les sportifs nationaux. Mais le montant à payer était trop cher. Idem au niveau des fédérations. Les assurances sont trop coûteuses pour la fédération », explique-t-il.  

En France, poursuit-il, dès qu’un sportif achète sa licence, il est accompagné d’une couverture médicale. « Dans le cas de Maurice, il faudrait savoir si les sportifs accepteront de payer le prix fort. Je pense également qu’il appartient aussi au sportif de garantir sa couverture médicale quand il choisit de se donner à fond dans le sport », précise-t-il. 

Nous avons également appelé Josian Valère et Anom Petrapermal pour avoir leur avis. Ils étaient cependant pris à Rodrigues dans le cadre des préparatifs des Jeux des îles.

 

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