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Protection Money : quand l’argent sale rend le combat contre la drogue plus laborieux 

La commission d'enquête sur la drogue n'a pas pu réunir des preuves sur la Protection Money, offerte aux policiers.

Le 'Protection Money est une pratique bien rodée qui rapporterait des milliers de roupies à certains policiers véreux. Ce sont des trafiquants de drogue et d’autres individus plongés dans des trafics qui remettraient de fortes sommes d’argent à certains hauts gradés de la police afin d’acheter leur silence ou (et) leur « protection », de mener des perquisitions chez leurs « concurrents » ou encore de procéder à l’arrestation de leurs « concurrents ». 

Le fait de recevoir le Protection Money est peu connu de bon nombre de policiers. « Nounn zis tande. Zame nounn trouve. Mem si kone oussi, kouma pou kapave vinn prouve kisana inn donn sa ? », avancent des constables basés aux Casernes centrales. Un chef inspecteur accepte de se jeter à l’eau. Mais uniquement sous le couvert de l’anonymat. Il cible la brigade antidrogue (Adsu) et certains enquêteurs d’autres unités de police. En 2007, certains officiers de la Major Crimes Investigation Team (MCIT) étaient fortement soupçonnés d’avoir empoché du Protection Money et une question avait été soulevée à l’Assemblée nationale par le leader de l’opposition d’alors. Selon lui, « le Protection Money existe bel et bien au sein de la police ». Franklin a remis ce débat sur le tapis en affirmant que 
Les trafiquants, dit-il, remettent cet argent en fonction de leurs business et leurs « chiffres d’affaires ». « Le Protection Money, qui est inofficiel, existe depuis un bon nombre d’années. Me pli enn trafikan ena kass, pli li pou fann kass parski li bizin proteksion. C’est une somme d’argent que seuls les hauts gradés perçoivent. Et quand je parle de hauts gradés, je fais allusion aux policiers allant du rang d’Assistant Surintendant (ASP) à monter, car, bien souvent, ce sont eux qui mènent des opérations et qui donnent des ordres afin de procéder des arrestations », fait-on comprendre.

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Une pratique de longue date 

« C’est évident. Se pa ti-gard ki pou pran lor li pou al protez trafikan. Me bann sef », fait-on comprendre. Ally Lazer est le président de l’Association des travailleurs sociaux de l’île Maurice (ATSM). Il soutient que le Protection Money serait chose courante au sein de la police. C’est une pratique qui aurait toujours existée au sein de la force policière, selon lui. « Nanie pa inposib telma ena boukou bann vender konsians. Ena lapolis aret trafikan ek ena zot proteze. Je pense que les gros bonnets remettent par millions de roupies aux policiers contre une protection. Zot pey lapolis pou pa gayn traper ou swa lapolis fini fer zot kone kan pou ena ‘landing’. Lerla bann misie-la vini. Fouye. Pa gayn nanie. Lerla kan misie-la ale, laboutik reouver. Depi lontan existe sa. Je suis au courant de cette pratique depuis que j’ai commencé mon combat contre le trafic de drogue il y a près de 40 ans », souligne le travailleur social.

Des milliers de roupies aux ripoux

Mais comment expliquer cette thèse ? « Cela veut dire que des policiers roulent pour des trafiquants de drogue. Zot pa pou travay kado. Comment expliquez-vous les rentrées d’argent sur les comptes bancaires de certains officiers, comme soulevé dans le rapport de la commission d’enquête ? » soutient un autre travailleur social.

Le Défi Plus a tenté d’avoir plus de renseignements quant au montant que les trafiquants remettent aux « policiers-ripoux » en échange de leur silence. Mais au niveau de l’Adsu, on avance qu’un trafiquant est « disposé à mettre le prix fort afin qu’on le laisse tranquille pendant quelque temps ». On évoque même des centaines de milliers de roupies par mois. « C’est connu qu’un trafiquant de drogue brasse entre Rs 2 à 3 millions par mois. Pa kout li narien si li donne lapolis ene kar ladan. C’est ainsi qu’un constable pourrait percevoir environ Rs 8 000 ; un caporal Rs 10 000 et un sergent entre Rs 10 000 et Rs 15 000.

L’inspecteur ainsi que le chef inspecteur pourraient toucher encore plus. Recevoir le Protection Money est courant au sein de l’Adsu. C’est connu d’un nombre d’officiers qui font du terrain et qui ont participé à diverses opérations. Une fois l’enveloppe entre les mains du haut gradé, l’argent est distribué au sein de l’équipe en fonction des rangs. C’est l’officier le plus haut gradé qui se taille la part du lion », fait-on comprendre.

Les opérations de l’Adsu sont toutefois remises en question. Dans la pratique, les officiers sont mandatés à mener des opérations dans n’importe quelle division du pays sans que l’équipe opérant dans ladite zone ne soit tenue informée du raid. « C’est une pratique courante », fait-on comprendre au niveau l’état-major de l’Adsu aux Casernes centrales. Mais ce mode opératoire ne favorise-t-il pas la « protection » de certains trafiquants ou encore la remise de Protection Money en douce ? « Cette pratique est toutefois à double tranchant, car rien ne garantit que les officiers qui ont été soudoyés mèneront l’opération », fait-on comprendre.

Des pistes de la Protection Money pas pu exploitées faute de preuves 

Le travailleur social Sam Lauthan était l’un des assesseurs de la Commission d’enquête sur la drogue, présidée par l’ancien juge Paul Lam Shang Leen. Il soutient une fois de plus que la Commission était en présence d’un bon nombre d’informations (Ndlr : glanées par les enquêteurs de la Commission d’enquête) concernant le Protection Money. « Nos enquêteurs nous avaient mis sur des pistes », affirme Sam Lauthan.

Mais faute de preuves solides, souligne-t-il, la Commission a préféré ne pas donner suite à cet aspect. « L’Adsu, la Commission anticorruption (Icac), ou encore la Financial Intelligence Unit (FIU) doivent travailler ensemble afin de démasquer ces policiers qui réclament et réceptionnent le Protection Money aux trafiquants de drogue », demande-t-il.
 

 

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