Publication : quand les lézards se bagarrent, c’est le village qui trinque

Voilà un livre qui devrait figurer dans toute bibliothèque familiale mauricienne. Le conte « Les 2 Lézards », écrit par le Sénégalais Cheikh Abdoulaye Dieye et illustré par le Mauricien Laval Ng, vient nous rappeler la nécessité de préserver l’harmonie au sein de toute communauté.

La sagesse des aînés, dit-on, est toujours restée vivante en Afrique, préservée par la communauté et le respect des anciens. Ce livre, présenté dans la Collection Contes de sagesse d’Afrique, en est la parfaite illustration. L’histoire remonte à très longtemps, à une époque où les hommes et les animaux se parlaient et vivaient en harmonie. Jusqu’au jour où un incident, apparemment sans importance, viendra ébranler cette quiétude.

Dans sa petite cabane en chaume, dans le village de Kunbi, le vieux sage Kalako s’inquiète de la bagarre entre deux lézards sur une branche. Aussi charge-t-il au chat Myruba de leur demander d’arrêter leur querelle. Mais ce dernier n’y voit aucune nécessité. Kalako lui dit alors que « le problème des lézards est le problème du monde entier », avant d’ajouter : « Sais-tu qu’une goutte de sang dans un verre peut polluer tout le lait ? Et sais-tu que parfois quand on ne soigne pas un malade, tout le village peut tomber malade ? »

Refus après refus

Convaincu par l’argument de Kalako, Myruba part trouver de l’aide. Dans l’arrière-cour, il tombe bientôt sur les poules et les coqs, les unes occupées avec leurs œufs et les autres en train de gratter le sable. Le chat leur demande d’intervenir pour mettre fin à la bataille entre les deux lézards. Mais, c’est l’heure du déjeuner, va demander l’aide ailleurs, s’entend-il répondre.

Aussitôt, Myruba se rend dans la savane, où il croise son amie la chèvre Tateaman.

À elle aussi, il fait part de l’urgence de la situation et fait appel à son aide. « Cela ne me concerne pas », lui fait la chèvre. Puis, c’est au tour de la vache Chunga d’être sollicitée, mais Myruba se heurte au même refus : « Ce n’est pas mon problème ». Avec la même persévérance, il repart chercher de l’aide tour à tour auprès d’un cheval, d’un âne et d’un chameau, tous ses amis. Mais rien n’y fait. Seul le crocodile s’en émeut.

« Vous êtes des ignorants ! », lance-t-il à l’âne et au chameau. « Les lézards ont besoin de paix et d’amour. Ils doivent savoir que quelqu’un se soucie d’eux et qu’ils ont une famille qui leur viendra en aide ». Entretemps, à Kunbi, un drame va se jouer. Durant leur bagarre, devenue très violente, les deux lézards glissent et tombent dans le feu. Des étincelles sont projetées sur la robe du vieux sage qui s’embrase. Le feu s’étend rapidement à toutes les cabanes.

Alertés, les animaux de la savane, indistinctement de leurs espèces, se ruent à Kunbi pour aider à éteindre l’incendie, qui menace d’embraser leur habitacle. Mais si le feu est maîtrisé, il aura fait une victime « qui est morte parce que deux lézards se battaient. » Mais, cette tragédie va avoir une série de conséquences pour les animaux auprès desquels le chat cherchait l’aide. On ne vous en dit pas plus.

Il faut lire ce conte africain, qui a une dimension universelle, par-delà son caractère fabuleux. Ce n’est pas un hasard si l’initiative de sa publication revient au Centre des Dames Mourides (CDM) – une structure mise sur pied par Cheikh Abdoulaye Dieye lors d’une des visites à Maurice- qui a également eu la bonne idée d’offrir les textes en version kreol et anglaise, traduits par Daniela Bastien et Patrick Espitalier-Noel, respectivement.