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Questions à Rama Sithanen: « Ne signons pas le traité fiscal avec l’Inde sans des concessions »

Opérateur dans l’offshore et ancien Grand argentier, Rama Sithanen revient sur sa réunion avec le ministre des Services financiers portant sur le nouveau traité de non-double imposition fiscale entre l’Inde et Maurice. Il répondait mardi aux questions de Nawaz Noorbux, sur Radio Plus. [blockquote]« L’Inde sera le pays qui  enregistrera la plus forte croissance au monde. Nous devons nous assurer que nos relations sont consolidées. »[/blockquote] Vous avez rencontré Roshi Bhadain, le ministre des Services financiers. Pour quelle raison ? Je l’ai rencontré à sa demande. Mon avis a été sollicité sur trois points spécifiques. Le premier porte sur ce que je pense des négociations en cours depuis l’année dernière suite au protocole qui a été signé entre l’Inde et Maurice. Le deuxième a trait aux alternatives à la signature de cet accord. Enfin, on a discuté de l’avenir de l’offshore dans la perspective de nouveaux défis. Sur le volet des négociations, je lui ai proposé quatre points. C’est très mauvais que les négociations démarrent sur la base de ce mauvais accord signé en juillet 2015. Tout le monde, incluant le ministre, reconnaît que cet accord est mauvais. Il y a des points fondamentaux pour déterminer l’avenir du Global Business : le droit de taxer les plus-values doit être partagé entre l’Inde et Maurice. Nous ne pouvons accorder ce droit à l’Inde uniquement. Ce sera taxé unilatéralement. Je lui ai proposé la formule de Limitation of Benefits où l’on se partage les droits de taxer. Si les compagnies à Maurice satisfont les critères de Limitations of Benefits, essentiellement de la substance – bureaux, dépenser de l’argent à Maurice – c’est le pays qui doit avoir le droit de taxer. Par contre, si les compagnies – il y en a beaucoup – ne peuvent satisfaire ce test de substance, évidemment c’est l’Inde qui pourra les taxer. Je lui ai dit que je suis contre le fait d’accorder les pleins pouvoirs à la Grande péninsule. Le troisième point, c’est la nouvelle taxe avec laquelle Maurice est d’accord où l’Inde frappe les intérêts que les banques perçoivent sur les prêts accordés aux entreprises. Je lui ai dit que si nous ne changeons pas cette clause dans l’accord que nous avons signé, beaucoup de banques internationales abandonneront Maurice.Je lui ai fait deux propositions : un Bona Fide et un Main Purpose Test avant que les banques aient droit à ces bénéfices en question. À partir de là, les banques devront démontrer qu’elles ajoutent de la valeur et ne se servent pas de Maurice comme un Booking Office pour effectuer ces transactions. L’Inde a déjà accepté cela dans le passé. Le quatrième point que j’ai soulevé est l’introduction d’une Most Favored Nation Clause. Au vu des relations privilégiées que nous entretenons avec l’Inde, on ne peut signer un accord avec la Grande péninsule et que les autres partenaires de ce pays, tels que Singapour, Chypre, Tanzanie et les Pays-Bas, obtiennent de meilleures conditions. Si nous parvenons à trouver un compromis sur ces quatre points, on peut signer l’accord. Au cas contraire, cela n’en vaut pas la peine (…) Je lui ai dit de faire attention à certaines personnes qui tendent à nous faire croire que ce serait une grande réussite si nous obtenons une Grandfathering Clause.C’est un principe dans la fiscalité qui veut que quand nous introduisons une nouvelle taxe, cette dernière doit porter sur les transactions futures et non à effet rétroactif. Nous étions tombés d’accord sur ce point. Par la suite, entre juillet 2015 et le rapport, cet aspect a été mal interpreté. Il faut le rectifier. L’Inde accorde des Grandfathering Clauses à de nombreuses taxes qu’elle introduit. Même pour le GAAR qui sera introduit en 2017, et le ministre des Finances indien l’a clairement dit dans son discours budgétaire, toutes les transactions et investissements avant l’entrée du GAAR seront protégés. Il est bon de savoir que le Parlement indien dans ses recommandations a dit qu’on peut taxer les entreprises sur une base rétroactive. Pour ce qui est de la question de signer ou pas, ma position est claire. Je présume qu’il m’a sollicité parce que je suis ce dossier depuis 25 ans. J’ai été ministre des Finances pendant 10 ans. Je suis également un opérateur dans ce secteur. Je lui ai dit que si Maurice obtient les garanties sur les Limitations of Benefit, que les deux pays se partagent les droits de taxation et si on peut améliorer la taxe sur les intérêts, ce serait mieux qu’on signe l’accord. Par contre, si nous n’obtenons pas ces garanties, la meilleure solution est de ne pas signer et accepter le GAAR qui entre en vigueur l’année prochaine. La raison est très simple. Si on signe un accord maintenant et on abandonne tous nos pouvoirs à taxer, on perd le tout. Donc, l’Inde pourra taxer et nous serons que de simples spectateurs. Par contre, si nous ne signons pas l’accord, nous trouverons dans le GAAR deux tests. D’abord un Bona Fide Test à l’effet que l’entreprise est en train d’investir et n’utilise pas un Colourable Device pour investir en Inde. Ensuite, il y aura un Principal Purpose Test, qui démontre de la valeur ajoutée. C’est clair qu’il y a beaucoup de compagnies dans la catégorie de GBC 1 qui peuvent passer ces tests. Nous pourrons au moins sauver ces fonds. Si nous obtenons des avantages sur le partage des droits de taxation, que les banques restent à Maurice, et que Maurice ne soit pas traité de manière discriminatoire, au vu des relations privilégiées, c’est juste. Si on n’a pas ces garanties, Maurice ne signe pas l’accord. Ensuite, les entreprises qui vont satisfaire le GAAR auront accès au traité. Au cas contraire, elles seront taxées en Inde. En toute franchise, je lui ai dit que l’Inde représente 75 % de la valeur ajoutée pour l’offshore mauricien. Ici, on ne parle pas d’incorporation. L’Afrique n’a que 5 %. Quand on regarde l’avenir, vous voyez à quels problèmes nous faisons face. Tous les économistes affirment que l’Afrique passera par un cycle extrêmement difficile. Les prix des produits que l’Afrique exporte ont baissé considérablement. Des devises se déprécient. La demande pour ces produits a chuté suite à ce qui se passe en Chine. L’avenir de l’Afrique est incertain. Par contre, l’Inde sera le pays qui enregistrera la plus forte croissance au monde. Nous devons nous assurer que nos relations avec l’Inde et les transactions avec ce pays sont consolidées. Comment est-ce que le ministre Bhadain a accueilli vos propositions ? La réunion a été très correcte. Je lui ai dit ce que je pense. Maintenant, nous saurons ce qu’il en aura fait quand il divulguera l’accord la semaine prochaine. Est-ce que vous avez été surpris par le fait que le ministre ait sollicité votre avis sur ce dossier ? Je suis maintenant un vieux routier. Avec l’âge, je suis devenu plus sage. Il m’a insulté dans le passé même si le temps m’a donné raison. Tout le monde le sait. Si je n’avais pas raison, on n’aurait pas négocié à nouveau. Je n’en fais pas une affaire personnelle. Je suis un Mauricien. J’ai été ministre des Finances de mon pays pendant 10 ans. J’ai négocié avec trois différents ministres des Finances indiens. Il m’a demandé mon avis sur ces points. Je lui ai dit ce que je pense. Si cela l’aide à obtenir quelques concessions de l’Inde, tant mieux. Sinon, on ne signe pas.
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