Interview

Rajiv Servansingh, consultant en investissement Inde-Maurice: «Pour être réaliste, il faut trois Smart Cities»

Rajiv Servansingh, consultant en investissement Inde-Maurice
Quel est l’impact de la compensation salariale sur l’économie du pays ? La construction peut compter sur les Smart Cities pour lui permettre de soutenir le fardeau, explique Rajiv Servansingh. Il faut développer le secteur des services et ne miser que sur une poignée de villes intelligentes pour lancer la machine. La compensation salariale a fait polémique. 1 % de rééquilibrage aurait coûté Rs 1,3 milliard à l’État et au secteur privé, selon le ministre des Finances. A-t-on les moyens ? Le gouvernement fait beaucoup d’économies sur les factures d’importation, comme l’essence. Le déficit budgétaire tourne autour de 4 %, mais je pense qu’on peut quand même payer. Quant au privé, il y a ce débat sur le fait que certains secteurs en sont plus capables que d’autres. Il y a une reprise au niveau de l’hôtellerie et du textile. Par contre, pour la construction, c’est plus compliqué. Mais si le gouvernement est logique et pense à relancer le secteur avec les Smart Cities, on peut y faire un effort. L’économie peut être relancée au moyen de la consommation. Rama Sithanen avait proposé, à un certain moment, de passer toute la baisse sur les prix des carburants au consommateur pour relancer l’économie à travers la consommation. Et toutes les informations en ma présence m’indiquent que les commerçants se plaignent d’une baisse de la consommation et ils prévoient que ce soit le cas, même en période de fête. C’est cela la solution pour relancer l’économie pour vous ? Ce n’est probablement pas le moyen idéal. C’est un moyen parmi un certain nombre de mesures. Vous évoquez les Smart Cities. L’État semble compter beaucoup sur la construction pour relancer l’économie. Mais une fois les grands chantiers complétés, ne risque-t-on pas de se retrouver à la case départ ? On annonce la création de 13 ou 15 Smart Cities. Ce n’est pas très sérieux. Cela représente une offre d’espace résidentiel et commercial pour laquelle je vois difficilement d’où peut venir la demande. Il faudrait compter sur deux ou trois projets. Si on démarrait l’année prochaine, ce serait assez pour la relance. En misant autant sur la construction, ne court-on pas le risque de négliger des secteurs productifs et soutenables sur la durée ? Il y a deux choses à considérer. Il faut relancer l’emploi et l’activité économique. Tout ce qui peut aider est bon à prendre. Mais on ne peut se satisfaire de cela. Et j’espère que ce n’est pas cela le plan du gouvernement. Cela doit être accompagné par d’autres mesures. Une fois une ville intelligente construite, si ces espaces commerciaux et bureaux sont effectivement remplis, cela créera de l’emploi. C’est un peu comme avec la Cybercité d’Ébène qui a attiré, au fil des années, les activités financières et banquières, par exemple. La Cybercité, c’était un projet. Là on parle de plus d’une douzaine de Smart Cities... C’est pour cela que je dis que pour être réaliste, il faudrait penser à un, deux, voire trois Smart Cities. Si on en crée 13, on développe une situation où rien ne marchera. Il y aura trop d’offres et pas assez de demandes. C’est la loi du marché qui va finalement définir tout cela. En réalité, il y aura deux, trois réalisations. Mais cela suffirait pour nos besoins actuels. N’est-ce pas une indication que le gouvernement mise sur un apport massif de clients étrangers ? On parle de hub dans tous les domaines. On est les champions des hubs ! Éducation, pêche... Tout cela se fera sûrement avec des étrangers. Ce seront des investisseurs qui viendraient créer des entreprises et occuper l’espace. Vous dites espérer que la vision du gouvernement pour l’économie ne se limite pas aux Smart Cities. Avez-vous décelé des signes qu’il y a d’autres projets qui sont en chantier ? La seule chose qu’on ait vue, c’est le discours du Premier ministre sur la Vision 2030. Mais ça, c’est sur papier. Ce qu'il faudrait, c’est qu’il y ait collaboration entre différents ministères pour pouvoir réaliser la Vision 2030. Il nous manque les compétences aussi. Le gouvernement doit s’atteler à dégager des solutions. On parle beaucoup de faire appel à la diaspora pour les compétences qui nous manquent. Qu’en pensez-vous? Je ne crois pas que ce soit une question de diaspora ou pas. Ce qu’il nous faut, c’est créer des conditions qui attirent les compétences à Maurice. Que ces talents soient de la diaspora ou pas, c’est secondaire. Quelles devraient être ces conditions, selon vous ? Il faut d’abord des procédures claires pour le permis de travail. On ne peut pas demander à quelqu'un le nom de son père et de son grand-père. Par le passé, il y a eu des abus et il y a la perception que, parfois, les étrangers sont favorisés au détriment des Mauriciens. Il faut une politique claire sur cet aspect de la question. Le marché boursier a connu des difficultés également avec la tendance à désinvestir des marchés émergents. Vous prévoyez quoi dans ce secteur pour 2016 ? La bourse a perdu presque 30 % de sa valeur et certaines compagnies ont beaucoup souffert. Les étrangers ont suivi la tendance mondiale de désengagement, mais ce n’est pas une explication suffisante. La dévaluation de la roupie face au dollar par plus de 15 % sur une année y est aussi pour quelque chose. Mais sur les deux ou trois dernières années, il y a eu un regain d’intérêt sur les grands marchés. Les valeurs sont tellement basses que c’est de nouveau intéressant. Il y a une légère reprise et je pense que cela va se maintenir. D’ici début 2016, on devrait voir un petit renversement sur le marché boursier. On n’a toujours pas de résolution concernant l’accord de non double imposition avec l’Inde. Doit-on craindre le pire ? Il y a définitivement eu une grossière erreur de la part des négociateurs mauriciens. Mais il faut faire la distinction entre le gouvernement indien et les officiels. Il y a un lobby extrêmement fort contre Maurice parmi ces derniers. Je ne suis pas sûr que le gouvernement indien soit sur la même longueur d’onde. Je pense qu’il va trouver le moyen de maintenir l’accord, mais il faudra faire des concessions. Je crois que cela touchera surtout à la question de substance. C’est-à-dire qu’une société évoluant à Maurice devra avoir une opération substantielle. À Singapour, cela se définit par un chiffre d’affaires de 200 000 dollars par an. Pas sûr que le même montant soit appliqué à Maurice. La Financial Services Promotion Agency a été relancée. Est-ce qu’elle aidera le secteur ? J’ai été toujours en faveur d’une National Export Services Promotion Agency. Il faut faire la promotion du secteur des services. L’avenir n’est pas dans le manufacturier. L’avenir, c’est l’informatique, l’éducation, les services financiers, la comptabilité... Est-que ce sont à ces secteurs que vous pensiez en disant que vous espériez que le gouvernement a autre chose en tête que les Smart Cities ? Oui. On n’a même pas parlé de l’Afrique. La meilleure chose qui ait pu nous arriver, c’est une Afrique prospère. Il y a une croissance soutenue dans un grand nombre de pays africains. Ce qu’on peut exporter vers l’Afrique, ce sont nos services. L’Afrique s’intéresse-t-elle au secteur des services mauriciens ? Ce qui est sûr, c’est qu’il y a une demande pour les services en général : l’informatique, l’assurance... L’assurance, en particulier, est une industrie naissante en Afrique. Maurice est dans le secteur depuis plus d’un siècle. L’Afrique a besoin d’expertise. C’est à nous de voir quelle niche on peut trouver pour profiter de ce besoin.
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