Interview

Ram Seegobin de Lalit : « La réforme électorale est un projet mort-né » 

ram seegobin

Ram Seegobin de Lalit dit ne pas comprendre pourquoi l’État apporte toujours son soutien à une industrie sucrière qui se meurt et qui bétonne le pays avec des développements fonciers en faveur des étrangers. Pour lui, le pays brade ses terres agricoles. 

Un des derniers Mohicans s’en est allé en la personne de Jayen Cuttaree. Vous étiez potes ?
Jayen et moi avions fait un long chemin ensemble. Nous étions à l’école St-Enfant Jésus au primaire pour la petite bourse, puis sept ans au collège Royal de Curepipe. Après nous avons été enseignants de sciences. Quand il a intégré le MMM en 1982, je m’en allais pour former Lalit. C’était un homme abordable et valable, mais pas dans la direction que j’avais prise. Jayen Cuttaree a été un homme-pont entre le MMM et le PTr. La seule anomalie : il a été un ministre indépendant avec Alan Ganoo. Du jamais-vu. 

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Parlons économie. Il y a une guéguerre entre l’État et le MCB Focus au sujet du taux de croissance. Votre avis ?
Au niveau de Lalit, on n’accorde pas d’importance au taux de croissance qui est alimenté par les investissements directs étrangers (IDE). 

Est-ce à dire que ces IDE faussent les chiffres de la croissance et favorisent davantage les riches ? 
La croissance du pays est basée sur les spéculations foncières. Ce n’est pas soutenable. On vend des chalets, mais c’est du one-off. Maurice brade ses terres agricoles. On bétonne le pays en faveur des expatriés et étrangers. C’est une croissance one-off et l’État fausse le véritable chiffre de la croissance. Comme le disent les Anglais, it’s a fly-by-night. Que ce soit du côté des économistes ou de celui de Lalit, on adopte la même posture. We are on the alert. 

Lalit a toujours milité pour une véritable politique agricole. Le fait-il encore ?
Nous devons introduire une politique agricole sur une base industrielle. L’industrie sucrière est morte depuis plus de 30 ans. Nous avons un ministre de l’Agro-industrie qui est un ministre du sucre. Le groupe Médine bétonne la côte Ouest et il a le culot de chercher de l’aide pour le soutenir dans le segment sucre. 

L’industrie sucrière n’est plus viable. Combien d’années encore allons-nous la soutenir ? "

Ne produit-on de sucre que pour l’exportation ?
La consommation locale avoisine les 50 000 tonnes. On ne produit du sucre que pour l’exportation. Les industries locales doivent importer du sucre du Brésil pour la raffinerie.

La production locale est-elle devenue famélique ? 
Les gros établissements sucriers ont bétonné les terres agricoles. Les petits planteurs ont abandonné leurs champs. La production a donc chuté de presque 50 %. 

Que devrait-on faire ?
Il faut trouver une transition, aller vers une agro-alimentation diversifiée, mais sur une base industrielle. L’État subventionne la canne à hauteur de Rs 1 milliard. Pour Lalit, c’est une mesure palliative qui ne résout en rien le véritable problème. L’industrie sucrière n’est plus viable et encore moins rentable. Combien d’années allons-nous soutenir une industrie qui n’est plus viable ? Devons-nous encore conserver l’industrie sucrière ? 


Devons-nous nous tourner vers un nouveau secteur plus porteur ? Si oui, lequel ? 
Maurice a une énorme zone maritime. Nous devons développer l’industrie de la pêche. Comment le gouvernement peut-il investir Rs 20 milliards dans le secteur sucre et ne pas pouvoir le faire à hauteur de Rs 5 milliards dans la pêche ? On ne demande pas grand-chose. 

On laisse les étrangers pêcher dans nos eaux. Ils ramènent les prises chez nous et nous les transformons en produits finis pour la réexportation. C’est rentable sans faire de grands efforts. Nous n’avons pas le savoir-faire en termes techniques de pêche en haute mer, mais nous recueillons les produits avant de les transformer.

Il y a le financement des partis politiques qui est revenu dans les débats. Quel est l’avis de Lalit à ce sujet ? 
Lalit est totalement contre la formule proposée. 

Pourquoi ? 
Lalit est en faveur d’un contrôle strict des dépenses électorales des partis politiques à travers l’Electoral Supervisory Commission (ESC). Pour l’heure, le plafond des dépenses des partis pour les législatives sur les 20 circonscriptions est de Rs 9 millions. Maintenant le montant sera de Rs 80 millions. Il faut donner les moyens à l’ESC de vérifier les données. 

Mais l’ESC aura les données des partis de l’opposition, alors que ses membres sont nommés par le gouvernement… 
C’est là que réside le problème. Le président de l’ESC est nommé par la Judicial Legal Commission (JLC) et ses membres par le gouvernement. Ce sont des nominés, des agents politiques. Pour plus d’indépendance, il faudrait que tous les membres soient nommés par la JLC. 

La réforme électorale est-elle une autre hypocrisie politique ? 
L’Alliance Lepep avait proposé cette réforme dans son manifeste électoral en 2014. C’est une promesse. Mais cette alliance sait pertinemment qu’elle n’avait pas les trois quarts des votes nécessaires. Elle a tenté de négocier avec l’opposition, dont le MMM. Cela n’a pas marché. 

Si cette réforme avait passé la rampe, une alliance MSM/MMM aurait-elle raflé la mise ?
Un gouvernement ne peut venir avec une réforme de notre système électoral dans la dernière année de son mandat. D’ailleurs, l’Alliance Lepep est toujours sous l’influence de sir Anerood Jugnauth qui est contre une réforme. La réforme électorale est donc un projet mort-né. 

Début janvier, le pays et le monde politique attenderont le jugement sur Pravind Jugnauth dans l’affaire MedPoint… 
Ce jugement est très attendu, tant par la classe politique que le peuple. Tous les koz-kozé politiques ont été mis en veilleuse. Il y a aussi l’affaire Roches-Noires de Navin Ramgoolam. Ces deux cases feront bouger ou secoueront la classe politique. 

Dans l’éventualité où Pravind Jugnauth soit blanchi dans le cas MedPoint, y a-t-il une possibilité d’un nouveau rapprochement MSM/MMM avec Paul Bérenger au Réduit ?
Si Pravind Jugnauth remporte sa bataille dans l’affaire MedPoint, il ouvrira les négociations sur le projet de loi mis en veilleuse sur la réforme électorale. Le MMM acceptera, car ce parti est totalement affaibli. Le MMM est dans une position de faiblesse. 

Le MMM est-il sur une courbe descendante ?
Le MMM est devenu comme le PMSD. Et le PMSD est totalement déplumé, surtout depuis la partielle au no 18.

 

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