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Raouf Bundhun : l’un des derniers témoins de l’accession du pays à l’Indépendance raconte

Les souvenirs sont encore vivaces pour Raouf Bundhun.

Raouf Bundhun, ancien vice-président de la République, a été témoin de l’accession de Maurice au statut de pays indépendant. Cet ancien député de l’Assemblée nationale relate une époque charnière de l’histoire du pays.

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Raouf Bundhun avance que le pays était divisé sur la question de l’Indépendance. La situation s’est tellement détériorée qu’un fossé communal s’est creusé entre deux composantes de la nation. D’un côté, il y avait Sir Seewoosagur Ramgoolam du Parti travailliste (PTr) et Abdool Razack Mohamed du Comité d’action musulman (CAM) qui étaient en faveur de l’Indépendance. De l’autre, il y avait Jules Koenig et Gaëtan Duval du Parti mauricien, qui deviendra ensuite le Parti mauricien social démocrate (PMSD). Deux farouches opposants à l’accession de Maurice au statut de pays indépendant. 

Raouf Bundhun rappelle que c’est dans ce climat de tensions que les dirigeants des partis politiques du pays avaient été convoqués à la conférence constitutionnelle, en septembre 1965, à la Lancaster House à Londres. Le secrétaire d’État aux colonies, Anthony Greenwood, présidait la conférence. 

Conférence constitutionnelle

« Il a été décidé, à la suite de la conférence constitutionnelle, que Maurice pourrait accéder au statut de pays indépendant à l’issue de nouvelles élections. Ceux qui étaient contre l’indépendance auraient mené une campagne communale lors des meetings. Des slogans comme ‘anvelopé nou pa oulé’, entre autres, avaient été utilisés. Mais la population avait finalement voté en faveur de l’indépendance le 7 août 1967 », raconte Raouf Bundhun. 

La campagne électorale avait démarré en janvier en vue des élections en août 1967. Ce qui n’était pas de tout repos, car il fallait convaincre la population. Accompagné d’Abdool Razack Mohamed, Raouf Bundhun avait animé une centaine de réunions dans des écoles coraniques et des mosquées. Ils avaient expliqué le sens profond et l’importance de l’indépendance.

Motion pour l’indépendance

Raouf Bundhun avait été élu lors des élections du 7 août 1967 sous la bannière PTr-CAM-IFB. C’était dans la circonscription n° 4 (Port-Louis nord/Montagne-Longue). Il avait comme colistiers Raymond Rault (du PTr) et Mohabeer Foogooa (de l’IFB). 

Il y a de quoi être fier de l’avancement de notre pays»

La prestation de serment avait eu lieu quelques jours plus tard, le 22 août. Raouf Bundhun est ensuite revenu sur les débats sur l’indépendance du pays. « Gaëtan Duval s’était opposé à la motion de Sir Seewoosagur Ramgoolam en faveur de l’indépendance. Le leader de l’Independant Forward Block (IFB), Sookdeo Bissoondoyal, avait ensuite pris la parole. Lors de son discours, il avait raconté, en détail, comment le PMSD l’avait demandé de se joindre à lui. Il avait également fait ressortir que le PMSD lui avait promis le poste de Premier ministre. Les membres du PMSD avaient alors fait un ‘walk-out’ et avaient quitté l’hémicycle. Seul le député du PMSD Yvon St Guillaume était resté au sein de l’hémicycle et avait voté en faveur de l’indépendance. C’était un grand moment de l’histoire. »

Marche du sel 

C’est après la promulgation de l’Order in Council par feu la reine Elizabeth II que Maurice a été doté d’une Constitution. Et des mesures ont été prises afin de créer les organismes gouvernementaux. Le gouverneur Sir John Shaw Rennie avait été nommé gouverneur général. L’ouvrage intitulé : TAQDIR, qui retrace le parcours de Raouf Bundhun, explique la raison derrière la date du 12 mars. « Après une période moratoire de six mois sous un gouvernement autonome, Maurice allait accéder à l’indépendance le 12 mars 1968 (…) La date commémorait la marche de Dandi, la grande marche du sel que Mahatma Gandhi avait entreprise en 1930 (…) Ainsi, le 12 mars était une date hautement symbolique pour mettre un terme à l’administration coloniale britannique à Maurice », indique l’ouvrage.

Sir Seewoosagar Ramgoolam avait prêté serment comme Premier ministre, en présence de Sir John Shaw Rennie, au château du Réduit, dans la matinée du 12 mars 1968.  Lady Sushil, leur fils Navinchandra, âgé de 19 ans,  leur fille Sunita et le Dr Cheddi Jagan de la Guyane étaient présents. Ce dernier était un ami personnel de Sir Seewoosagar Ramgoolam. 

Coalition PTr-PMSD

Raouf Bundhun est ensuite revenu sur le rapprochement entre le PTr et le PMSD en 1969. C’est à Paris, dit-il, que la coalition (négociée dans le dos de l’IFB) a été scellée. L’IFB avait ensuite été évincé de l’alliance. L’ancien président de la République raconte qu’il s’était rendu en France en compagnie de son épouse, après son séjour en Angleterre. C’était pour un séminaire organisé par la Commonwealth Parliamentary Association. 

« J’avais profité de l’occasion pour saluer l’ambassadeur de Maurice À Paris, le Dr François Darné. De retour à l’hôtel, j’ai reçu un appel téléphonique de Raymond Chasles. Le premier secrétaire de l’ambassade de Maurice à Paris m’a informé que Sir Seewoosagur Ramgoolam m’invitait à diner le soir même à l’hôtel Lutecia. Je me suis rendu à l’heure convenue et à mon grand étonnement Sir Gaëtan Duval était également présent. Il y avait Sir Veerasamy Ringadoo, Kissoonsingh Hazareesing, le Dr François Darné et Raymond Chasles… ». Il a appris que l’accord entre le PTr et le PMSD était déjà conclu.

Développements

De retour à Maurice, Gaëtan Duval avait organisé un grand meeting à Port-Louis. Une semaine plus tard, il avait officialisé l’alliance avec le PTr. « Le pays a ensuite été témoin de nombreux développements… »

Comment voyez-vous Maurice dans les années à venir ? « J’ai largement contribué dans l’avancement du pays. Je suis l’un des derniers politiciens à avoir été témoin du développement spectaculaire du pays depuis l’indépendance. Je suis confiant dans l’avenir du pays. Nos jeunes sont très intelligents. Il y a des collèges partout à travers le pays. L’éducation est accessible à tous. Maurice dépendait auparavant de la canne à sucre. Mais au fil du temps, il y a une démocratisation de l’économie. Le tourisme, la zone franche manufacturière et le secteur financier ont pris le dessus. Il y a de quoi être fier de l’avancement de notre pays », explique Raouf Bundhun.

 

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