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Ravi Mungur : encore et toujours le gamaat

Ravi Mungur

Depuis plus d’un quart de siècle, Ravi Mungur est une référence dans les soirées de « gamaat ». Sa formation musicale est recherchée à travers le pays pour les veillées de mariage, ainsi que pour les chants sacrés « kirtaan » et « bhajan ».

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À Palma, au pied de la montagne Corps-de-Garde, les Mungur sont connus comme une famille de coiffeurs et de chanteurs. Même si tous n’appartiennent pas au groupe de Ravi, lorsque les demandes se présentent, il mobilise oncles, tantes, neveux et nièces pour les soirées de chants pieux.

Évidemment, celui qui sort du lot, c’est Ravi, en raison de son engagement dans le registre de chansons populaires indiennes qui lui ont fait une belle réputation à travers Maurice.
« Depuis petit, j’accompagne mon oncle Gian Leelah aux gamaat. C’est comme cela que j’ai apprécié les grands ténors du gamaat comme Pokhun, Jeewan Dawasingh, Soondur, Freeman Lagare, Sanskrit ou encore Gian Moheeputlall. J’assistais aux répétitions de mon oncle, où je jouais de la ravane. Mon père, lui-même, jouait de l’harmonica. On était imprégné de musique », raconte-t-il.

Vivier culturel

Alors qu’il entame sa scolarité secondaire, Ravi monte un petit groupe composé de ses cousins, rien que pour se familiariser avec la musique. À 17 ans, il se joint au Gandhi Cultural Circle, un véritable vivier culturel, où pour chaque anniversaire du Mahatma Gandhi, l’association était invitée à des spectacles.

Mais ce sera le concours de chansons Geet Gatha Chal, organisé par la MBC dans les années 80, qui lui servira de tremplin pour se faire connaître. Il y décroche le deuxième prix, avec une chanson de Mohamed Rafi, extrait du film Jaane Dushman, intitulé Chalo Re Doli.

« J’ai toujours placé Rafi en tête de mes chanteurs préférés, sans doute en raison de la douceur de sa voix, de ses possibilités vocales tant dans le registre émotionnel que dans les chansons de variété comme celles des films de Shammi Kapoor. »

«J’ai commencé par animer les gamaat pour les membres de la famille et les amis. Les invités durant ces soirées venaient prendre mes coordonnées ou s’informaient auprès des organisateurs des mariages»

Dès lors, il exercera comme coiffeur après une formation chez Amit’s, et durant les week-ends, avec son groupe musical, il animera les veillées de mariage.

« J’ai commencé par animer les gamaat pour les membres de la famille et les amis. Les invités durant ces soirées venaient prendre mes coordonnées ou s’informaient auprès des organisateurs des mariages », explique-t-il.

Pendant une quinzaine d’années, il a joué avec les mêmes musiciens, dont un violoniste et une femme pour la partition vocale féminine. « Le fait de jouer ensemble a fini par développer une réelle complicité et amitié. Nous tous sommes au courant de l’actualité musicale, des tendances, des attentes. Puis, durant les soirées, il suffit d’un regard pour que nous nous comprenions. »

Évoquant les gamaat d’un passé pas trop éloigné, il se souvient des soirées animées par le regretté Sona « Tikoson », un véritable « feu follet », complètement habité par sa musique et qui était souvent invité à l’étranger.

« La particularité de ces soirées, c’est que deux chanteurs étaient invités et, vers la fin de la soirée, ils se livraient à des duels appelés “lakross”. À ce moment-là, seuls les hommes restaient sous la tente, les femmes s’en allaient, en raison de certains sous-entendus à caractère sexuel échangés entre les deux chanteurs. Aujourd’hui, c’est un peu l’inverse, il y a plus de femmes que d’hommes qui écoutent les chanteurs », fait-il ressortir.

Cet engouement des femmes pour ces soirées, il l’attribue au fait que la musique indienne a connu de profondes mutations depuis le début des années 2000. « C’est désormais une musique plus occidentalisée, épurée, aseptisée, mais avec un fond romantique qui puise dans la chanson traditionnelle des années 60-80 », fait-il observer.

Il a lui-même réussi la transition en recourant à des instruments adaptés à ces registres musicaux. « Nous avons loué les services de deux jeunes, dont un qui joue à la batterie électronique », ajoute-t-il. S’il a choisi, lui, de ne pas abandonner son registre, c’est parce que la demande pour les « oldies but goldies » est toujours là.

« Il suffit de jeter un coup d’œil au succès de Sanam Puri qui, pourtant, ne compose rien, mais se sert dans le vivier classique. Il lui suffit de modifier la trame musicale. C’est un peu grâce à lui que je peux moi-même rester dans cette tendance ».

Toutefois, nuance-t-il, ce sont les invités d’entre deux âges qui possèdent la fibre musicale. Il se souvient encore d’une soirée remontant à plus d’une dizaine d’années, quand des invités sont venus déposer sur son harmonium des enveloppes contenant de l’argent.

Avant chaque prestation, ses musiciens se retrouvent à son domicile durant le week-end pour les répétitions. « Nous répétons des chansons de notre répertoire, puis des nouveaux morceaux populaires. C’est un exercice très important pour nous évaluer et, en même temps, pour nous réactualiser. Nous devons connaître nos limites pour éviter d’être pris de court par une demande à laquelle nous n’étions pas préparés durant la soirée », indique-t-il.

À l’improviste

En effet, il arrive qu’un invité formule une demande à l’improviste. Comment y répondre ? « J’ai un répertoire d’au moins 400 chansons remontant aux années mi-80, sans oublier les chansons que j’ai toujours en mémoire. Puis, dans mon salon de coiffure et à la maison, la radio reste toujours allumée. Aussi, et en complicité avec les autres musiciens, on s’en sort toujours », explique-t-il.

Grâce aux deux gros livrets contenant ses quelque 400 morceaux, Ravi est en mesure de satisfaire des clients souhaitant sa présence pour deux jours, samedi et dimanche, ou samedi et lundi.

« On adapte notre prestation, avec des chansons qui correspondent au profil des invités durant ces deux jours. Mais le samedi reste le jour le plus important, parce qu’il y a plus de monde, avec les membres de la famille venus de loin, les voisins, les amis et les collègues de travail. Nous nous efforçons d’offrir un répertoire plus populaire et varié. »
Doté d’une véritable culture musicale, Ravi refuse de se cloîtrer dans une certaine nostalgie des belles années de la musique indienne, ce qui aurait sans doute mis fin prématurément à sa carrière de chanteur.

« Je pense que Bollywood, de même que les chanteurs qui ne chantent pas pour le cinéma, comme Sanam Puri, essaient de trouver un type musical plaisant à toutes les générations. À Maurice, c’est le cas, d’autant que les Mauriciens n’ont jamais vraiment aimé les musiques bruyantes. Aussi, nous essayons de coller à leurs attentes », fait-il ressortir.

 

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