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Recrudescence des cas de vol : quand des citoyens se font justice eux-mêmes

Un suspect dans un cas de vol, est battu par des membres du public, avant d’être remis à la police.
  • Le lynchage public : un phénomène qui prend de l’ampleur

Le nombre de cas de vol ne cesse de croître à Maurice. À une telle vitesse que la police est parfois dépassée malgré les efforts consentis pour combattre ces délits. Vols à la tire, vols avec effraction, avec circonstances aggravantes, peu importe, le citoyen n’en peut plus. Il se fait justice lui-même. Plusieurs individus, surpris en train de voler, ont été lynchés par le public récemment. Ce qui n’est pas la meilleure des solutions, comme le soutient un policier. 

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Les avis sont partagés après les récents cas de lynchage en public. « Ou travay, ou trime ou fer zefor pou ou avanse, selma enn lot li, sipa li droge ou swa li pares, li vinn kokin dan ou lakaz, dan ou karo ou li ris ou sak ou telefonn li ale. Ena agress ou bless ou fami ki res tromatize. Li pa normal », s’indigne un citoyen. Victime lui-même d’un vol avec effraction, durant lequel les cambrioleurs avaient emporté un butin de quelque Rs 250 000, il avoue que cela a laissé des séquelles « même après plusieurs années ». Cependant, s’il est d’avis qu’il faut « laisser la police faire son travail », il concède qu’une « petite correction peut faire l’affaire, mais pas de gros lynchage public pouvant mettre la vie du voleur en danger ».   

Par contre, d’autres estiment que cette correction est « plus que nécessaire ». « Bizin donn zot enn koreksion, zot pena pitie pou ou kan pe vinn kokin kot ou. Zot kapav agress ou ou touy ou. Bizin donn lexanp me pa o pwen ki dimounn-la mor ou vinn andikape. Li bizin al lakour ek al manz so lazol si li rekonet koupab », estiment-ils. D’autres encore se prononcent totalement contre, arguant qu’il faut « laisser la police et la justice faire leur travail ». Et pour la police, le lynchage public est à déconseiller. « C’est un délit de se faire justice soi-même surtout s’il y a des conséquences fâcheuses », dit un chef inspecteur, sous le couvert de l’anonymat (voir texte plus loin).

C’est cependant un phénomène qui prend de l’ampleur. Ces derniers temps, l’on a assisté à plusieurs cas où les citoyens se sont fait justice eux-mêmes après avoir mis la main sur un ou des voleurs. Si ces lynchages se terminent souvent à l’hôpital, on se souvient du cas de Steward Gandoo en 2017. Cet homme de 37 ans avait trouvé la mort après avoir été tabassé par plusieurs individus. L’habitant de Sadally, Vacoas, avait été pris en flagrant délit de vol de litchis dans une cour à Solferino.   

Le dernier cas rapporté remonte au mardi 27 septembre 2022 à Plaine-Verte. Vers 10 h 30, une doctoresse a été victime d’un vol à la tire. Un dénommé Ally, âgé de 37 ans, a été rattrapé et lynché par le public. Il a dû être transporté à l’hôpital Dr A. G. Jeetoo par la police. Après les soins, il a été conduit au poste de police pour les besoins de l’enquête. Ce toxicomane dira avoir commis ce larcin, car il était « en manque » et avait besoin de sous pour se procurer sa dose de drogue. Malgré le fait d’avoir détroussé la doctoresse, celle-ci l’a sorti des mains des membres du public et lui a prodigué les premiers soins. Le jeune homme était en sang.

Ally, habitant rue Gorah Issac, est connu des services de police. Cet Habitual Criminal avait été arrêté, il y a trois mois, pour une affaire de vol. Il avait écopé d’une amende de Rs 3 100, le 15 juin 2022. Le 7 novembre 2016, il avait été poursuivi pour une affaire de « Molesting Police Officer » et avait été condamné à payer une amende de Rs 1 100.  Autres cas

  • On se souvient aussi du cas des trois adolescents lynchés par des habitants de Terre-Rouge le mardi 6 septembre. Ce passage à tabac a été filmé par des badauds et la vidéo diffusée sur les réseaux sociaux. Soupçonnés d’être impliqués dans une série de vols dans la localité, ces trois jeunes habitants de Résidences la Cure ont été roués de coups par au moins une vingtaine de personnes. Ils ont reçu des coups de matraques et de gourdins. « Mo ti gayn kout dibwa lor mo latet. Monn tom san konesans », dira un des mineurs.
  • Le 20 juin 2022, à Jin Fei, des Bangladais avaient fait fuir des malfaiteurs. Un dénommé Kenny Labonne, habitant Sainte-Croix et âgé de 30 ans, était venu sur ce chantier, avec sa bande, pour commettre un vol. Si ses complices avaient pu prendre la fuite, il a cependant été rattrapé et lynché avant d’être livré à la police. 
  • Il y a aussi le cas d’un voleur de choux-fleurs à St-Pierre. Ses aveux avaient été filmés avant qu’ils ne soit remis à la police. L’affaire remonte à août 2017. 
  • Yannick Tour avait, lui, été sauvagement agressé. Trois suspects, tous des videurs, avaient été arrêtés.

L’avis d’un psy… un manque de confiance

Pour le psychologue Sarvesh Dosooye, si les citoyens se font justice eux-mêmes, ce qu’ils ne font plus confiance aux autorités. Sans s’en rendre compte, ils transgressent aussi la loi.
« Souvent, les gens prennent la loi entre leurs mains, plus particulièrement dans des cas où un voleur a été maîtrisé par le public. Ils vont participer à un lynchage sans même réfléchir aux conséquences que cela peut avoir. C’est signe qu’ils ne font confiance ni aux institutions ni à la police. Quand une telle situation se présente, ils estiment qu’ils ont le droit de faire justice eux-mêmes. Ils violent ainsi la loi », soutient le psychologue Sarvesh Dosooye.

…et d’un chef inspecteur de police : ne pas jouer au justicier

Un chef inspecteur de police a été sollicité. Selon lui, c’est un délit de « take the law in your own hands ». « Dans des cas de lynchage, souvent, l’accusé devient l’accusateur. Que l’individu, victime d’un lynchage, soit un criminel ou pas, s’il peut identifier son ou ses agresseurs, il suffit qu’il porte plainte pour que la police interpelle les assaillants. L’affaire sera ensuite référée au bureau du Directeur des poursuites publiques pour une décision. » Dans des circonstances plus fâcheuses, « s’il y a mort d’homme dans un cas de lynchage public, ces gens seront arrêtés pour meurtre ». D’où son appel au public « de ne pas jouer au justicier et de laisser la police et la justice faire leur travail ».

 

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