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Résidence Sainte-Claire - Drogue synthétique : le trafic se poursuit

Résidence Sainte-Claire Le business se fait à ciel ouvert à Résidence Sainte-Claire.

C’est le Talk of the Town à Résidence Sainte-Claire, à Goodlands, depuis la diffusion d’une vidéo montrant deux jeunes sur le seuil d’une boutique, dans un état second. 

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Les deux jeunes, âgés d’une vingtaine d’années, auraient subi l’effet de la drogue synthétique, notamment le « Flakka », avant de s’allonger par terre. La vidéo fait le buzz sur Facebook et sur les services de messagerie de téléphonie mobile. Le clip ne laisse pas insensibles les Casernes centrales.  Mais  le trafic se poursuit en toute quiétude.

Le jeune homme était sous l’influence de la drogue synthétique.

Cadran : le mercredi 31 janvier à 10 heures. Nous nous sommes rendus devant la Boutique Margaret, l’endroit où la scène avait été filmée. Sur le seuil du bâtiment abritant le commerce, ils sont plusieurs badauds à s’être assis par terre. Nos conversations avec les habitués sur la vidéoclip provoque une réaction identique auprès des personnes présentes. « Sa bann garson-la pa dimoun par isi sa. Sirma zot vinn aste la drog isi, lerla finn ariv sa. »  

Dans ce quartier, le trafic de drogue est le pain quotidien. Il est loin d’être tabou bien que certains habitants préfèrent se la jouer « perso » face aux dealers. Le périmètre du trafic est, semble-t-il, bien défini par chacun des gros bonnets de la localité. Si le nom de John B. est souvent cité, les résidents évoquent également « Lekip France ».  Ces derniers vivent dans le quartier et se partagent le business. 

Nous nous sommes rendus dans le commerce où le gérant avait chassé les jeunes sous l’effet de la drogue. Il confie au Défi Quotidien que les deux jeunes dans un état second filmés sur le seuil de sa boutique ne sont pas de la région. « Nepli kapav vive isi. Dimoun vini aste ladrog  ale », affirme une des administratrices. Cette dernière explique que c’est devenu leur quotidien. D’autres  résidents du quartier se plaignent de la présence de nombreux trafiquants et celle de leurs « jockeys ». « Fami pa vinn kot nou akoz zot. » Ils déplorent que plusieurs personnes d’« ailleurs » viennent à Résidence Sainte-Claire pour se procurer de la drogue. 

11 h 40. On retourne sur les lieux. Notre présence attire les regards des habitués du coin. Dans une ruelle, non loin du commerce ayant témoigné de la scène des deux jeunes qui s’écroulaient sur le sol, Linda (prénom modifié), qui a grandi dans la région, explique que la situation ne cesse de s’aggraver. La drogue s’infiltre dans leur quotidien. « Ou truv zen zen zanfan pe mars ek trafikan. Zot portab dernyer model. » Linda parle de « guetteurs », communément appelés « martins ».  Les trafiquants, selon notre intervenante, se servent de ces enfants pour écouler leurs produits illicites en toute tranquillité.  

Sous la varangue où s’étaient écroulés les deux jeunes sur la vidéo, se tiennent en quasi permanence  les « martins ». Bouteille de bière et cigarette à la main, ils passent leur journée, en allant et venant auprès des maisons des dealers. « Zot mem pran apre livre klian », nous affirme un jeune homme.  Ils agissent aussi en tant que « martins » pour les trafiquants. À l’arrivée de véhicules suspects, ils envoient le signal approprié. D’ailleurs, notre présence à bord d’un 4x4 dans cette ruelle a rapidement attiré les regards. « Nou gayn per pu al laboutik ek fami. Ou imazin ou tou letan ou kone bann figir sal laba », s’indigne une mère de famille.

De son côté, l’Anti-Drug and Smuggling Unit tente de remonter jusqu’au consommateur de la drogue synthétique, mais s’intéresse principalement à la provenance de ce produit illicite. Si dans la vidéo, on entend le nom de « Jean Daniel » comme fournisseur, les enquêteurs travaillent toujours de concert avec les Field Intelligence Officers pour identifier les fournisseurs.


 

Résidence Sainte-Claire : la sœur d’un trafiquant présumé arrêtée 

Alors que la vidéo compromettante ne cesse d’accumuler nombre de Views sur les réseaux sociaux, une opération de l’Adsu a permis d’arrêter la sœur d’un dealer présumé à Résidence Sainte-Claire, Goodlands. Dans  l’après-midi du mardi 30 janvier, la brigade des stups a saisi de la drogue synthétique.  Une perquisition au domicile de la suspecte a été concluante. 

La drogue était dissimulée dans un conteneur et a été envoyée au Forensic Science Laboratory (FSL) aux fins d’analyses. Quant à la suspecte de 29 ans, elle a été relâchée sur parole, mais devra être traduite devant la justice, dans la journée du vendredi 2 février. À Résidence Sainte-Claire, des habitants, dans la plus grande discrétion, pipent les noms de trois de leurs comme des « Big Bosses » du trafic. « Ena John, ena Sylvio ek Lekip France », nous indiquent une poignée de personnes rencontrées sous un arbre fruitier, à côté de la Boutique Margaret où la vidéo compromettante avait été filmée.


 

Danny Phillipe : «Il faut établir de quel produit il s’agit»

Danny Phillipe de l’association Collectif Urgence Toxida (CUT) a commenté la vidéo. Pour le travailleur social, les deux jeunes étaient bel et bien sous l’influence de la drogue. « Me pa kapav dir kiyete sa. Fodre laboratwar donn resilta. » Et d’affirmer que la substance a fait que l’un des deux jeunes sur la vidéo est tombé dans les pommes, alors que l’autre était victime d’effets indésirables. 

«  Chaque drogue agit différemment sur différents individus. On ne dispose d’aucune preuve scientifique. On ne fait que d’attribuer des noms », déplore Danny Phillipe. Une dose de « Flakka » coûterait dans les Rs 50, selon nos renseignements recueillis sur le terrain. 


 

Ally Lazer : «Les drogues synthétiques ont envahi le marché»

Le travailleur social Ally Lazer, président de l’Association des travailleurs sociaux de Maurice (ATSM), dit constater que le prix varie d’endroit à endroit et en fonction de la disponibilité. Les statistiques, en 2017, indiquaient qu’on comptait plus d’une vingtaine de types de drogues synthétiques sur le marché. Le nouveau produit « Flakka » semble faire des ravages parmi les plus jeunes. « Enn doz pe vann Rs 50. Ena landrwa vann sa Rs 30 », note Ally Lazer. À Résidence Sainte-Claire et Chemin-Plateau, dans la région de Goodlands, le travailleur social dit constater un rajeunissement des consommateurs. « Se bann prodwi simik ki pe prodwir dan laboratwar. » Les drogues synthétiques deviennent de plus en plus dangereux pour la santé, selon Ally Lazer. Ce dernier affirme que « les drogues synthétiques ont envahi le marché ». En deuxième position, on retrouve l’héroïne, qui coûte plus cher.


Siddique Maudarbocus : «Ces drogues peuvent entraîner la mort»

Le médecin et directeur des Mariannes Addiction Sanctuary s’inquiète de la situation de la drogue synthétique à Maurice. Il nous brosse un tableau dans l’interview qui suit.

Quelle est la situation concernant les drogues synthétiques à Maurice ? Après un simulacre d’accalmie, ce produit semble revenir au-devant de la scène?
Vous avez raison, la drogue synthétique déferle comme des vagues. Ce que nous notons aussi, c’est que les molécules changent à chaque fois. Les consommateurs se lassent avec un type de produit et souhaitent tenter de nouvelles expériences avec d’autres. Les jeunes connaissent tous les nouveaux développements en matière de drogues synthétiques et se laissent facilement tenter par les nouveaux produits pour goûter les effets. Ce qui devient une addiction. Donc, ils ne peuvent plus s’en passer. 

Comme il n’existe aucun contrôle sur ce  produit, chacun prend la dose qu’il veut. Certains peuvent ainsi prendre en petites quantités alors que d’autres consomment de fortes doses, ce qui peut entraîner des effets négatifs sur le système nerveux, le cœur, les poumons. Il est possible de s’évanouir et avoir des réactions incontrôlables et imprévisibles. Ce qui peut causer des problèmes cardiaques et entraîner la mort du consommateur.  

Avez-vous constaté une augmentation de patients ou usagers de ce type de drogue ?
C’est quand il y a une pénurie de cannabis que les drogues de synthèse ont la cote. C’est un peu une situation de cause à effet. Mais c’est une observation personnelle. Ce qui est triste, c’est que notre société est affectée par la drogue, surtout parmi les jeunes. Ce qu’on voit n’est que la partie émergée de l’iceberg. 

Les parents ou l’entourage des consommateurs ne savent pas identifier les signes ou ne les tiennent pas en ligne de compte. Ou alors les jeunes sont extrêmement discrets qu’ils ne remarquent pas leur changement d’attitude ou de comportement.

Quels sont les signes avant-coureurs qui devraient inciter l’entourage à soupçonner une consommation de drogue ?
Un enfant qui change ses habitudes du jour au lendemain ou qui devient taciturne, plonge dans la solitude manifeste des signes avant-coureurs d’une consommation probable d’une drogue. On peut aussi remarquer qu’il a des troubles de sommeil la nuit et a envie de dormir pendant la journée.

Il y a aussi les deux extrêmes : soit l’enfant aura un appétit grandissant ou une perte d’appétit. Dans un autre cas de figure, il va chercher à consommer des aliments sucrés. Ce qui indique un dysfonctionnement biochimique et témoigne du déséquilibre auquel la personne est en train de faire face. 

Que peut-on faire dans ce cas ?
Il faut privilégier le dialogue. Des enfants modèles peuvent devenir agressifs alors qu’ils n’étaient pas violents auparavant. Ils vont être dans le déni quand on va les confronter à leur éventuelle consommation de drogue. La seule chose à faire pour les aider, c’est de faire appel à des professionnels de santé : médecin ou psychologue, ou encore se diriger vers un centre spécialisé dans les addictions. 

La meilleure façon de le soigner, c’est d’offrir à l’enfant un encadrement 24 / 24 pendant 14 jours, afin de le désintoxiquer et neutraliser ses sensations de manque. En aucun cas, il ne faut pas laisser la personne livrée à elle-même car elle risque de rechuter. Des sessions d’écoute-conseil sont aussi importantes, afin d’éviter tout malencontreux problème. 

Quelles peuvent être les conséquences de la consommation de drogues de synthèse ?
Quand on prend des drogues, cela fait inévitablement des dégâts dans le corps. Les conséquences dépendent de la durée de consommation, l’intensité et du dosage du produit. Certains ont des troubles de mémoire et de concentration. Cela va rester pendant quelque temps et va s’estomper quand la personne aura été stabilisée. D’autres vont éprouver des douleurs d’estomac et musculaires ainsi que des problèmes intestinaux.

Est-il facile de désintoxiquer une personne qui consomme de la drogue ?
C’est assez difficile, mais avec les tests urinaire et sanguin, il est possible de déterminer quel type de thérapie on peut initier à un patient. Cela prend sept à dix jours pour nettoyer le système et donner les molécules nécessaires pour stabiliser le cerveau et neutraliser les effets de manque. La phase de traitement des addictions doit se faire sous surveillance médicale. Le soutien de la famille est très important pendant la cure de désintoxication.

 

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