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Réussir autrement : quand le talent et la volonté suffisent

Il y a ceux qui sont convaincus qu’il faut suivre le modèle académique pour réussir dans la vie.

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Puis il y a ceux qui brisent ces idées reçues en emprunter d’autres voies. Nombre d’entre eux, dont certains rejetés par le système éducatif, ont pu compter sur leurs talents pour s’épanouir dans l’art, l’entrepreneuriat ou encore l’artisanat.

Jonathan Arsene, 28 ans : d’analphabète à responsable d’un centre éducatif

Jonathan Arsene se considère comme un rejeté du système éducatif. « En 1998, j’obtiens 4 F aux examens du Certificate of Primary Education (CPE). Je suis analphabète et enfermé dans la réalité de mon quartier avec un père toxicomane », raconte l’habitant de Résidence Barkly.

En 1999, l’affaire Kaya bouleverse tout le pays. « Les gens commencent à se poser des questions. Puis il y a le projet de développement communautaire à Résidence Barkly. Cela va tout changer. Je rencontre des jeunes volontaires qui m’accompagnent. Je trouve en eux des role models. Je comprends enfin l’importance de l’éducation. Parallèlement, je reprends les bases de la Std IV et contre toute attente, je réussis au CPE même si ce n’est que moyennement. »

Jonathan Arsene est admis au collège New Devton mais il a encore des problèmes. « En 2004, j’échoue en Form III et je pense à quitter l’école. Mais un éducateur m’encourage à continuer mes études. Mon comportement change et j’enchaîne les succès jusqu’au School Certificate (SC) où malheureusement je commence à souffrir d’une maladie de la peau qui fait que des camarades se moquent de moi. Je cesse d’aller au collège mais je pars tous les jours à la librairie de Rose-Hill pour étudier. Je m’endurcis et je réussis mon SC. »

Entre-temps, Jonathan Arsene se soigne. En 2008, il devient bénévole à son tour. « En 2010, je reçois et j’accepte une proposition d’emploi comme Field Worker au centre. C’est l’occasion pour moi d’offrir aux jeunes de ma localité ce que j’ai eu la chance de recevoir. Je reçois une bourse d’études en Community Services Work. J’obtiens mon diplôme en 2014.

L’expérience et mes certificats me permettent d’avoir des promotions. Je suis aujourd’hui responsable du centre éducatif. »

Philippe Edwin Marie, sculpteur : «Ce don me vient du ciel»

Philippe Edwin Marie, plus connu comme PEM, est un personnage pas comme les autres. « Dans les années’ 80, en exerçant mon métier de laboureur, je découvre une racine. Sans raison, je quitte mon lieu de travail pour donner forme à ce morceau de bois. Le lendemain, mes amis me font remarquer que j’ai sculpté le visage de Nelson Mandela. À l’époque, je ne savais pas qui était Nelson Mandela. Je ne savais même pas ce qu’était la sculpture. »

Peu après, PEM décide d’en faire son métier. « J’expose mes travaux. Je vends principalement à la plage et je comprends alors que je suis apprécié surtout lorsque des touristes qualifient mes sculptures d’œuvres d’art. » Même s’il est analphabète, PEM est aujourd’hui un sculpteur de renommée internationale. « Je suis artiste dans l’âme. Ce don me vient du ciel. Bien que je n’aie pas fait de grandes écoles d’art, j’ai des élèves qui fréquentent l’université de Maurice. Je les aide à réaliser leurs projets. C’est une très grande fierté pour moi de partager mon art et d’aider les jeunes. »

Gilberte Marimootoo, artiste-peintre : «Je suis une autodidacte»

Gilberte Marimootoo a découvert son talent pendant ses études secondaires. « Je ne peux pas expliquer mon talent. C’est inné. Très jeune, j’ai essayé plusieurs jobs dont celui d’hôtesse d’accueil à Air Mauritius, mais ce besoin de peindre était toujours présent. J’ai ensuite décidé d’en faire mon métier. » En 1997, elle décide de jeter l’ancre au Caudan pour poursuivre sa carrière comme artiste-peintre et travailler à son compte.

Étant autodidacte, elle confie que malgré les difficultés, elle a réussi à se faire connaître au niveau international. « J’ai des tableaux partout dans le monde et la plupart ont été conçus grâce à mes doigts et du plastique que j’utilise pour peindre », dévoile-t-elle.

Aujourd’hui, beaucoup d’étrangers font plusieurs milliers de kilomètres juste pour suivre ses formations. Il y a même des jeunes de l’université qui font des stages chez elle. « Mon plus grand accomplissement, ce n’est pas les trophées mais d’avoir l’occasion de partager mes connaissances avec bon nombre de gens à travers le monde. »
Gilberte Marimootoo a une exposition permanente en Chine. Elle est aussi passée au Time Square. Encore un exemple que les diplômes ne constituent pas le seul facteur permettant aux gens de réussir dans la vie. Le talent est aussi un élément de réussite s’il est bien exploité.

Yvonette Grenade, entrepreneure : «J’ai hérité ce talent de ma mère»

Yvonette Grenade a étudié jusqu’à la Form III. Elle fabrique aujourd’hui des produits à base de vacoas. Parmi : des paniers, des porte-bouteilles, des  tentes, des sous-plats, etc. Elle propose aussi des produits personnalisés pour des occasions telles que les premières communions, les baptêmes et les mariages. Sa clientèle se compose surtout de touristes.

Cela fait 30 ans qu’Yvonette Grenade fait ce métier. « Au début, c’est ma maman qui travaillait le vacoas. Je lui prêtais main forte.  Malheureusement lors d’une grosse commande, elle a eu une blessure au bras. C’est alors que j’ai pris les choses en main et j’ai tout réalisé du début jusqu’à la fin. Depuis, je suis entrée dans le métier et cela dure toujours. »

Ce métier a permis à Yvonette Grenade d’avancer dans la vie. « Grâce à ce talent transmis de mère en fille, j’ai beaucoup accompli. J’ai fait bâtir ma maison. J’ai pu payer les frais d’inscription de mon fils dans une université pour des études supérieures. J’ai aussi payé ceux de mes deux autres fils. »

Selon Yvonette Grenade, c’est un métier qui est sur le point de disparaître car ce talent n’est pas suffisamment exploité. « Il n’y a pas de relève. Aucun jeune ne veut s’y investir », déplore-t-elle.

Aureline et Aurelie Korimbocus, des jumelles entrepreneures : «Nous avons étudié jusqu’à la Form IV»

Aureline et Aurelie sont jumelles. Elle sont aussi les fondatrices et gérantes d’une petite entreprise de déco. « Nous recyclons des objets comme des rouleaux de papier, des bouteilles vides, du papier et du carton. Nous en faisons des objets décoratifs. »

Elles disent avoir ce talent depuis l’enfance. « Depuis l’âge de neuf ans, nous avons développé une passion pour le bricolage. Nous avons commencé à faire des fleurs avec des bouteilles en plastique et du papier mousseline. C’était des choses très simples mais nous étions déjà passionnées », confie Aureline.

Plus tard, les deux sœurs prennent le pari de faire de leur passion leur métier. « En décembre 2014 et pour les fêtes de fin d’année, nous avons eu l’idée de fabriquer nos décorations en cherchant des photos sur Internet. Nous avons ensuite décidé de faire des fleurs en papier afin de les vendre pour la Fête des mères. La vente a été un succès. Nous avons aussi remporté le deuxième prix du Sicom Youth Excellence Award 2015 », ajoute Aureline avec fierté.


Brian Pitchen, travailleur social : «Notre système éducatif contient des lacunes»

Faut-il forcément suivre le modèle éducatif classique pour réussir ?
Quelqu’un qui n’a pas suivi le modèle éducatif classique peut aussi réussir dans la vie. Il ne faut pas oublier les intelligences multiples. J’ai des élèves du prévocationnel qui sont aujourd’hui des entrepreneurs ou qui occupent des postes à responsabilité.

En tant qu’accompagnateur, quels sont les « autres » talents que vous décelez chez les jeunes ?
Tous les enfants ont une intelligence mais chacun la développe à sa façon et à son rythme. Il y a des enfants qui excellent en sport et qui deviennent des athlètes de haut niveau.

D’autres sont de bons musiciens, peintres, sculpteurs, cuisiniers ou pâtissiers. J’ai un ancien élève qui est parfait en cuisine. Il a même participé au concours Top Chef à Maurice. Aujourd’hui, il possède un bateau et travaille à son compte dans le tourisme.

Les autorités aident-elles au développement de ces « autres » talents ?
Il y a des lacunes dans notre système éducatif. Il est ultra compétitif. Il faudrait donc trouver le juste milieu afin de laisser les enfants s’épanouir dans les domaines comme l’équitation, le yoga, le travail communautaire, etc. qui ne font pas partie de notre cursus.

 

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