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Santé : la dengue peut être fatale en cas de surinfection et de comorbidités 

Plusieurs exercices de fumigation se font actuellement à travers l'île.
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Malgré un taux de mortalité mondial de 0,06 %, la dengue ne devrait pas être banalisée. Sur les 1 103 (au 13 février) cas recensés à Maurice depuis le 11 décembre 2023, trois décès de personnes positives à la dengue ont été enregistrés jusqu'à présent. 

Dr Vasantrao Gujadhur.
Dr Vasantrao Gujadhur.

Trois patients infectés par la dengue sont décédés depuis le début de l'épidémie. Selon le ministère de la Santé, ils souffraient d'autres comorbidités. D'autres cas de décès ont également été enregistrés, mais ont été attribués à leurs antécédents médicaux, affirment les autorités sanitaires. 

Si nul n'est à l'abri des piqûres de moustiques qui sont les principaux vecteurs de la maladie, ce sont particulièrement les personnes ayant des antécédents médicaux et celles ayant déjà été infectées par un sérotype différent lors d'une nouvelle infection de la dengue qui sont les plus susceptibles de présenter des complications. C’est ce qu’expliquent le Dr Vasantrao Gujadhur et un collègue - qui n'a pas souhaité être cité -, tous deux des anciens directeurs de la santé. Ils soutiennent que c'est une baisse de plaquettes dans le sang entraînant une hémorragie sévère qui peut causer le décès d'une personne infectée par la dengue (voir encadré).

Le collègue du Dr Vasantrao Gujadhur fait remarquer qu’« aucun cas de décès n'a été répertorié lors des précédentes épidémies de la dengue à Maurice ». Il souligne également qu'à chaque fois, l'épidémie a pu être contenue dans la zone où elle avait débuté, sans pouvoir se propager à travers l'île, comme cela semble être le cas actuellement. « Est-ce que Port-Louis et le nord ne sont pas les deux seuls 'hot spots' ? » se demande-t-il. Selon lui, plus l'épidémie se répandra, plus il sera difficile de la contenir, car les équipes devront opérer sur plusieurs sites au lieu de concentrer leurs efforts dans des zones plus restreintes.

Divers sérotypes

Alors que c'est le sérotype 2 de la dengue qui circule actuellement, le Dr Gujadhur est d'avis que ce sont les sérotypes 3 et 4 qui sont les plus susceptibles de causer des complications de santé. Il s'interroge ainsi sur la prise en charge des patients effectuée en ce moment et sur les raisons précises qui ont conduit au décès de ceux infectés par la maladie. Il se demande aussi si ces derniers avaient déjà contracté la dengue dans le passé. Notre interlocuteur regrette, par la même occasion, qu'il n'y ait pas de données concernant le sérotype de la dengue dont les personnes ont été infectées au cours des précédentes épidémies.

Risque de devenir endémique

Le fait de renvoyer chez eux les patients atteints de la dengue est une stratégie défavorable, estime le Dr Vasantrao Gujadhur. Cela s'explique par la difficulté d'assurer une surveillance médicale adéquate. Il existe également le risque qu’au lieu de rester en isolement pour se protéger des piqûres de moustiques, ils quittent leur domicile, ce qui pourrait contribuer à aggraver la situation de l'épidémie.  « Il y a un grand risque que la dengue devienne endémique avec la quantité croissante de cas qui pourrait se propager à travers l'île, d'autant plus que le nombre de cas actifs a considérablement augmenté », affirme-t-il. Selon lui, tous les patients atteints de la dengue auraient dû être traités en milieu hospitalier.

Taux de plaquettes

Le taux de plaquettes (thrombocytes) dans le sang se situe entre 150 000 et 400 000/mm³. Fabriquées dans la moelle osseuse, elles aident le sang à coaguler et ainsi arrêter une hémorragie en cas de blessure mineure. Par conséquent, une baisse de plaquettes peut entraîner un saignement important. Une infection à la dengue est susceptible de provoquer cette situation, le taux pouvant être inférieur à 100 000/mm³. On parle alors de thrombocytopénie. Une transfusion sanguine ou de plaquettes s'avère donc nécessaire, mais en cas de comorbidités, d'autres complications peuvent survenir. 

Une cascade d'événements peut ainsi se produire, notamment chez les patients atteints de maladies cardiaques, de diabète, d'hypertension artérielle, explique le Dr Vasantrao Gujadhur. Il déplore le fait que les patients puissent rentrer chez eux si, au départ, ils ne présentent pas de symptômes sévères de la dengue. Pour lui, le risque est grand de les renvoyer chez eux, même si, selon le protocole établi, ils vont recevoir la visite d'une équipe médicale régulièrement. 

Pour sa part, son collègue ajoute que le taux de plaquettes devrait être évalué quotidiennement au lieu des jours 2, 4 et 7, comme le stipule le protocole mis en place. Il est d’avis que même une personne en apparence en bonne santé avant d'être infectée par la dengue court le risque de succomber à la maladie, surtout si elle a déjà contracté le virus lors d'une précédente épidémie. 
Pour arrêter la dengue, il préconise les mesures suivantes :

  • Éliminer les moustiques
  • Éviter les zones infectées.
  • Porter des manches longues et des pantalons.
  • Utiliser des répulsifs contre les moustiques et des moustiquaires, le cas échéant.
  • Connaître les symptômes pour intervenir rapidement en cas d'infection symptomatique.
  • Manger sainement et bien dormir.
  • Veiller à ce que votre maison et votre quartier soient exempts de sites de reproduction des moustiques.

Nouveau protocole

Le nouveau protocole stipule que les patients testés positifs à la dengue doivent se rendre aux urgences d'un des hôpitaux régionaux ou dans n'importe quelle clinique privée de leur choix pour y recevoir les traitements appropriés. Après un examen dans un des établissements du service public, s'ils ne présentent pas de symptômes majeurs, ils pourront rentrer chez eux et seront placés sous le protocole de triage. Dans le cas contraire, ils seront hospitalisés selon leur état et bénéficieront d'un suivi médical par le spécialiste approprié. 

Les patients autorisés à rentrer chez eux auront un certificat médical de 10 jours, pendant lesquels ils devront se placer en auto-isolation afin d'éviter d'être piqués à nouveau par des moustiques et d'empêcher d'autres personnes d'être infectées. Ils devront prendre régulièrement les médicaments prescrits et contacter l'hôpital en cas de maux d'estomac sévères, de vomissements persistants, de respiration rapide, de saignements aux gencives ou du nez, de somnolence ou s'ils constatent des traces de sang dans les vomissements, les selles ou l'urine. 

Ces patients bénéficieront également d'un suivi médical à domicile selon le protocole déjà établi initialement, comprenant des bilans de leur état de santé et des prises de sang. L'équipe composée d'un médecin et d'un infirmier effectuera ces visites le jour 2, jour 4 et jour 7.

Les raisons de l'épidémie

Plusieurs facteurs peuvent expliquer la présente épidémie de la dengue, selon un ancien directeur des services de santé. Parmi, l'état de désordre dans lequel se trouve le pays. D'après lui, le ministère de l'Environnement ne remplit pas efficacement ses fonctions. Les terres nues présentent des accumulations d'eau et sont jonchées d'ordures. De plus, il reproche au ministère des collectivités locales son incapacité à nettoyer correctement les villes et les villages. 

Il est d’avis que le département de la santé publique n'est pas en mesure de surveiller la situation et de prendre les mesures qui s'imposent. Cela a pour conséquence une prolifération de larves et de moustiques d'une manière sans précédent, dit-il. Se référant à ce qui a été rapporté dans nos colonnes, il fait remarquer que le ministère de la Santé lui-même a admis que l'indice de larves (indice de Breteau) est deux fois plus élevé que l'année dernière, ce qui équivaut à un aveu de négligence à tous les niveaux, selon lui.

Eu égard à cette situation, nous risquons de rendre la dengue endémique à l'île Maurice, avec toutes les conséquences sanitaires et économiques qui en découlent. Notre interlocuteur déplore ainsi que même lorsque le premier cas de dengue a été détecté, la réponse ait été faible, non coordonnée. Il considère qu’il y a un manque flagrant de leadership politique et technique. Il n'y a pas eu de campagne nationale de nettoyage visible avec une participation multisectorielle, ni d'exercices de brumisation et de traitement larvicide efficaces et efficients, et encore moins de campagnes de sensibilisation et d'éducation digne de ce nom. « Aucune mesure préventive n'a été mise en place dans les établissements d'enseignement, les zones de forte affluence », se désole-t-il. 

De surcroît, les mesures d'endiguement ont été quasiment inexistantes, ce qui explique que la dengue se soit déjà propagée dans de nombreuses régions du pays. « Le gouvernement a manifestement accordé sa priorité à d'autres domaines, comme c'est souvent le cas avec des priorités qui ont été placées ailleurs », selon lui.

En 19 ans, le nombre de cas MULTIPLIés par dix dans le MONDE

Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), l'incidence de la dengue a progressé de manière spectaculaire dans le monde entier. De 2000 à 2019, le nombre de cas de dengue signalés dans le monde a été multiplié par dix, passant de 500 000 à 5,2 millions.

L'année 2019 a été marquée par un pic sans précédent, les cas signalés étant répartis entre 129 pays. Après un léger recul entre 2020 et 2022 en raison de la pandémie de Covid-19, une recrudescence des cas de dengue a été observée dans le monde en 2023, le virus se propageant dans des régions auparavant épargnées par la maladie. La transmission de la dengue est cyclique et on peut s'attendre à de grandes épidémies tous les trois à quatre ans, selon l'OMS. 

L'organisation onusienne relève également qu'à partir de début 2023, la transmission ininterrompue a conduit à se rapprocher à l'échelle mondiale d'un record historique avec plus de cinq millions de cas et de plus de 5 000 décès liés à la dengue, signalés dans plus de 80 pays/territoires et cinq régions de l'OMS : Afrique, Amériques, Asie du Sud-Est, Méditerranée orientale et Pacifique occidental.

L'évolution de la répartition des vecteurs (principalement Aedes aegypti et Aedes albopictus) dans des pays qui n'avaient jamais été touchés par la dengue, les conséquences du phénomène El Niño en 2023 et du changement climatique entraînant une hausse des températures, de l'humidité et de fortes précipitations, entre autres, font partie les facteurs qui ont contribué au risque croissant de propagation de l'épidémie de dengue, indique également l'OMS.

Maurice figure parmi les 15 pays de la région africaine confrontés à une épidémie de la dengue. Les autres sont le Bénin, le Burkina Faso, le Cap-Vert, la Côte d'Ivoire, l'Éthiopie, le Ghana, la Guinée, le Mali, le Niger, le Nigeria, Sao Tomé-et-Principe, le Sénégal, le Tchad et le Togo. L'épidémie a commencé en 2023 dans la plupart des pays.

Les principaux faits selon l'OMS

  • La dengue est une infection virale transmise à l'homme par la piqûre de moustiques infectés, qui sévit dans les régions tropicales et subtropicales du monde entier, avec une prédilection pour les zones urbaines et semi-urbaines.
  • Les principaux vecteurs qui transmettent la maladie sont les moustiques Aedes aegypti et, dans une moindre mesure, Aedes albopictus.
  • Il existe quatre sérotypes du virus de la dengue (DENV) : DENV1, DENV2, DENV3 et DENV4.
  • L'infection par un sérotype confère une immunité à long terme vis-à-vis de ce même sérotype. Elle est provisoire vis-à-vis des autres sérotypes.
  • Les infections secondaires par un sérotype différent exposent les personnes à un risque accru de dengue sévère.
  • Les cas de dengue sont le plus souvent asymptomatiques ou entraînent une maladie fébrile bénigne.
  • Certains patients développeront une dengue sévère, qui peut impliquer un choc, des hémorragies profuses ou une déficience grave des organes. Cette phase commence souvent après la disparition de la fièvre. Elle est précédée de signes avant-coureurs tels que des douleurs abdominales intenses, des vomissements persistants, des saignements des gencives, une fuite plasmatique, une léthargie ou une agitation et une hypertrophie du foie.
  • Il n'existe pas de traitement spécifique de la dengue, mais le diagnostic précoce des cas de dengue, l'identification des signes avant-coureurs d'une dengue sévère et une prise en charge clinique appropriée sont des éléments clés des soins permettant de prévenir la progression vers une forme sévère de la dengue et le décès.

 

 

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