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Sécheresse : la course à l’or bleu est lancée

Au vendredi 9 décembre, le réservoir Piton du Milieu n’était rempli qu’à 47,2 % de sa capacité. Au vendredi 9 décembre, le réservoir Piton du Milieu n’était rempli qu’à 47,2 % de sa capacité.

La sécheresse sévère qui sévit actuellement à Maurice bouleverse la vie de nombreuses familles. Malgré les mesures prises par les autorités pour soulager les foyers dans les régions les plus affectées, les Mauriciens mènent un combat quotidien pour s’approvisionner en eau et gérer le précieux liquide. Témoignages.

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Fayaz Ramsing : « Les camions-citernes n’arrivent chez nous que vers 2 heures du matin »

À Chemin-Grenier, Fayaz Ramsing fait les frais des restrictions d’eau depuis deux mois. Des camions-citernes se déplacent dans la localité, mais sa maison, explique ce père de famille de 35 ans, n’est pas bien située. « Nous habitons à 600 mètres de l’entrée du village. Nous sommes trois foyers, soit neuf personnes, à être constamment pénalisés. Les camions-citernes ne viennent chez nous que quand ils finissent leur tournée, vers 2 heures du matin. C’est difficile de monter sur le toit à cette heure-là, surtout pour les occupants d’une des trois maisons qui sont des personnes âgées. La moindre des considérations serait de nous apporter de l’eau avant la tombée de la nuit. »  

Il déplore aussi l’incivisme de certains habitants. « Les camions-citernes passent deux fois dans la même journée pour que tout le monde soit servi. Malheureusement, certains prennent de l’eau à deux reprises sans se soucier des voisins qui attendent depuis le matin. Résultat, quand vient notre tour, souvent il n’y a plus d’eau. Et ensuite, on doit attendre une semaine. »

Fayaz Ramsing dispose d’un réservoir permettant de subvenir aux besoins des cinq membres de sa famille. « Je n’ai pas besoin d’eau au quotidien pour remplir le réservoir. Mais il n’y a pas de pression sur le réseau et c’est une galère. Je demande à la CWA de faire le nécessaire pour fournir de l’eau au moins deux fois par semaine », dit-il.   

Pour l’eau potable, il se débrouille en attendant des jours meilleurs. « Je ramène des bouteilles d’eau du travail tous les soirs ou j’en achète. Nous ne savons pas d’où provient l’eau des camions-citernes. De ce fait, nous la réservons aux tâches ménagères et à la toilette », précise-t-il.  


Kevina Uckiah : « Le temps pour la toilette est réparti entre les cinq membres de la famille »

Kevina UckiahCela fait un mois que la famille Uckiah subit les coupures d’eau dues à la sécheresse. La maison de ces habitants du Sud n’étant pas équipée d’un réservoir, l’organisation est le maître mot. « Nous devons planifier en fonction des horaires de fourniture de la CWA. Aux petites heures et en fin d’après-midi, tous les yeux sont braqués sur l’horloge. Ensuite, c’est le rush. Chacun des cinq membres de la famille a un temps limité pour utiliser la salle de bains. S’il y en a un qui prend une minute de plus, ceux qui suivent sont pénalisés », explique Kevina, la benjamine.

Elle ajoute que sa mère profite de ces moments pour stocker de l’eau dans des récipients. « On l’utilisera pour faire la vaisselle et tirer la chasse d’eau des toilettes. » Le problème affecte plus de 200 foyers de la région, selon-elle. « On a l’impression d’avoir fait un saut dans le passé », souligne la jeune femme.


Réservoir Capacité (Mm3) Moyenne 09.12.21 09.12.22
    (Mm3) % (Mm3) % (Mm3) %
Mare aux Vacoas  25,89 14,65 56,6 18,47 71,3 13,17 50,9
La Nicolière  5,26 1,78 33,8 3,23 61,4 2,89 54,9
Piton du Milieu  2,99 1,64 54,8 2,19 73,2 1,41 47,2
La Ferme 11,52 0,83 7,2 6,67 57,9 3,34 29,0
Mare Longue 6,28 1,24 19,7 5,01 79,8 4,15 66,1
Midlands   25,50 18,40 72,2 18,31 71,8 9,87 38,7
Bagatelle 14,76 - - 11,83 80,1 6,10 41,3
 TOTAL * 92,20 38,54 49,8 65,71 71,3 40,93 44,4
* excluant les moyennes du Bagatelle Dam

Les réservoirs remplis à 44,4 %

Le niveau d’eau des différents réservoirs de l’île ne cesse de diminuer. Le vendredi 9 décembre, il était de 44,4 %, contre 71,3 % à la même date en 2021. En raison de la faible pluviométrie actuelle, le débit d’eau entrant quotidiennement dans certains réservoirs est inférieur au débit sortant, indique-t-on à la Central Water Authority (CWA). À Mare-aux-Vacoas, ce sont 25 000 m3 d’eau qui entrent pour 98 300 m3 qui sortent. Même problème à La Ferme (10 200 m3 entrants et 32 400 m3 sortants). En revanche, le réservoir de la Nicolière reçoit 205 000 m3 et n’en dispense que 184 000 m3.

Face à cette situation, la CWA a mis en place un plan d’urgence. Ainsi, l’eau de la rivière Labourdonnais est dirigée vers le réservoir de Crève-Cœur pour atténuer les problèmes d’approvisionnement à Montagne-Longue et Camp-La-Boue. Un forage a été fait à Albion pour alimenter Splendid View, Morcellement Terre d’Albion, Morcellement de Chazal, Club Med, Morcellement Beerjaraz, Morcellement Raffray et Camp-Créole. Enfin, les forages d’Airports of Mauritius permettent de fournir 8 000 m3 d’eau supplémentaires par jour dans le Sud.

« Nous sommes en train d’exploiter de nouvelles sources. L’eau est puisée dans les nappes souterraines et les cours d’eau. Des pompes et des filtres sont installés dans certaines rivières », explique un cadre de l’organisme. La CWA a aussi acquis des forages privés pour compléter son réseau dans les régions d’Eau-Bleue, Petit-Bois, Caroline, La Marie et Médine.


Laila Bhujun : « Une source de stress quotidienne »

Laila BhujunChez les Bhujun, à New-Grove, trouver de l’eau pour effectuer les tâches ménagères est un casse-tête depuis le début de l’été. « Nous sommes à six personnes, et ne serait-ce que faire la lessive ou préparer à manger est devenu très compliqué à cause du manque d’eau. Avant, en période de sécheresse, chaque année, je me résolvais à aller au bord de la rivière qui passe près de chez nous. Mais désormais, en raison d’un problème de santé au pied, je ne peux plus. Même faire appel à la CWA pour un camion-citerne est hors de question pour moi, car je ne peux pas remplir l’eau dans mon état. Je ne sais plus à quel saint me vouer », dit Laila, la mère de famille.   

Habiter en hauteur, poursuit-elle, n’arrange pas les choses. « Nous avons deux réservoirs d’eau et une pompe, mais comme la pression n’est pas suffisante sur le réseau public, l’eau ne monte pas à l’étage. C’est un vrai cauchemar. Nous sommes revenus 20 ans en arrière. »

La famille Bhujun doit donc faire preuve d’ingéniosité. « Cette semaine, il a beaucoup plu. C’était une bénédiction. Nous avons pu collecter de l’eau de pluie pour les tâches ménagères. » Quant à l’eau potable, il faut en stocker le maximum dans des récipients quand elle coule du robinet, soit de 5 h 30 à 8 h 30. « Nous nous levons à l’aurore et nous nous attelons tous à cette tâche pour avoir de quoi boire pendant la journée. C’est une course contre la montre et une source de stress quotidienne, car certains jours, nous ne recevons pas d’eau du tout. Et on ne peut pas boire de l’eau qui a stagné dans un réservoir, on risquerait de s’intoxiquer. »


Central Water Authority : « Nous faisons le maximum pour soulager les Mauriciens affectés »

« Nous demandons aux Mauriciens d’utiliser l’eau de façon judicieuse en cette période de sécheresse sévère »

Les autorités mettent les bouchées doubles pour limiter les effets de la sécheresse, assure Sunil Gopal, chargé de communication à la Central Water Authority (CWA). Il énumère les mesures prises à l’initiative du directeur général, Prakash Maunthrooa, pour alimenter en eau les régions les plus affectées.

« Avec la collaboration des équipes d’ingénieurs, la direction a décidé de trouver des sources d’eau additionnelles au lieu de faire des coupures draconiennes. Les forages d’Airports of Mauritius sont ainsi utilisés pour alimenter certains villages du Sud tels que Mahébourg, Beau-Vallon et Ville-Noire. La même stratégie est adoptée pour l’Est et le Nord. L’idée est de limiter les dégâts, de soulager les Mauriciens affectés et de réduire la pression sur les camions-citernes. »  

Dans l’Ouest, poursuit-il, les horaires d’approvisionnement ont dû être revus. « Les stations mobiles de Bois-Noir et de Yémen souffrent de l’assèchement des cours d’eau. Cette situation exceptionnelle appelle des mesures exceptionnelles. D’où la décision de la CWA de limiter la fourniture d’eau à six heures par jour dans cette région, soit de 15 heures à 21 heures, avec un service de camions-citernes en complément. »

Parallèlement, la CWA poursuit sa campagne de sensibilisation contre le gaspillage d’eau.  « Nous demandons aux Mauriciens d’utiliser l’eau de façon judicieuse en cette période de sécheresse sévère. Il faut éviter de laver les voitures, par exemple, ou de faire de grands nettoyages avec des appareils à haute pression. Certaines régions ont la chance d’avoir une fourniture correcte. Cependant, ces habitants doivent penser aux autres », conclut Sunil Gopal.


Hausse des demandes pour bénéficier du Water Tank and Pump Grant Scheme

En cette période de sécheresse, la Development Bank of Mauritius (DBM) enregistre une hausse des demandes pour bénéficier du Water Tank and Pump Grant Scheme. Ce plan de soutien permet aux foyers dont les revenus ne dépassent pas Rs 50 000 d’obtenir une subvention pour l’achat d’un réservoir d’une capacité de 400 à 1 000 litres et d’une pompe à eau domestique.

« Beaucoup de Mauriciens avaient anticipé la sécheresse mais ces derniers jours, nous recevons davantage de demandes », indique-t-on à la DBM. À ce jour, depuis l’entrée en vigueur du Water Tank and Pump Grant Scheme en février 2022, « 35 815 demandes ont été formulées ». « Quelque 20 700 coupons, pour une valeur totale de Rs 165 millions, ont été octroyés, et plus de 10 000 bénéficiaires profitent déjà de leur Water Tank. Rs 80 millions ont déjà été déboursées pour payer les fournisseurs accrédités », détaille-t-on.

Pour l’achat d’un réservoir d’eau et d’une pompe, la subvention est de Rs 8 000. Pour un réservoir uniquement, elle est plafonnée à Rs 5 000. Les formulaires de demande peuvent être soumis en ligne sur le site de la DBM, ainsi que dans toutes les succursales de l’organisme.

 

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