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Semaine de quatre jours : ce qu’il faut savoir

En France, le Premier ministre Gabriel Attal a demandé d’« expérimenter » la semaine de quatre jours, notamment pour les parents divorcés. À Maurice, la loi permet désormais aux salariés à temps plein de travailler quatre jours, visant l’équilibre travail-famille. 

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Une question se pose d’emblée : quelles mesures, dans les amendements apportés au Workers Rights Act (WRA), assurent que les salariés optant pour une semaine de travail de quatre jours conservent un salaire équitable sans subir de diminution injustifiée ? « Les amendements ne prévoient pas explicitement une telle garantie », répond Me Nabiil Shamtally.

Cependant, il met en lumière qu’« il existe un principe général qui interdit à un employeur de réduire le salaire d’un salarié, quelle que soit la situation, y compris en cas de mesure disciplinaire ». Il précise que cela ne concerne pas uniquement le salaire. Il n’est pas autorisé de modifier les conditions de travail d’un employé de manière défavorable sans son accord explicite, souligne Me Nabiil Shamtally. Cela englobe tout avantage financier ou autre. 

« Ainsi, même si l’employé choisit une semaine de travail de quatre jours, il n’est pas permis de diminuer son salaire. En réalité, l’idée derrière la semaine de travail réduite est d’intensifier le travail pendant quatre jours plutôt que de l’étaler sur cinq ou six jours, comme c’est le cas actuellement. Les amendements stipulent également le versement d’une rémunération majorée si l’un des quatre jours travaillés est un jour férié », ajoute-t-il.

L’article 34 du WRA interdit à l’employeur tout prélèvement ou réduction du salaire de ses employés, sauf dans deux cas, informe, de son côté, Me Alexandre Le Blanc. Le premier cas concerne le remboursement des avances sur salaire accordées par l’employeur à l’employé. Le second cas concerne les retenues effectuées à la demande de l’employé, destinées à contribuer à des fonds pour ce dernier. 

« Dans ces deux situations, la réduction ne peut être appliquée que si l’employé donne son autorisation écrite à l’employeur pour effectuer cette déduction sur son salaire », précise Me Alexandre Le Blanc. De ce fait, si l’employé parvient à un accord avec son employeur pour condenser sa semaine de travail en quatre jours, en accord avec l’article 21(2) récemment ajouté, aucune déduction salariale ne sera envisageable.

Et pour un nouvel employé ? La situation variera selon la négociation du temps de travail et du salaire. « Cette négociation doit se dérouler dans le cadre légal, bénéficiant de toutes les protections qu’elle implique, en particulier contre toute forme de discrimination salariale », ajoute-t-il.

Comment prévenir les abus potentiels découlant de la flexibilité offerte par la loi ? Selon Me Alexandre Le Blanc, le nouvel article 21 du WRA établit les conditions pour passer à une semaine de travail réduite dans deux situations. Premièrement, l’article 21(1) stipule que si le travail demandé par l’employeur est du type « piece work » ou « task work » et que l’employé achève ce travail plus rapidement que prévu, la loi reconnaîtra que l’employé a effectué la durée de travail initialement prévue, soit une semaine complète.

« Prenons l’exemple d’un vendeur à qui l’employeur aurait fixé comme objectif de vendre cent unités d’un produit en une semaine. Si le vendeur atteint cet objectif en trois jours, sa semaine de travail sera considérée comme complète », explique l’avocat.

Deuxièmement, il ajoute que conformément à l’article 21(2), « si un employé sollicite cette option, l’employeur doit l’accepter, à moins que cela ne nuise au bon fonctionnement de l’entreprise ». La définition de ce qui constitue une perturbation pour le bon fonctionnement de l’entreprise reste à préciser, et une jurisprudence se développera au fur et à mesure de l’application de l’article 21, estime Me Alexandre Le Blanc. 

« La proposition de réduire la semaine de travail à quatre jours peut également venir de l’employeur, mais uniquement avec l’accord de l’employé », dit-il. 

Il admet toutefois que des abus sont envisageables « de part et d’autre ». Du côté de l’employeur, il indique qu’« un refus non justifié de la part de l’employeur de respecter les obligations salariales sur quatre jours pourrait être considéré comme un abus ». Concernant l’employé, il note que certains pourraient prétendre avoir achevé leur « piece work » ou « task work » afin de réduire leur semaine de travail.

Me Nabiil Shamtally considère, quant à lui, qu’il y a « déjà de nombreux mécanismes de protection en place pour prévenir les abus de la part des employeurs ». Un employé a toujours la possibilité de consulter le bureau du Travail pour obtenir des conseils ou engager une procédure légale, rappelle-t-il.

Faut-il envisager des modifications législatives pour faciliter l’adaptation des employeurs et le respect des nouvelles mesures, tout en préservant un environnement de travail juste ? Pour Me Alexandre Le Blanc, il est déplorable que les termes « piece work » et « task work » ne bénéficient pas d’une définition précise dans la loi, ce qui pourrait semer la confusion tant pour l’employé que pour l’employeur.

Il serait judicieux, suggère-t-il, de définir avec précision l’« étendue des tâches » (« scope of work ») ou les « détails du travail » (« particulars of work ») dans le contrat de travail, ce qui pourrait être déterminant.

« Considérons l’exemple du vendeur. Si son contrat stipule la vente d’au moins cent articles par semaine, sa semaine de travail ne devrait pas s’achever après les cent premières ventes. La différence entre le ‘piece work’ et le travail continu pourrait se jouer sur quelques mots seulement. Avec le temps, une jurisprudence émergera pour clarifier la portée de la loi et éliminer les incertitudes liées à l’application des nouvelles règles juridiques », anticipe Me Alexandre Le Blanc.

Impact, avantages et inconvénients

Comment la semaine de travail de quatre jours pourrait-elle influencer la vie professionnelle et personnelle des employés, tant en termes d’avantages que de défis ? D’un point de vue individuel, Me Alexandre Le Blanc note qu’« il n’y a pas d’inconvénients notables pour l’employé, puisqu’il ne passera à la semaine de quatre jours que s’il le décide ». Il rappelle que les amendements visent à offrir aux travailleurs une plus grande flexibilité horaire pour favoriser leur développement personnel et faciliter la gestion de leurs responsabilités familiales, comme mentionné dans le discours budgétaire.

À un niveau plus global, l’avocat soulève des interrogations quant à la capacité des entreprises à répondre aux demandes de réduction du nombre de jours de travail hebdomadaire. « Les PME ont-elles l’effectif nécessaire pour adopter un horaire de travail flexible ? Les grandes entreprises vont-elles ajuster leurs opérations ? » questionne-t-il.

Selon lui, l’application pratique de ces nouvelles mesures dans le contexte économique de Maurice reste incertaine. « Seul l’avenir nous révélera si ces dispositions induiront des changements concrets ou si elles demeureront théoriques dans notre contexte économique », affirme l’avocat.

Pour Me Nabiil Shamtally, sur le plan personnel, ces changements peuvent être bénéfiques pour un employé. Cela lui permettrait de consacrer davantage de temps à sa famille. « Une vie privée épanouie a tendance à avoir un impact positif sur la performance professionnelle », dit-il.

Néanmoins, il met en évidence que la semaine de quatre jours implique également des journées de travail plus longues. « Certains collaborateurs pourraient ne pas s’adapter à ce changement d’habitudes. D’autres ne pourront pas adopter ce modèle pour diverses raisons », remarque-t-il. 

De plus, Me Nabiil Shamtally note qu’il est essentiel d’évaluer l’adéquation et la faisabilité d’une telle mesure selon les besoins opérationnels de chaque entreprise, tout en prenant en compte les préférences des employés.

 

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