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Shammima Ishac Patel, guérie d’un cancer du sein : «La recherche animale m’a sauvé la vie»

Shammima Ishac Patel est la présidente de l’ONG Breast Cancer Care.

Présidente de l’ONG Breast Cancer Care, Shammima Ishac Patel a un profond attachement pour les animaux. Malgré cela, elle soutient la recherche biomédicale impliquant des animaux de laboratoire, après avoir été diagnostiquée d’un cancer du sein en 2010. Elle nous explique pourquoi.

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Paradoxe ? Shammima Ishac Patel, 57 ans, est une « Animal lover ». Elle parle même de ses deux Rottweilers, Diego et Haka, comme de ses « bébés ». Pourtant, la présidente de l’ONG Breast Cancer Care, une survivante du cancer du sein, soutient la recherche animale. D’ailleurs, elle en est convaincue : « Les médicaments issus de la recherche biomédicale sur les animaux m’ont sauvé la vie. »

D’après Shammima Ishac Patel, le fait d’être un « Animal Lover » n’implique pas forcément un refus de l’utilisation des animaux pour la recherche médicale. Pour elle, cela implique une relation de respect et d’amour vis-à-vis de l’animal ainsi que veiller à son développement et à son bien-être. « Je suis une ‘Animal Lover’ mais pas végétarienne ni vegan. C’est un paradoxe que j’assume pleinement », avoue-t-elle. 

Elle raconte avoir grandi entourée d’animaux au Canada, où elle a passé son enfance. 

« Au Canada, depuis notre tendre enfance, mon frère et moi avions des oiseaux et des hamsters. Quand nos animaux mouraient, nous leur faisions des enterrements dignes, avec pleurs et prières. Nous faisions aussi du cheval tous les week-ends. Les animaux faisaient partie de nos vies », se souvient-elle, en ajoutant que depuis, elle a toujours eu des chats et des chiens. 

Ses deux Rottweilers leur apportent, à son époux et elle, un bienfait et un bonheur incommensurables. « Nos vies au quotidien sont programmées autour de nos deux bébés. J’ai conscience que leurs traitements vétérinaires et les vaccins sont issus de la recherche biomédicale sur les animaux, donc pas d’hypocrisie. »

La présidente de l’ONG Breast Cancer Care, fondée en 2014, explique que depuis son cancer du sein, elle est beaucoup plus consciente de la recherche médicale. « Je m’intéresse à ce qui se fait, à son évolution. Je m’efforce de me tenir au courant des dernières avancées dans le domaine du traitement du cancer du sein. » Ses interactions avec d’autres patients et des médecins lui permettent aujourd’hui d’avoir une connaissance approfondie dans ce domaine comparativement à avant sa maladie.

C’est en mars 2010 qu’un cancer du sein lui a été diagnostiqué. Shammima Ishac Patel travaillait alors dans le domaine de Sales & Marketing. Après une pause d’environ 10 mois pour suivre ses traitements, elle a ensuite repris le travail. « Je n’ai jamais à un seul moment baissé les bras ni perdu espoir », affirme-t-elle à Le Dimanche/L’Hebdo. 

Les scientifiques ont un devoir moral d’utiliser les méthodes fiables, prouvées et adaptées à l’être humain. À ce jour l’utilisation des animaux pour la recherche reste la méthode scientifique la plus fiable»

Avant la maladie, elle ne se préoccupait pas forcément de l’utilisation des animaux dans le domaine de la recherche. « Bien sûr, je savais que cela se faisait, mais je n’y prêtais pas grande attention jusqu’au jour de mon diagnostic. Ce jour-là, mon monde a basculé et j’ai pris conscience que j’allais subir des traitements très lourds pendant plusieurs mois, voire des années. »

C’est alors qu’elle s’est plongée dans des recherches pour savoir quelles étaient ses chances de survie. « Je me suis posée dix mille questions légitimes qui effraient », confie-t-elle. Par exemple ? « C’est quoi ce traitement ? Cela implique quoi comme médicaments ? Quels sont les effets secondaires ? Le coût des traitements ? La probabilité de survie ? » 

C’est à partir de ce moment qu’elle a compris le rôle des animaux dans la recherche médicale, pas seulement pour le cancer, mais pour d’autres maladies. « Je m’éduquais sur ce qui se faisait comme recherche comme si ma vie en dépendait, et je m’accrochais à l’espoir d’avoir un médicament, un traitement qui me garantirait une guérison à 100 % », indique-t-elle. 

En sachant que les souris et les rats sont les animaux les plus utilisés dans la recherche contre le cancer du sein, Shammima Ishac Patel révèle qu’elle a été fascinée d’apprendre que les singes ont une incidence, une pathologie et l’équivalence d’âge très similaires aux humains. « Les différents changements dans le tissu mammaire lors de la puberté, le cycle hormonal et la ménopause sont presque identiques », dit-elle. 

Ainsi, fait-elle ressortir, l’utilisation des singes dans la recherche ne se limite pas uniquement à trouver des thérapies, mais aussi à comprendre le fonctionnement anatomique et psychologique de certains organes et les facteurs de risque qui nous relient. Elle souligne également l’apport des singes pour améliorer les médicaments tels que le Tamoxifène, le Herceptin et aussi les inhibiteurs comme le Létrozole ou le Palbociclib, entre autres.

Hormis le traitement pour le cancer du sein, d’autres cancers et d’autres maladies dépendent de l’utilisation des singes pour la recherche, soutient Shammima Ishac Patel. Des maladies neurologiques, comme la maladie de Parkinson, sont aussi concernées. « Mon père est décédé de cette terrible maladie. À cette époque, si la technique de Stimulation Cérébrale Profonde (SCP) existait, il serait peut-être toujours en vie », estime-t-elle. Elle dit trouver du réconfort en sachant que d’autres patients atteints de cette maladie auront une meilleure espérance et qualité de vie grâce à la SCP.

Au-delà de la fascination, elle dit ressentir un profond sentiment de gratitude vis-à-vis de ces animaux de laboratoire qui aident les humains au prix du sacrifice ultime. « Aujourd’hui, je suis en vie, comme des millions d’autres à travers le monde, grâce à ce sacrifice. »

En effet, elle maintient que les médicaments issus de la recherche médicale sur les animaux lui ont sauvé la vie. « En attendant une méthode fiable et meilleure pour sauver des vies, on ne peut se passer des animaux et prétendre le contraire serait naïf et utopique », estime-t-elle.

Pour Shammima Ishac Patel, le débat autour de l’utilisation des singes pour la recherche médicale est philosophique plutôt que scientifique. « Chacun a son opinion, mais il faut être pragmatique, et réaliste surtout. À ce jour, c’est le seul moyen scientifique que nous avons pour sauver des vies humaines. Mais ces animaux qu’on utilise doivent être élevés et traités avec respect et sous des normes bien réglementées. Nous leur devons bien cela. »

Son point de vue sur les méthodes alternatives

Quel serait le « worst-case scenario » si des expériences biomédicales ne se faisaient plus sur les singes, comme le souhaitent les activistes en faveur de la protection des animaux ? « Je pense que nos services de santé privé et public seraient débordés de personnes malades et que les médecins n’auraient pas les outils nécessaires et adéquats pour les guérir tout simplement », répond-elle. 

Pour elle, le « worst-case scenario » serait de tuer l’espoir de guérir, de vivre et de survivre. « On dira quoi aux malades ? Que la recherche biomédicale va prendre du recul ? Que leur espérance de vie est réduite à presque néant ? Qu’ils vont mourir faute de traitements parce qu’un beau jour on a décidé d’arrêter la recherche médicale sur les animaux ? Qui veut entendre cela ? » lance-t-elle.

Dans la foulée, Shammima Ishac Patel précise qu’elle ne rejette pas les méthodes alternatives. « Ne me méprenez pas. Je suis pour les méthodes alternatives… s’il y en a ! Mais je suis suffisamment éduquée sur le sujet pour affirmer qu’à ce jour, ceci n’est pas possible. Un jour peut-être… » 
Et que pense-t-elle de l’intelligence artificielle qui gagne du terrain dans le domaine de la recherche biomédicale ? Shammima Ishac Patel est d’avis que les méthodes cellulaires ou informatiques sont des suppléments à la recherche médicale utilisant les animaux comme les singes. « Elles ne sont pas encore en mesure de les remplacer totalement », pense-t-elle. 

Cependant, elle dit souhaiter plus d’avancées dans ces domaines à l’avenir pour pouvoir réduire l’utilisation des animaux en laboratoire. « Dans le domaine de la médecine, on s’efforce à sauver des vies. Les scientifiques ont un devoir moral d’utiliser les méthodes fiables, prouvées et adaptées à l’être humain. À ce jour l’utilisation des animaux pour la recherche reste la méthode scientifique la plus fiable », fait-elle ressortir. 

La présidente de Breast Cancer Care trouve d’ailleurs les récentes recherches en oncologie en se basant sur l’immunologie particulièrement prometteuses. « Le drame du cancer est le dérèglement de la multiplication de nos propres cellules qui causent la maladie. C’est issu de notre propre corps, mais notre système immunitaire ne le reconnaît pas comme une menace. La recherche biomédicale sur l’immunologie cherche un moyen pour que notre système immunitaire reconnaisse ce dérèglement, pour que l’on puisse guérir sans médicaments et sans chimiothérapie, c’est-à-dire sans recourir à ces traitements lourds. »

Selon Shammima Ishac Patel, ces recherches aideront à faire que notre propre système immunitaire mène son rôle primaire, c’est- à-dire combattre les cellules étrangères, dont les cellules cancéreuses. « Il existe déjà des médicaments de ce type pour certaines formes de cancer, pas tous malheureusement. Ce n’est qu’une question de temps pour les autres cancers », soutient-elle avec optimisme.

Le soutien de Bioculture

Shammima Ishac Patel soutient Bioculture, une entreprise spécialisée dans l’élevage de singes à des fins de recherches biomédicales. « Chez Bioculture, j’ai trouvé l’écoute et une implication hors du commun auprès de la famille Griffiths, et surtout Nada Padayachy, le Training and Sustainability Manager, pour que je puisse à mon tour venir en aide à mes ‘warriors’ que j’accompagne au quotidien », répond la présidente de Breast Cancer Care.

« Warriors », dit-elle ? Elle explique que son objectif en créant son ONG était d’apporter un soutien moral, psychologique et matériel aux femmes atteintes d’un cancer du sein. « En 2021, après avoir constaté que beaucoup de femmes venant parfois de loin, notamment de Rodrigues, pour se faire soigner, n’avaient pas de lieu d’accueil et d’hébergement pendant leurs traitements, l’idée de créer une maison d’accueil m’est venue », indique-t-elle. 

Shammima Ishac Patel ajoute que lorsqu’elle a présenté ce projet à Bioculture, Mary-Ann Griffiths lui a immédiatement apporté son soutien. « Elle m’a donné carte blanche pour trouver ce toit. Après des coups de fil à des amis, famille et connaissances, la maison a ensuite été meublée », raconte-t-elle. 

Cette maison, située à Vacoas, baptisée « Lakaz Warriors », accueille les malades du cancer du sein d’ici et d’ailleurs. « Ces ‘Warriors’ trouvent un hébergement et un accueil leur permettant de suivre leurs traitements en toute quiétude, dans des conditions humaines qui font parfois défaut dans les centres de santé », souligne-t-elle. 

Les « warriors » sont logées, nourries et blanchies le temps de leurs traitements. « Elles bénéficient du soutien d’un médecin et d’une psychologue de Breast Cancer Care pendant leur séjour. » Les repas sont adaptés à leurs besoins et une dame de compagnie veille à leur bien-être le soir. « Sans le soutien financier de Bioculture et leur écoute permanente, je n’aurais jamais pu mener à terme ce projet unique à Maurice », affirme Shammima Ishac Patel. 

Un choix entre la vie et la mort

Le jour où son médecin lui a annoncé qu’elle avait un cancer du sein, qu’a-t-elle ressenti ? « Je ne me suis pas posée de questions sur la provenance de mes traitements. Je me suis juste remise entre les mains des spécialistes qui sont censés me sauver la vie », répond-elle. 

Ses recherches sur sa maladie sont venues après. « À l’instant même de l’annonce de mon cancer, mon instinct de survie a pris le dessus. Je devais me battre, guérir, enlever ce mal de mon corps », précise Shammima Ishac Patel. Quitte à passer par une mutilation de son corps qu’elle aimait tant, à perdre sa féminité, ses cheveux, ses cils, ses sourcils et à se sentir diminuée…

Ainsi, quand son médecin a prononcé le mot cancer, poursuit-elle, les premiers mots sortis de sa bouche étaient : « Quelles sont mes options ? » Shammima Ishac Patel a immédiatement décidé de suivre les conseils de son médecin pour les traitements comprenant l’ablation du sein malade, la chimiothérapie et la radiothérapie. Et elle a survécu. 

« Je suis consciente que j’ai eu de la chance. Je suis parmi celles qui sont guéries. Aujourd’hui, cette guérison, je la dois à la recherche médicale et bien sûr à ces animaux qui m’ont directement aidée à surmonter cette épreuve si douloureuse », souligne-t-elle. 

Pour elle, ceux qui sont farouchement opposés à l’utilisation des animaux pour la recherche médicale ont le droit de l’être. Et refuser des traitements est aussi un droit, voire un choix. Mais l’est-ce réellement lorsqu’il s’agit de choisir entre la vie et la mort ? « Il faut quand même avoir des idées arrêtées pour refuser des traitements et se laisser mourir… »

Et si cette maladie touchait leurs enfants, leurs parents, leurs conjoints, leurs amis ? Est-ce qu’ils prendraient la même décision ? Est-ce qu’ils préféraient voir agoniser ces personnes proches d’eux ? Voici autant de questions que se pose Shammima Ishac Patel. « Je n’ai pas les réponses, mais tant qu’on n’est pas touchés personnellement, on ne peut pas comprendre les défis émotionnels, physiques et psychologiques que de telles maladies nous infligent. Moi, j’ai choisi de vivre car elle est belle, la vie. » 

 

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