Live News

Sir Gaëtan : La Cour d’investigation met en exergue les failles ayant conduit au naufrage 

Les témoignages désignent plusieurs failles structurelles, en plus du mauvais temps et des décisions qui ont mené au drame.

C’est en aidant au nettoyage du Sud-Est que le Sir Gaëtan a sombré dans la nuit du 31 août 2020. Instituée sur ce drame depuis le 12 juillet, la Cour d’Investigation relève des lacunes à travers les témoignages des personnes impliquées directement ou indirectement dans ce drame. 

Le remorqueur de la Mauritius Port Authority (MPA), le Sir Gaëtan, a coulé au large de Poudre-d’Or faisant trois victimes et un disparu. La Cour d’investigation, mis sur pied le 4 septembre 2020, a entamé ses travaux le 12 juillet sous la présidence de l’ancien juge Joseph Gérard Angoh et ses assesseurs : Mahendra Babooa et Jacques Goilot, deux Master mariners. Son but est de désigner les causes et les responsables du naufrage. Rappelons que des huit marins qui se trouvaient à bord du Sir Gaëtan, trois sont décédés et quatre ont été secourus. Porté disparu, le capitaine Moswadeck Bheenick a été ensuite déclaré mort par la Cour. 

Publicité

Nous sommes revenus sur les témoignages qui désignent les failles administratives, structurelles et organisationnelles. 


Failles administratives : Le remorqueur n’était pas en état pour opérer 

« Le ‘Tug Master’ Sir Gaëtan n’était pas apte à opérer le jour de l’incident et je n’ai jamais donné l’autorisation pour que la barge entreprenne les opérations ce jour-là. » Déclaration du directeur du Shipping, Alain Donat, qui avait ouvert le bal. Ses dires dresseront le fil conducteur de cette investigation : qui est le ou les responsables ? 

Lors de la première séance, Alain Donat devait confirmer que le bateau n’avait pas les permis en règle pour effectuer le remorquage d’une barge en haute mer contrairement à ce qu’avait dit le directeur de la MPA, Shekur Suntah, dans sa déposition après le drame. Il a attesté qu’on lui avait informé des réparations faites sur le Sir Gaëtan, mais que le remorqueur était en état pour opérer.

Le remorqueur assuré malgré l’absence de classification 

Shekur Suntah est venu affirmer que le Sir Gaëtan était assuré auprès de la State Insurance Company of Mauritius (SICOM), mais pas classifié.


Failles structurelles : pas de GPS ni d’échosondeur à bord du Sir Gaëtan 

Ricardo Domingo, un skipper de la MPA, avait affirmé qu’il n’aurait jamais pris le risque d’utiliser ce bateau pour remorquer la barge l’Ami Constant la nuit et surtout avec des vagues de plus de deux mètres. En effet, c’est lui qui avait conduit la barge dans le Sud-Est à bord du Sir Gaëtan. Il a affirmé que le Sir Gaëtan n’était pas équipé de GPS et d’échosondeur. Pour naviguer et confirmer sa position, le skipper utilisait son téléphone cellulaire. Et pour entrer dans la baie, il avait fait appel à un bateau équipé d’échosondeur, car il n’avait aucune visibilité sur la profondeur à laquelle il naviguait. Ainsi, il a dû suivre l’autre bateau. De plus, une partie de la coque côté droit était en proie à la corrosion. Environ 30 % de son épaisseur avait été corrodé, selon le rapport du Bureau Veritas.  

Le remplacement du Sir Gaëtan avorté 

Lors de la dernière séance, Aruna Bunwaree-Ramsaha, directrice générale adjoint de la MPA, avait été interrogée. Elle a affirmé qu’en décembre 2017, la MPA a émis un appel d’offre pour l’achat d’un remorqueur d’une capacité de 70 tonnes. L’évaluation des offres a été effectuée en février 2018, mais elle n’avait pas été complétée en juin de la même année. De ce fait, les procédures ont été annulées en octobre 2018. 

Pas de sifflet

Le rapport du Forensic Science Laboratory (FSL) indique que des gilets de sauvetage récupérés en mer n’avaient pas de sifflet. Un des gilets avait été fabriqué en 2015 et sa date d’expiration était en 2020. De plus, le gaz permettant de le gonfler était expiré. Le même jour, Yves Rozar, ingénieur naval, devait affirmer que le remorqueur n’était pas conditionné pour sortir en dehors de la rade de Port-Louis. 


Failles organisationnelles : les rescapés racontent le drame en détail pour la première fois 

Les marins avaient fait le récit de l’incident. Ils sont Philippe Montagne Longue, Antonio L’Aiguille, Elvis Alain Eléonore et Yan Sun Fong. « Seki mo finn konpran se ki nou ti pou pass la nwit laba ek landemin enn lott lekip ti pou vinn relev nou pou amenn barz la Por-Lwi », avait raconté Antonio L’Aiguille. Ce dernier a dit qu’il a été surpris d’apprendre qu’ils revenaient à Port-Louis durant la nuit. Ce marin affirme qu’il a été le dernier à voir le Capitaine. Il tentait de séparer les canots du remorqueur qui coulait. Et en lui lançant un couteau, Antonio l’Aiguille l’a fait tomber à l’eau. Les marins confirment tous que le capitaine a été le dernier à sauter du remorqueur. 

Le Deputy Port Master aurait donné l’ordre de revenir  

Le numéro trois de la capitainerie, l’assistant Port Master, le Capitaine Imran Dowlut est revenu sur la journée du 31 août 2020. À l’époque, il était un « Senior Pilot ». Il a été en contact avec le skipper du Sir Gaëtan, le capitaine Moswadeck Bheenick. 

Ce jour-là, vers 14 heures, le capitaine Moswadeck Bheenick a contacté le capitaine Imran Dowlut pour lui dire que la mer était démontée et que c’était préférable de passer la nuit à Pointe-d’Esny. « Il m’a demandé d’informer la hiérarchie de cela et de préparer la relève », avait dit le capitaine Imran Dowlut. Toutefois, le Deputy Port Master aurait refusé en affirmant qu’il fallait rentrer le même jour. Plus tard, Moswadeck Bheenick devait recontacter son collègue pour lui demander d’intercéder auprès du Deputy Port Master. « Hors de question », aurait lancé le capitaine Kavidev Newoor. « Vers 16 heures, lorsque j’étais en route pour la maison j’ai appelé le capitaine Bheenick qui m’a dit qu’il a parlé au Deputy Port Master et qu’il rentrait », a affirmé le capitaine Imran Dowlut. 

Les remorqueurs Sir Edouard et Da Patten plus appropriés pour cette opération 

Les skippers Koslend Pothimah et Vishal Tewary ont été directs. Le Sir Gaëtan pouvait effectuer ces travaux, mais que le Sir Edouard et le Da Patten étaient plus appropriés vu les conditions qui prévalaient. Koslend Pothimah a affirmé que le Sir Gaëtan ne possédait pas de moyen de communication et que les skippers utilisaient leurs cellulaires pour communiquer avec le port.   

Vishal Tewary avait critiqué le Deputy Port Master et le Port Master en affirmant que « les employés de l'organisme sont toujours suspendus à leurs décisions ». 

Les cris du capitaine Bheenick 

Narendra Kumar Raghubur, Acting Superintendant Marine Engineer, a raconté comment le capitaine Moswadeck Bheenick lui a appelé au moment du drame. « Mon ami criait, il disait que le bateau allait chavirer et me demandait de dire aux secours de faire vite. » Il fondait en larmes en racontant le drame.

Conclusion

Ce qui ressort, pour l’instant c’est qu’il y a eu plusieurs failles. 

  • Le remorqueur n’était pas apte à sortir de la rade et pourtant la décision avait été prise pour l’utiliser en haute mer. 
  • Le Sir Gaëtan n’avait pas de classification, mais était quand-même assuré auprès de la SICOM.
  • Le remorqueur était mal équipé, il manquait des instruments.
  • Son remplacement a été avorté.
  • Le Deputy Port Master aurait donné l’ordre de rentrer le même jour.
 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !