Interview

Soondress Sawmynaden: «Le ministère de l’éducation vit dans une tour d’ivoire»

Soondress Sawmynaden, président du syndicat des recteurs des collèges d’État
Soondress Sawmynaden dit vouloir revaloriser le statut des recteurs. Il souhaite, par ailleurs, que la ministre revoit sa copie sur la question de mixité dans le cadre du 9-Year Schooling. [blockquote]« L’établissement scolaire n’est pas une garderie. Il y a un déficit decommunication entre les parents et les enfants. »[/blockquote] Depuis avril de cette année vous êtes le président du syndicat des recteurs des collèges d’état. Un dossier prioritaire? Ma priorité des priorités est de revaloriser le statut des recteurs et leur donner davantage d’autonomie pour qu’ils puissent gérer leurs établissements avec le soutien de leur équipe composée des enseignants et du personnel non enseignant. Ce n’est pas le cas actuellement? Les recteurs des collèges d’État ne disposent d’aucun pouvoir, d’aucune autonomie pour gérer leurs institutions. De ce fait, le travail devient de plus en plus difficile. En revanche, les responsables des collèges privés ont plus de facilités. Par exemple? Par exemple, le pouvoir de sanction dans les cas  d’indiscipline. Nous sommes tenus de suivre une longue procédure administrative et, finalement, on a tendance à jeter l’éponge. Le ministère est-il au courant de cet état de choses? Le ministère vit dans une tour d’ivoire et n’est pas au courant de ce qui se passe dans la réalité. Il prend des décisions qu’il impose sur l’administration des collèges sans se soucier des conséquences. On a tendance à nous prendre pour de l’argent comptant. Pour couronner le tout, nous faisons face à un manque de personnel.  Mais quand les problèmes surgissent, ce sont les recteurs qui sont blâmés. En tant que recteurs nous sommes les représentants du ministère et, à ce titre, on devrait nous laisser libre de prendre certaines décisions pour le bon fonctionnement de nos établissements. Ce serait d’autant plus souhaitable avec la mise à exécution prochainement du 9-Year Schooling. Justement que pensez-vous du 9-Year Schooling?     Je me suis prononcé en faveur d’un tel système depuis 1995. J’avais dénoncé le système de compétition qui est et reste néfaste au développement de l’enfant. L’actuelle proposition n’a fait qu’éliminer le Certificate of Primary Education (CPE) mais la compétition demeure. Il y a aussi la question de mixité. Je ne comprends pas pourquoi on sépare les garçons et les filles pour qu’ils se retrouvent encore après. Je suis convaincu que si les enfants grandissent ensemble, il y aura davantage de respect entre les deux sexes. Aujourd’hui, c’est ce qui manque le plus. Je suis convaincu que la mixité pourrait réduire considérablement, voire éliminer à la longue le problème d’indiscipline dans les collèges. Il serait souhaitable que la ministre revoit sa copie sur la question de mixité sur un trial basis. L’indiscipline est-elle vraiment un si gros problème? Vous n’avez pas idée à quel point… On parle beaucoup des droits des enfants mais on occulte leurs responsabilités. J’ai vu des parents pleurer devant moi car ils ne peuvent contrôler ou corriger  leurs enfants. Ces derniers les menacent de les dénoncer aux autorités. De mon temps, ce n’était pas le cas. La campagne de 16 days, 16 rights  est une arme à double tranchant. Les enseignants non plus ne peuvent faire preuve d’autorité envers les élèves de peur d’être accusés de violence à l’égard des enfants. On parle des droits des enfants mais quid des droits des recteurs et de ceux des enseignants? Un recteur qui saisit le portable d’un enfant est accusé de vol avant d’être arrêté… Du jamais vu! Quid des recommandations de la Student Behaviour Policy? C’est  joli à voir sur papier. Beaucoup de cosmétique. Il y a des mesures qui ne sont pas applicablesdans la pratique. Par exemple, il y a trop de paramètres à prendre en considération rien que pour mettre un enfant en retenue. C’est pourquoi il faut laisser la liberté aux recteurs de prendre des décisions appropriées pour régler les situations difficiles tout en restant bien sûr dans les paramètres du ministère. Comment faire face à la circulation alléguée de drogues dans certains établissements? Je préconise un système de surveillance. Je l’ai fait au John Kennedy College et cela a bien marché.  Il faut établir son réseau de contacts  mais le plus important c’est d’être constamment sur le terrain, d’établir un dialogue avec les élèves.  Ils se sentiront plus en confiance et dénonceront d’eux-mêmes les écarts de conduite de leurs pairs. En 40 ans de carrière, quelle est votre analyse de l’évolution des élèves? Il y a eu, certes, une évolution rapide dans le sillage du développement technologique. Mais je demeure convaincu que l’élève reste le même. Il n’y a pas de bon ou de mauvais élève. Toutefois, auparavant,  la famille était centrée autour de l’enfant, maintenant l’environnement et l’encadrement ont changé et ce qui explique le changement d’attitude. Quid de la responsabilité des parents? Justement, nombre de parents se déchargent de leur responsabilité une fois l’enfant à l’école ou aux leçons particulières. L’établissement scolaire n’est pas une garderie. Il y a un déficit de communication entre les parents et les enfants. Il ne faut pas seulement s’occuper des besoins matériels de ses enfants, il faut aussi leur donner de l’amour et leur inculquer des valeurs. C’est pourquoi je pense qu’il faudrait avoir une structure pour aider les parents dans cette tâche, un genre d’école des parents. L’initiative devrait en revenir aux ministères concernés dont l’Education, la Sécurité sociale, la Jeunesse et des Sports, entre autres. Quel sera votre style de présidence? Je crois beaucoup au dialogue. Je suis là pour proposer des solutions. Mais le problème, c’est que le ministère dormi ar dosye  et fait souvent la sourde oreille. Un dossier urgent peut prendre trois à quatre mois avant d’être examiné et cela peut  empirer une situation plutôt que de la décanter. Plutôt que de vous fier aux fonctionnaires, pourquoi ne pas faire appel à la ministre? Je suis avant tout un fonctionnaire et en tant que tel  je discute avec mon supérieur hiérarchique, qui, dans mon cas, est le Senior Chief Executive (SCE) du ministère. Je ne pense pas qu’il faut absolument aller vers la ministre pour une solution. Elle n’a rien à faire dans le day to day running d’une école. Dans cette même logique, je ne comprends pas pourquoi certains parents en appellent à la ministre, certains anonymement, pour rapporter ou dénoncer une situation particulière.C’est ridicule. S’il y a un problème dans mon établissement, venez me voir et on trouvera la solution ensemble.

Syndicaliste et pédagogue

Soondress Sawmynaden, l’actuel recteur du State Secondary School (SSS) d’Ebène Girls et président de l’association des recteurs des collèges d’État, compte une quarantaine d’années de métier. Il a aussi été par le passé président du syndicat des enseignants, puis celui des assistants recteurs.  Il a été pendant 13 ans le secrétaire de la Fédération des syndicats du service civil (FSSC) .

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