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Suite à la fusillade devant la résidence du haut-commissaire indien : l’octroi des armes aux policiers remis en question

Dans la journée du mardi 3 septembre, Jerry, le témoin du drame, a participé un exercice de reconstitution des faits devant le domicile du haut-commissaire de l’Inde.
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Le constable Jevin Rama a été inculpé pour le meurtre de Seewajee Bhikoo. Celui-ci, grièvement blessé par balle dimanche dernier devant la résidence du haut-commissaire indien, n’a pas survécu à ses blessures. Ce cas vient s’ajouter à la longue liste de mauvaise utilisation d’armes à feu par des policiers. Lumière sur l’attribution des armes au sein de la force policière.

Policiers se suicidant avec leur arme à feu, mauvaise manipulation provoquant un coup de feu, menace avec l’arme de service… le nombre de cas où les armes des policiers sont utilisées pour d’autres motifs que celui de combattre le crime ne cesse de s’allonger. Pas plus tard que dimanche dernier, un policier affecté à la résidence du haut-commissaire de l’Inde, à Floréal, aurait atteint son ami de 52 ans d’une balle à la tête. Si le constable Jevin Rama a, lors de son interrogatoire, déclaré que Seewajee Bhikoo s’était suicidé, des résidus de poudre ont été prélevés sur la main droite du jeune constable.

Standing Orders

Le constable Jevin Rama a été inculpé pour le meurtre de Seewajee Bhikoo.
Le constable Jevin Rama a été inculpé pour le meurtre de Seewajee Bhikoo.

Cette affaire remet sur le tapis l’attribution des armes à feu aux membres des forces de l’ordre. L’inspecteur Shiva Coothen, responsable de la cellule de communication de la police, explique que, dès qu’une personne intègre la force policière, elle est autorisée à se servir d’une arme à feu d’après les Standing Orders de la Police Act. « Aussitôt confirmé, un policier doit se servir d’une arme à feu quand le besoin de fait sentir », fait ressortir notre interlocuteur.

Ce sont les policiers qui sont postés en sentinelle devant le domicile d’un ministre, devant une ambassade ou une banque, qui sont, en général, munis d’une arme à feu. « Ces policiers peuvent se servir de cette arme en cas de nécessité », indique l’inspecteur Shiva Coothen. Il précise que les policiers font des exercices de tir de temps à autres. 

L’ancien inspecteur de police Ranjit Jokhoo souligne, pour sa part, qu’avant qu’un policier n’ait droit à une arme à feu, il doit apprendre les mesures de sécurité. C’est-à-dire, comment manipuler une arme, en quelles circonstances l’arme peut être utilisée et où tirer. « Un policier peut utiliser son arme à feu s’il y a danger. Cette arme est pour la protection des vies et des propriétés. Si le besoin se fait sentir, le policier doit tirer à l’épaule ou à la cheville de la personne visée. Cela dépendant de la situation », précise Ranjit Jokhoo. 

Il ajoute, par ailleurs, qu’il y a des règles à respecter quand un policier a une arme à feu en sa possession. En l’occurrence, l’arme doit être dans son étui et jamais pointée vers une personne. « Quand un policier tire, il doit y avoir une raison valable », dit notre interlocuteur. Il parle aussi de procédures rigides quand le policier termine son service. Il doit alors  remettre son arme à son supérieur ou à celui qui prend le relais. 

Suivi psychologique

Ranjit Jokhoo ajoute que les officiers ayant en leur possession une arme à feu doivent faire preuve de « responsabilité ». « Il ne peut y avoir de happy trigger. Les policiers doivent prendre le port d’une arme au sérieux », estime-t-il. Il croit aussi que ceux qui utilisent des armes à feu doivent avoir un suivi psychologique, car c’est une lourde responsabilité.

Dans le passé, il y a eu des dérapages, où les armes à feu ont été utilisées à mauvais escient. Faisant référence aux cas de suicide des policiers et de ceux qui ont tué d’autres personnes avec leur arme de service, Ranjit Jokhoo est d’avis que les supervising officers ont un grand rôle à jouer. « Ces responsables ont le devoir de déceler un quelconque mal-être chez leurs subalternes. S’ils constatent que des policiers ont des soucis, ils doivent les référer aux psychologues de la police. Cela doit se faire sur une base journalière », conseille-t-il. 

Nous avons demandé à un ancien médecin de la police si des policiers n’ont pas besoin d’un suivi psychologique afin d’éviter des dérapages. Il affirme que ceux-ci doivent présenter un certificat médical prouvant qu’ils sont mentalement et physiquement aptes à détenir et à utiliser une arme à feu. « Il semble qu’un certificat médical n’est qu’au fait qu’un certificat de complaisance. Il n’y a pas de suivi avec ces policiers », déplore-t-il. Alors que cela devrait, selon lui, être le cas.

Quelques cas notoires

Les cas où les policiers font un mauvais usage de leur arme de service sont nombreux. Quelques mois de cela, un officier de police posté devant la commission anti-corruption a tiré un coup de feu avec son arme de service en vue d’intimider sa femme, avec qui il avait des problèmes conjugaux. On se souvient aussi du cas d’une Woman Police Constable affectée dans un poste du Nord, qui a menacé d’utiliser une arme à feu pour se tirer une balle sur son lieu de travail si son amoureux, un policier, ne l’épousait pas le jour de la Saint-Valentin. On dénombre aussi plusieurs cas de suicide. Parmi les cas récents, une jeune policière de 22 ans qui s’est donnée la mort en se tirant une balle en pleine tête avec une arme à feu, au poste de police de Saint-Pierre. Une relation amoureuse avec un de ses collègues, affecté au poste de police de Moka, serait à l’origine de son geste, après que ses supérieurs ont découvert leur relation et l’ont transférée à Saint-Pierre.


Questions à Sarvesh Dossoye : «Il faut des contrôles périodiques»

Sarvesh DossoyeLe psychologue du travail Sarvesh Dosooye déclare que porter une arme à feu est une lourde responsabilité. C’est pourquoi il faut, dit-il, un suivi régulier. 

Avoir une arme en sa possession est une lourde responsabilité, n’est-ce pas ?
Effectivement, c’est une lourde responsabilité. Comme tout outil, une arme à feu peut être utilisée de manière judicieuse ou néfaste. Il faut être vraiment responsable, si on en a une en sa possession, car on peut ôter une vie avec. Des fois, le stress vient s’ajouter à cette responsabilité. à la longue, cela peut peser lourd sur le moral. D’où le fait qu’il est important qu’il y ait des contrôles périodiques. Certes, le policier doit présenter un certificat attestant qu’il est en parfaite santé physique et mentale pour utiliser une arme. N’empêche, les choses évoluent. 

Comment expliquer un dérapage ?
Souvent, des policiers sont stressés de par leur métier. Il se peut qu’ils se retrouvent dans une situation où il se sentent menacés. Étant à bout, ils n’ont pas les ressources cognitives pour faire face à la situation. Ils basculent ainsi dans un mode de survie, fight-or-flight. Dans ce mode, il n’y a pas beaucoup de réflexion. Ce sont plus des réactions instinctives.

L’utilisation de son arme à feu peut-elle être la solution ?
En effet, pour éliminer le danger, certains ont tendance à utiliser l’arme se trouvant à leur portée. Je le redis : c’est surtout la fatigue mentale et émotionnelle qui joue un rôle important. être policier est un métier à risques. Il faut faire un suivi avec ces personnes. Voire un accompagnement. 

 

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