Interview

Suspension d’un fonctionnaire ou d’un policier : «Une procédure complexe, longue et aux frais du contribuable»

Penny Hack L’avocat Penny Hack.

Ils sont nombreux des fonctionnaires ou des policiers sujets à une suspension. Les deux cas sont régis sous diverses lois. L’avocat Penny Hack est catégorique : les cas d’indiscipline ont augmenté de façon exponentielle, ce qui laisse croire qu’il y a des failles dans le recrutement et le profilage des fonctionnaires ou des policiers. Il y aurait aussi des problèmes structuraux, voire de l’ingérence politique.

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Que disent nos lois sur la suspension d’un fonctionnaire ou d’un policier sous le coup d’une inculpation devant la justice ?
Il faut distinguer entre un fonctionnaire et un policier.

La Public Service Commission a été créée sous l'article 88 de la Constitution. Et, en vertu de l'article 89, elle est habilitée à nommer des fonctionnaires et à exercer un contrôle disciplinaire sur ces personnes. Elle peut aussi déléguer ses pouvoirs à d’autres fonctionnaires publics, émettre des directives afin d’enquêter sur les cas de faute professionnelle ou de négligence commises par un fonctionnaire dans l'exercice de ses fonctions auprès d'un organe disciplinaire compétent.

Pour la force policière, la Disciplined Forces Service Commission a été créée par l’article 90 de la Constitution. Et, en vertu de l’article 91, elle a le pouvoir de nommer des membres des forces disciplinaires pour exercer un contrôle sur la force policière.

Elle peut, sous réserve des conditions qu’elle estime appropriées, déléguer ses pouvoirs disciplinaires ou de révocation à tout autre officier. Mais nul ne peut être démis de ses fonctions, sans confirmation de la Commission.

Les procédures disciplinaires sont donc régies par les Public Service Commission Regulations et les Disciplined Forces Service Commission Regulations.

On peut suspendre un fonctionnaire ou un policier de ses fonctions, si on estime que c’est dans l'intérêt public. Les exemples classiques : quand une procédure de licenciement est engagée ou qu'une procédure pénale est en cours ou lorsque des poursuites sont engagées contre lui pour des motifs d’intérêt public.

Il faut considérer le coût des salaires»

Qui décide de la suspension d’un fonctionnaire ?
Pour les fonctionnaires, la décision de suspension est prise par the chef du service civil  avec l’autorisation de la Public Service Commission.

Dans le cas de la force policière, c’est le Commissaire de police avec l’autorisation de la Disciplined Forces Service Commission. 

Un comité disciplinaire peut-il se tenir en parallèle avec un procès devant la justice ? Comment se passe la procédure ?
Non. Un comité disciplinaire ne peut se tenir en parallèle à un procès au pénal. Il doit attendre la conclusion de la procédure pénale et la détermination en appel, le cas échéant.

Lorsque le fonctionnaire ou un policier est déclaré coupable d’une accusation pénale susceptible de justifier une procédure disciplinaire, la décision est transmise sans délai à la commission appropriée, c’est-à-dire : copie de l'accusation, du jugement, du procès-verbal du tribunal s’il est disponible et d'une recommandation par le chef du service civil ou du Commissaire de police.

C’est à la commission appropriée de déterminer si l’officier doit être licencié ou mis à la retraite dans l’intérêt public ou soumis à un comité disciplinaire.

Durant une suspension, le fonctionnaire est-il rémunéré ?
Oui, le fonctionnaire ou le policer est rémunéré durant toute la suspension. 

Dans le cas d’une condamnation, qu’advient -ildu fonctionnaire? Est-il suspendu de ses fonctions ou limogé de son poste ?
Après détermination de la commission, l’officier risque le licenciement ou une retraite dans l'intérêt public. Si la commission décide d’instituer un comité disciplinaire, l’officier court le risque d’un licenciement ou d’une réduction de son rang ou d'ancienneté ou un arrêt de hausses salariales ou une suspension sans solde pour une période d'au moins un jour et pas plus de quatre jours ou une réprimande sévère ou une réprimande simple.

Qu'est-ce qui cloche avec ce système disciplinaire ?
Il y a plusieurs reproches. C’est un système colonial qui date d’avant l’indépendance. Durant ce temps, la population, le service civil et la force policière ont évolué, alors que le système resté inchangé. Mais là où le bât blesse, c’est le coût et le temps entre la suspension d’un fonctionnaire ou d’un policier avec solde et un jugement final en cas de poursuite au pénal, puis la décision d’un comité disciplinai s’il y en a.

Les cas d’indiscipline ont crû de façon exponentielle, ce qui laisse croire qu’il y a des failles au niveau du recrutement et du profilage des fonctionnaires ou des policiers. Mais il existe des problèmes structuraux, internes, voire de l’ingérence politique.

Les cours de justice sont déjà submergées de travail. En moyenne, le processus prend facilement entre deux à cinq ans. Il faut aussi considérer le coût des salaires et d’un remplaçant durant cette suspension ; le coût des infrastructures et des ressources humaines pour les besoins de l’enquête, le procès et l’appel, le cas échéant, et le comité disciplinaire. Tout cela aux frais du contribuable.

 

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