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Tolseeama Seeneevassen : fringante du haut de ses 88 ans

Tolseeama Seeneevassen : fringante du haut de ses 88 ans Un doux fumet s’échappe de la cuisine d’Amaye lorsque nous la rencontrons chez elle.
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Quand on rencontre Tolseeama Seeneevassen, surnommée Amaye, on est surpris. À 88 ans, elle affiche un dynamisme à toute épreuve et une joie de vivre sans pareille. Pourtant, sa vie n’a pas été un long fleuve tranquille. Aujourd’hui, elle profite de sa retraite en toute sérénité à Sodnac, Quatre-Bornes.

Le 6 janvier 2019, Amaye a célébré ses 88 ans entourée de sa fille et de ses proches autour d’un copieux briani. La retraitée est la mère de quatre enfants : deux filles, dont l’une vit en Angleterre, et deux fils, dont l’un est décédé à l’âge de 17 mois, et l’autre à la naissance. C’est avec le cœur gros qu’elle nous raconte cette douloureuse étape de sa vie. Elle a six petits-enfants et cinq arrière-petits-enfants.

Il est dix heures, ce mardi 8 janvier, lorsque nous rendons visite à l’octogénaire. Amaye sort de sa cuisine pour nous accueillir. Elle arbore un magnifique sourire. Un doux parfum d’épices et d’ail s’échappe de la petite cuisine. Le sifflement intense de sa cocotte-minute annonce que les grains secs sont cuits. Qu’y a-t-il au menu au déjeuner ? Amaye répond dans un éclat de rires : « Toufe bred sousou, lanti rouz, satini pom damour ek diri. » Elle éteint son four avant de prendre place sur un perron pour faire un brin de causette. Sa propriétaire la rejoint. Elle est aussi impatiente que nous d’entendre Amaye raconter son vécu en toute nostalgie.

Mariée à 13 ans

Née d’un père plombier et d’une mère femme au foyer, Amaye est originaire de Glen-Park. Deuxième d’une fratrie de dix enfants, elle doit abandonner l’école après le STD V pour s’occuper de ses petits frères et sœurs. Pour subvenir aux besoins de ses enfants après la mort de son époux Nadesh en 1952, Manimooniama, la mère d’Amaye, élève des vaches. Elle travaille aussi comme « bibi », c’est-à-dire nettoyeuse, à Gymkhana. Pendant ce temps, Amaye s’occupe des tâches ménagères.

Mariée à 13 ans, la jeune Amaye habite avec son époux pendant une année uniquement. Son mariage bat de l’aile. Elle décide de retourner vivre chez sa mère. Après sept ans, elle refait sa vie avec Tamby, qui revient de l’armée. De cette union naissent quatre enfants : deux fils, dont l’un décède à l’âge de 17 mois et l’autre à la naissance, ainsi que deux filles qu’Amaye élève avec soin à Henrietta.

Alité pendant neuf ans à la suite d’une paralysie, son époux Tamby rend l’âme à l’âge de 42 ans. Amaye se retrouve seule avec ses filles qui doivent alors abandonner l’école après le primaire. Précarité oblige, ses enfants doivent travailler dans des usines pour l’aider financièrement. Amaye s’affaire, elle, dans les champs de canne de Henrietta pour gagner Rs 30 par jour. Des années plus tard, elle est transférée dans un autre établissement sucrier.

Soleil, pluie et vent…

Amaye a travaillé des années durant aux champs pour élever seule ses enfants.
Amaye a travaillé des années durant aux champs pour élever seule ses enfants.

Le métier d’Amaye consiste à enlever la paille des cannes à sucre. Métier qu’elle exerce pendant 28 ans. Elle se souvient que dès l’aurore, lorsqu’elle entend le chant du coq, elle emprunte, avec ses amies Didi et Padma, le chemin de Bagatelle, de Saint-Jean et de Highlands, entre autres.

C’est avec un chapeau sur la tête, une chemise, un pantalon, une jupe et des bottes qu’Amaye et ses copines se rendent aux champs. Elles tiennent à commencer le travail tôt, parfois avant la venue du Sirdar. « Pou nou kapav sov boner », explique Amaye avec un sourire complice. Pour pouvoir travailler, ces femmes bravent un soleil de plomb, la pluie et le vent. « Nous devions traverser une rivière. Nous nous tenions par la main. »

Ce sont des souvenirs qu’Amaye garde en mémoire. Cela lui rappelle tout ce qu’elle a dû endurer pour nourrir ses enfants. Des larmes ruissèlent sur ses joues qu’elle essuie d’un revers de main : « Nou ti byen mizer. Nou ti pe al kas may lor kolinn Candos. Ti bizin les zanfan dan lakaz ek al travay 4 er dimatin. »

Profiter de l’instant présent

Amaye reprend son souffle. L’âge lui fait défaut. Aujourd’hui, elle souffre du diabète et d’une maladie du cœur. Elle ressent également d’atroces douleurs aux genoux. Elle ne peut d’ailleurs plus se déplacer pour faire ses emplettes. « Lontan ti pe kapav. Aster mo res lakaz mem. »

Amaye se réveille chaque jour à 7 heures. Après une douche et ses prières, elle fait son oatmeal qu’elle avale avant de « fer enn ti louvraz ». Puis elle prend une tasse de thé et un morceau de pain avant de prendre la direction de sa chambre pour regarder des séries télévisées dont elle est fan. Sinon, elle se repose dans son lit, soigneusement protégé par une grande moustiquaire.

À tâtons, Amaye nous fait découvrir l’intérieur de sa maison de deux pièces qu’elle loue à Sodnac depuis plus de 25 ans. On peine à avancer dans l’espace orné de bouquets de fleurs artificiels de divers coloris, de photos de famille ainsi que d’autres babioles décoratives. On trouve des meubles partout dans les quelque mètres carrés qu’elle occupe… Tout ce bien matériel est le fruit d’un dur labeur, impliquant des sacrifices.

Des rêves, Amaye n’en a plus. Tout ce qu’elle souhaite est de retrouver sa santé. Dans le confort d’un sofa, l’octogénaire passe en revue sa vie. Elle a le regard plongé dans le vide. Elle semble perdue dans ses pensées. Son secret : le respect d’autrui. C’est sur ces phrases prononcées avec sagesse qu’elle conclut : « En attendant de mourir, je profite de l’instant présent. »

 

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