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Un homme de 63 n’existe pas pour l’état civil

dnb Depuis quatre ans, le sexagénaire n’est plus reconnu pas l’État.

Un homme qui a déjà vécu plus d’un demi-siècle n’existe pas pour le bureau de l’état civil. La raison : il n’a pas été déclaré par ses parents biologiques. C’est l’incroyable histoire d’un homme âgé de 63 ans. Récit.

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On pourrait bien condamner cet homme que nous appellerons par ses initiales d’usurpation D.N.B., parce que pendant tout ce temps, il a vécu sous l’identité d’un autre. Leurs cartes d’identité sont identiques.

La vie de D.N.B., affectueusement connu comme Mooteelall, s’est compliquée lorsque l’heure est arrivée pour lui, comme pour tous les citoyens de Maurice, de se doter de la nouvelle carte d’identité nationale. Lorsque les autorités se sont rendues compte que l’homme utilisait une identité similaire à celle d’une autre personne, elles ont saisi sa carte d’identité. C’était en 2014. Du coup, l’habite La-Tour-Koënig n’a plus d’identité et il n’est pas reconnu par l’État.

De ce fait, il ne reçoit ni pension de vieillesse ni laissez-passer pour voyager gratuitement. Depuis bientôt quatre ans, un de ses petits-fils se bat pour que Mooteelall. obtienne son identité. En vain. « Je ne sais plus à quelle porte frapper », dit le jeune homme.

Mooteelall ne sait presque rien de ses parents biologiques. Il ignore qui est sa mère. Quant à son père, il a vécu avec lui jusqu’à l’âge de six ans, avant d’être adopté par une femme nommée Thérèse.

Je ne sais plus à quelle porte frapper»

N’a-t-il pas un acte de naissance ? Qui lui a donné le nom qu’il porte ? Le sexagénaire répond : « Lorsqu’elle a voulu m’adopter, Thérèse a demandé à mon père mon nom. Il lui a dit comment je m’appelais et depuis lors, j’ai été connu comme tel. Ni elle ni moi ne pouvions deviner que quelqu’un d’autre portait exactement le même nom. »

Marié avec des enfants

Notre interlocuteur n’a pas été scolarisé. Il connaissait donc son nom que phonétiquement. À la fin de son adolescence, Mooteelall fait la connaissance d’une fille et se marie avec elle. Le couple a quatre enfants, tous déclarés par leur père.

S’il a pu déclarer ses enfants et qu’ils portent tous son nom, c’est que Mooteelall a dû au préalable obtenir un acte de naissance. Si le bureau de l’état civil lui remis ce document, malgré une erreur dans le nom, on pourrait se demander s’il n’a pas une part de responsabilité dans cette affaire.

Alors, pour corriger cette erreur, ne faudrait-il pas que la personne soit encadrée par cette instance ? Ces questions ont été posées par la rédaction à Wahed Laloo, un ancien fonctionnaire de carrière au sein du bureau de l’état civil.

« Non, pas vraiment. Si une personne débarque au bureau de l’état civil et veut déclarer un enfant avec pour nom X, on lui donnera un acte de naissance avec le nom de X. Si par la suite, on découvre qu’il y a erreur sur l’identité de la personne, cette erreur vient d’abord de celui qui est venu déclarer l’enfant. Cependant, il existe des paramètres pour faire une demande de correction », répond-il. « Le bureau de l’état civil peut effectuer des recherches pour déterminer qui étaient les parents du monsieur. On pourra ainsi retracer son acte de naissance. Est-ce que des recherches ont été effectuées en ce sens ? »

Ma mère adoptive a demandé à mon père mon nom. Il lui a dit comment  je m’appelais. Et  depuis lors, j’ai été connu comme tel»

Le principal concerné répond par la négative. « Pour l’état civil, mes parents ne m’ont pas déclaré », dit-il.

Selon Wahed Laloo, dans ce cas, il faut faire une demande de déclaration tardive de naissance. « Pour ce faire, il faut retenir les services d’un avoué pour jurer un affidavut après avoir fait une demande auprès de la cour de district pour une déclaration tardive de naissance. C’est la seule et unique procédure. Si le monsieur n’a pas les moyens, il peut demander une assistance légale à la Cour suprême », poursuit l’ancien fonctionnaire.

Mooteelall soutient avoir déjà effectué ces démarches. « Mais ma demande a été rejetée », fait-il comprendre.

Wahed Laloo ne cache pas son étonnement : « Je ne comprends pas pourquoi la demande de déclaration tardive a été rejetée. Dans ce cas, le monsieur peut saisir la Cour suprême en présentant le document de la cour où il est certifié que sa demande de déclaration tardive a été rejetée. »

La rédaction s’est aussi adressée à Adrien Hottentote, le porte-parole du bureau de l’état civil. « Nous comprenons parfaitement le désarroi de ce monsieur et nous sommes disposés à lui venir en aide. Il est évident que son cas requiert une investigation plus approfondie. C’est ce que nous allons faire. Qu’il revienne vers nous avec tous ses documents », a-t-il déclaré.

Marie, La sœur adoptive : «Je confirme que l’histoire est vraie»

Dans un document, Marie, la fille de Thérèse, la maman adoptive de Mooteelall, confirme que l’histoire de celui-ci est vraie.

Elle se présente comme une personne lucide. Elle raconte qu’en 1962, Mooteelall et son père habitaient le même quartier qu’elle, sur des terres appartenant à l’usine sucrière de Bambous.

« La mère de Mooteelall n’était plus de ce monde et son père ne prenait pas ses responsabilités à cœur. Il avait un penchant pour l’alcool. J’avais 12 ans et Mooteelall paraissait en avoir 9. Ma mère l’a recueilli chez nous. Il a habité chez nous pendant quatre ans avant de partir vivre chez une autre dame », raconte-t-elle.

Marie explique que sa mère a vainement essayé d’adopter Mooteelall. Pour accélérer les démarches administratives, elle est allée voir le père de celui-ci, mais il n’a pu produire l’acte de naissance de son fils.

« Il a donné à ma mère le nom du garçon, dont les initiales étaient D.N.B. Ma mère l’a cru, d’autant que le deuxième prénom du fils était celui que portait le père. Malheureusement, quelques semaines après, le père de Mooteelall a succombé à une longue maladie. Selon ma mère, les démarches d’adoption n’ont pas abouti à la suite de cela », relate-t-elle.

Marie explique que sa mère, qui n’était pas instruite, a fait émettre l’acte de naissance de Mooteelall au nom qu’elle avait entendu de la bouche de son père.

Dans ce document rédigé le 28 septembre 2017, Marie explique qu’elle souhaite que son « témoignage soit utile pour faire avancer rapidement les procédures administratives afin que mon frère Mooteelall puisse bénéficier de tous les privilèges accordés à un citoyen mauricien. »

 

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