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Variant Delta – Dr Vasantrao Gujadhur : «Une flambée des cas attendue dans les prochains jours»

Les deux prochaines semaines s’annoncent difficiles pour le pays. Une flambée des cas de contamination à la Covid-19 et de décès est prévue. C’est du moins l’appréhension du Dr Vasantrao Gujadhur. L’ancien directeur des services de santé prévoit aussi une saturation des services de santé si des mesures appropriées ne sont pas prises.  

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Selon les résultats des séquençages, le variant Delta représente aujourd’hui au moins sept personnes infectées sur dix. La situation vous interpelle-t-elle ?
Lorsque le variant Delta arrive dans un pays, ce n’est qu’une question de temps avant qu’il ne devienne le variant dominant. Au vu des chiffres fournis par les autorités, en deux semaines seulement le Delta est passé de 9,3 % à 69,6 % des cas recensés. Ce qui montre qu’il se propage rapidement au point de détrôner le variant local.  

À quel point la population devrait-elle se méfier de ce variant ?
Des études ont démontré que le Delta est à la fois plus contagieux et plus transmissible que les autres variants. Si nous analysons les tests rapides et PCR, nous sommes déjà à plus de 500 cas par jour, sans compter les cas qui n’ont pas été rapportés. Mais nous n’avons pas encore atteint le pic. Il y a eu manipulation des chiffres jusqu’ici, car les cas enregistrés à travers les tests rapides ne sont pas comptabilisés.

Comment les prochaines semaines s’annoncent-elles ?
Il faut s’attendre à une flambée de cas dans les prochains jours. L’effet du Delta sera à son apogée durant les deux premières semaines de novembre. On notera un rajeunissement des cas positifs, touchant surtout les 40-55 ans. Les personnes avec des comorbidités seront les plus touchées, de même que les plus de 65 ans. Ces personnes sont plus à risque d’être admises aux soins intensifs. Elles pourraient avoir besoin d’oxygène et de respirateur. Et malheureusement il y aura beaucoup de décès. En somme, le pire est à venir. 

L’effet du Delta sera à son apogée durant les deux premières semaines de novembre.»

Avons-nous les moyens de gérer une telle situation ?
Un jour le nombre de cas dépassera la limite gérable par le ministère. Les salles des hôpitaux, celles des soins intensifs et les autres seront pleines. Nous verrons des files d’attente. Le personnel hospitalier sera alors dépassé et risquera un burn-out. Les cas de contamination se multiplieront parmi le personnel, ce qui entrainera des absences. Et le service de santé ne pourra plus répondre aux besoins de la population.

C’est un scénario apocalyptique que vous nous décrivez. Déjà, en 2020 vous parliez de « enn mor dan sak lakaz ». Criez-vous au loup encore une fois ?
En 2020, je m’étais basé sur un rapport de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et les calculs avaient été faits par rapport au nombre de personnes âgées et qui présentent des comorbidités. Les moins de 60 ans n’avaient pas été pris en compte. Aussi, il y avait eu le confinement imposé par le gouvernement et à l’époque, la population était plus réceptive. C’est grâce à tout ça que le nombre de cas avait baissé. Mais en ce moment, le nombre de cas augmente au quotidien, de même que le nombre de décès. Selon le ministre de la Santé, il y a eu 295 décès de mars à octobre, dont 63 en octobre. Et le variant Delta est là. Des restrictions sont enlevées une à une. Le gouvernement est parfois lui-même l’organisateur de rassemblement. Nous ne sommes pas loin de ce scénario. 

Est-ce qu’une révision de la stratégie de gestion de la Covid-19 face à ce variant est nécessaire pour freiner sa propagation ? Si oui, laquelle ?
Avec les cas de contamination et de décès, nous sommes dans une crise sanitaire. Une diminution du taux de transmission et de la propagation passera par l’imposition de plus de restrictions, notamment pour des rassemblements et des activités. Il faut aussi songer à réinstaurer l’accès par ordre alphabétique dans les commerces, revoir le calendrier scolaire et favoriser le télétravail. Il faut aussi améliorer la communication en fournissant le maximum de détails et cesser de manipuler les chiffres. Une révision de la prise en charge est aussi nécessaire, surtout au sujet de l’auto-isolation. Il faut aussi faire appel aux spécialistes du privé pour donner un coup de main. Et pourquoi ne pas faire venir des spécialistes étrangers qui ont déjà travaillé avec des patients positifs ? 

Le ministre de la Santé estime qu’il faut un « paradigm shift in the management of the Covid-19 pandemic from containment of infection to a successful vaccination programme ». Pensez-vous que la vaccination soit la planche de salut ? 
Il ne comprend pas ce qu’il fait. Si la vaccination était la seule solution comme il tente de faire croire, pourquoi le nombre de cas positifs et de décès ne cesse-t-il de grimper ? Une bonne gestion de la Covid-19 consiste à mettre en place un groupe d’actions qui comprend la vaccination. Mais pour freiner la propagation, il y a aussi les tests et la recherche de contacts. Il faut aussi maintenir les gestes barrières, éviter les foules, un bon traitement des personnes atteintes et qui sont en isolation. C’est un package. 

Les cas enregistrés à travers les tests rapides ne sont pas comptabilisés.»

En parlant d’isolation, dans au moins deux cas de décès survenu à domicile, la lenteur/l’inaction de la Domiciliary Monitoring Unit (DMU) a été pointée du doigt. Est-ce normal ?
Tout en sympathisant avec les familles endeuillées, je pense que ces deux cas doivent être examinés de manière holistique. Car le système de santé est interconnecté et aucun département, que ce soit le service d’aide médicale urgente, la hotline 8924 ou la DMU, ne travaille en isolation. Il se peut que ce soit un problème de communication entre les différents départements, ou un manque de formation. Il manque peut-être un suivi de la part des supérieurs. Il faut prendre tous ces aspects en considération. Mais surtout, avec plus de 500 nouveaux cas par jours, à suivre sur dix jours et une trentaine de médecins à la DMU, ce n’est pas évident de gérer autant de patients. 

Le ministre de la Santé a néanmoins annoncé une enquête dans les deux cas. Vos commentaires ?
Dans un premier temps, il avait fait comprendre qu’il fallait qu’il y ait une plainte. C’est bien qu’il se soit ressaisi. Mais plus important, il faut que cette enquête puisse situer les failles du système et que des solutions soient trouvées. Car aucune enquête ne ramènera à la vie les personnes décédées. En fait, des administrateurs prévoyants auraient dû déjà anticiper de tels scénarios et se pencher sur de possibles solutions avant même qu’une telle chose se produise. Je trouve inacceptable qu’un jeune de 32 ans puisse trouver la mort sans avoir obtenu des traitements appropriés, alors que nos ministres de la Santé et du Tourisme disent que nous gérons bien la situation. Dans certains pays, ils auraient déjà rendu leur tablier.  

Parlant de tourisme justement, le pays attendrait jusqu’à une centaine de vols d’ici la fin de l’année. Serait-ce une décision avisée, vu la situation ?
Avec la crise sanitaire et les nombreux manquements dans la gestion de la Covid-19, les touristes ont plus à craindre d’être contaminés. Plus que les Mauriciens d’attraper le virus à travers un touriste. Mais croisons les doigts, espérons qu’un tel scénario ne se produise pas. Sinon l’image du pays prendra un sale coup sur le plan international. Avec des touristes qui arrivent en bonne santé, mais qui repartent malades.

Avec toutes vos critiques sur la gestion de la Covid-19, ne craignez-vous pas d’être étiqueté d’anti-patriote ?
Je suis un Mauricien. J’aime mon pays et les Mauriciens. Je ne fais que dire la vérité en mettant en avant les risques auxquels la population est exposée. Je propose des précautions qu’elle doit prendre pour éviter d’être infectée. Si le fait d’éclaircir la population sur la situation fait de moi un anti-patriote, je n’y peux rien.

 

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