Interview

Vijay Naraidoo - Président de la Commission des Droits des Personnes Agées de DIS-MOI : «Apprenons à être solidaires et œuvrons pour éliminer la maltraitance de nos aînés»

Vijay Naraidoo

L’Assemblée Générale de l’ONU, dans sa résolution 66/127 de 2012 a désigné le 15 juin Journée Mondiale de sensibilisation à la maltraitance des personnes âgées. Le 15 juin est  devenu le  jour de l’année où nous exprimons notre opposition à l’abus et à la maltraitance infligée à nos aînés. Nous avons, dans le cadre de cette journée, interrogé Vijay Naraidoo, le  Président de la Commission des Droits des Personnes Agées de DIS-MOI.

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Vijay Naraidoo, parlez-nous de la Journée mondiale de sensibilisation à la maltraitance des personnes âgées.
Vous savez, la maltraitance à l’égard des personnes âgées inquiète énormément, que ce soit chez nous ou ailleurs. D’ailleurs l’OMS estime que 4 à 6 % des personnes âgées font face à des défis tels les abus, la négligence, la violence et l’exploitation à domicile. Selon les statistiques de l’OMS toujours, nous serons 1 milliard de personnes âgées, soixante ans et plus en 2020, donc demain, et ce chiffre atteindra les 2 milliards en 2050. Vous pouvez imaginer maintenant l’ampleur du problème de la violence.

Cette année, l’UNDESA, le Département des Affaires Economiques et Sociales des Nations Unies a proposé le thème suivant : Accès à la justice : services juridiques, sociaux et économiques pour les victimes âgées victimes de crimes sexuels, physiques et financiers.

Justement qu’elle est l’ampleur du problème chez nous ?
En 2018 il y a eu 1182 cas connus de maltraitance, et de janvier à ce jour 360 cas. Mais au-delà des statistiques, la nature de la maltraitance nous interpelle.

Il suffit de lire la presse pour avoir une idée. Des femmes âgées sont victimes, d’abord de leurs proches, telle femme battue pour avoir refusé de donner son argent, de s’être opposée au projet de son fils ( à tort ou à raison) voit sa maison  incendiée, des hommes également battus et jusqu’à ce que la mort s’ensuive comme dans le triste cas de l’ex-policier. La maltraitance se lit sur le visage du citoyen mal reçu dans un bureau alors que c’est une personne qui a payé la taxe toute sa vie professionnelle, sur celui d’une dame qui, au lieu de jouir d’une retraite paisible, justement dans une maison de retraite vit un cauchemar et doit faire face aux brimades des responsables, sur celui ou celle qui attend des heures pour voir passer l’autobus qui ne s’arrête pas.

Nos aînés ont droit à l’autonomie et l’indépendance, à  la liberté de pensée, la liberté de choix, aux loisirs, à de la compagnie, aux soins de qualité, au respect de leur dignité.»

Souvent les victimes se replient sur elles-mêmes par manque d’accompagnement psychologique, par manque de moyens ou par honte.
Nous nous flattons de diverses institutions, ministères, ong et autres maisons de retraite avec une armée de psychologues, de médecins, de travailleurs sociaux, de religieux, d’associations de personnes âgées. Je pense qu’il faut sortir de sa zone de confort, aller chez les gens à l’heure qui leur convient et non pas aux heures ouvrables classiques, neuf - seize heures. Certes nous avons beaucoup de pratiquants de bonne volonté mais souvent nous intervenons après. Nous faisons beaucoup de plaidoyers (advocacy) mais pas suffisamment pour soulager la victime. Je parle souvent de  l’Elderly Watch qui est censé intervenir à temps pour prévenir des drames. Je me demande s’il ne faut pas faire une étude sur l’efficacité de cette instance et lui donner la proéminence qu’elle mérite.

Pourquoi est-ce important pour DIS-MOI de mener campagne autour de ce thème de maltraitance des personnes âgées ?
Nous sommes des fanatiques des droits humains. Qu’il s’agisse des jeunes, des femmes, des personnes avec handicap ou des personnes âgées et vulnérables, nous ne pouvons rester insensibles si leurs droits sont lésés.  Nous sommes une population vieillissante comme dans le reste du monde et les défis sont grands et multiples pour nos aînés. Outre la bientraitance, ils ont droit à l’autonomie et l’indépendance, à  la liberté de pensée, la liberté de choix, aux loisirs, à de la compagnie, aux soins de qualité, au respect de leur dignité. C’est ce que nous disons dans nos sessions d’information et de formation à travers le pays.

Sachez aussi que nous menons campagne pour une résolution de l’ONU en faveur d’une Convention des Droits des Personnes Agées. Je félicite encore une fois le gouvernement pour avoir pris une position ferme en faveur de ce nouvel instrument. Dans le même registre, nous faisons un appel pressant pour que Maurice, en tant que Membre de l’Union Africaine, signe et ratifie le Protocole de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, relatif aux Droits des Personnes Agées. Comme vous le savez, les Conventions et autres Protocoles font obligation aux États de veiller à ce que les principes de l’ONU de 1991, d’indépendance, de dignité, de soins des personnes âgées, entre autres, soient intégrés dans  leur législation nationale et soient juridiquement contraignants comme base pour assurer leurs droits.

Qui sont vos partenaires stratégiques pour mener ce combat ?
Nous avons fait des consultations avec une dizaine d’ONG engagées dans la protection et le respect des droits des personnes âgées. Nous travaillons en parfaite harmonie avec les associations des personnes âgées dont le Senior Citizens Council. Depuis peu, le Groupement FIAPA, l‘Université du 3e Age et DIS-MOI se concertent pour l’avancement de notre campagne. Sur le plan international, nous faisons entendre notre voix à travers HelpAge International, l’Alliance Mondiale pour les Droits des Personnages âgées et le Stakeholder Group on Ageing Africa.

Vijay Naraidoo, êtes-vous satisfait du « combat » que vous menez ?
Pleinement satisfait. Je suis fier que la voix de DIS-MOI est entendue ici et ailleurs. Vous savez, un grand philosophe avait dit : « La révolution ne se fait pas sur commande, elle croît d’elle-même ».

Propos recueillis par Ny Onja Hon Fat

 

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