Interview

Yogida Sawmynaden : «Maurice doit devenir un pôle informatique»

Yogida Sawmynaden

Yogida Sawmynaden, ministre de la Technologie, de la Communication et de l’Innovation, revient sur différents projets de son ministère et sur l’exercice de conversion de la carte d’identité. Évoquant l’innovation, il estime que Maurice regorge de talents en devenir.

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Vous êtes ministre de la Technologie, de la Communication et de l’Innovation depuis le 23 janvier 2017. Quelles sont vos priorités ?
La priorité est de faire de Maurice un pôle informatique et de digitaliser le pays. C’est-à-dire qu’au niveau de tous les secteurs du gouvernement, tout le monde doit être en ligne. On parle de ‘Cyber island’ et il faut donc franchir un nouveau palier. Au niveau des ministères, au lieu d’avoir des dossiers papiers qui circulent, il est grand temps de pouvoir digitaliser les informations et de pouvoir travailler à travers des ordinateurs et l’internet.

La digitalisation du service public, que vous évoquez, n’est pas nouvelle. Mais on entend parler d’une vieille école au sein du secteur public où des fonctionnaires sont réticents au changement. Qu’en est-il ?
Non. Ce n’est pas une question de réticence de la part des fonctionnaires qui ne veulent pas s’adapter. Il s’agit plutôt de la façon de présenter le produit. Si vous voulez informatiser tout un ministère d’un coup, ce sera impossible. C’est comme si vous décidez de passer d’une petite auto à un gros camion. Le chauffeur de la petite voiture ne pourra pas conduire un gros véhicule du jour au lendemain. C’est pourquoi j’ai ciblé quelques projets. Prenons le cas de l’e-health. Nous ne pouvons pas digitaliser tout le secteur de la santé en peu de temps. La priorité est l’hôpital Dr A.G. Jeetoo de Port Louis. Là aussi, il ne s’agit pas de tout l’hôpital mais de l’enregistrement des patients dans un premier temps. Ensuite, il y aura une prochaine étape et si on progresse petit à petit, le fonctionnaire sentira que son travail est beaucoup plus facile. Il demandera même d’autres digitalisations. Nous allons lui donner le temps de s’acclimater au nouveau système pour ensuite évoluer.

Quels sont les autres services publics qui seront en ligne bientôt ?
Nous travaillons sur trois ministères : la santé, le transport et l’éducation. Ce sont les trois grands pôles où on va changer la mentalité informatique car nous allons toucher les enfants, les patients et les véhicules. Je pense que plus de la moitié de la population, voire presque toute la population, sera concernée. Puisque tout le monde doit voyager, tout le monde doit se faire soigner et tout le monde a des enfants qui vont à l’école.

«Les tarifs vont baisser à travers la diversification et l’offre»

Dans le nom de votre ministère, il y a « innovation ». Quand on pense innovation, on pense aux startups. Que proposez-vous pour les soutenir et faire de Maurice une nation d’innovation ?
Ce ministère doit travailler en étroite collaboration avec tous les autres ministères pour pouvoir créer quelque chose. J’ai parlé au ministre des Affaires, de l’Entreprise et des Coopératives, Sunil Bholah, de la création d’une plateforme physique qui serait un laboratoire de création. Nous avons à l’Université de Technologie de Maurice un département de l’innovation et une faculté en Digital Technology & ICT Engineering arrive bientôt à l’Université de Maurice. Des développements similaires se font dans des universités privées à Maurice.

Après cela, il faut donner aux jeunes l’espace et les moyens physiques ou financiers de développer quelque chose. Un jeune a peut être une idée, mais si on en regroupe dix, le projet sera encore plus grand. Dès lors, nous pouvons inviter les industriels mauriciens et étrangers à venir découvrir ces projets qui peuvent être présentés au salon Infotech. L’Infotech ne doit pas être juste une foire aux portables, ordinateurs ou imprimantes, on doit y découvrir des innovations. Actuellement, il n’y a rien de nouveau. On doit également les aider à déposer un brevet, à produire et à financer des projets à venir.

En parlant de jeunes, il y a des élèves du collège St-Esprit qui se sont démarqués, récemment, lors d’un concours international de programmation organisé par Google. Qu’est-ce que vous proposez pour les aider ?
Ces jeunes qui, soit dit en passant, viennent de mon ancien collège, doivent pouvoir obtenir une plateforme locale voire internationale. Quand demain d’autres jeunes vont voir ce qu’ils ont fait, ils les prendront en modèles et ils seront intéressés à s’exprimer, se développer et venir avec quelque chose de bien plus fort. Je pense qu’à Maurice, nous avons beaucoup de génies en informatique en devenir.

Pour en revenir à l’actualité, le fait d’avoir à nouveau étendu la validité de l’ancienne carte d’identité, n’est pas un pas en arrière ?
Avec les chiffres recensés, nous avions estimé que le temps restant jusqu’au 31 mars serait suffisant pour convertir toutes les dernières anciennes cartes d’identité. Malheureusement, on a dépassé les limites, et on n’aura pas le temps de le faire jusqu’à cette date butoir. De plus, nous avons eu un souci de serveur le mercredi 29 mars. Ce n’est pas la faute des Mauriciens. On va évaluer la situation et s’il y a une baisse dans le nombre des conversions, on reverra les horaires et les jours d’ouverture des centres.

Sur un autre thème, le nerf de la guerre à Maurice demeure les prix de la bande passante pour les entreprises et des accès à l’internet pour les particuliers. Que proposez-vous en faveur d’une baisse des prix ?
Tout service a un coût. Est-ce que gratuit signifie bon service  et utilisation à bon escient ? Je pense que nous avons un débit qui n’est actuellement pas mal. Nous venons avec un troisième et un quatrième câble sous-marin de fibre optique. Il faut voir comment se servir de l’internet de façon plus concrète. Nous installons des bornes wifi à travers le pays et nous avons un projet de faire un petit village ‘wifi friendly’. Le ministère de l’Education distribue des tablettes tactiles dans les écoles et nous travaillons sur un projet de plateforme où les élèves pourront consulter leurs professeurs en ligne et où les parents pourront parler avec ces enseignants au lieu de se déplacer. Ces services sont de la valeur ajoutée.

Est-ce que le projet du Central Electricity Board de vendre des accès à l’internet via la fibre optique pourra tirer les prix vers le bas ?
Oui, je pense que les tarifs diminueront car on aura plus d’opérateurs et de services. Il y a aussi le projet de White Space de la Mauritius Broadcasting Corporation (ndlr : connexion à l’internet via les ondes hertziennes laissées vacantes après le passage à la télévision numérique) et la multiplication des spots wifi un peu partout. Ainsi, les tarifs de l’internet vont baisser à travers la diversification de l’offre.

En attendant les chiffres officiels de Statistics Mauritius pour 2016, en 2015 le secteur des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) a enregistré une croissance de 5,4 et 7% de contribution au Produit Intérieur Brut. Quels sont les estimations pour 2016 et les objectifs pour 2017 ?
Sur un dossier plus technique. Afrinic, qui gère la distribution en Afrique des adresses IP, avertit qu’il est urgent de passer de l’Internet Protocol version 4 (IPv4) à l’Internet Protocol version 6 (IPv6) car on arrive à une saturation des adresses IPv4. On ne voit pas les opérateurs de télécommunication faire cette démarche. Est-ce que le ministère va un jour taper du poing sur la table afin de pouvoir développer de nouveaux services comme les objets connectés ?

Si demain il faut passer par là pour obtenir de nouveaux services, nous allons demander gentiment aux opérateurs de télécommunications pourquoi ils ne se penchent pas sur le problème. Ils ont certainement leurs raisons. Il n’est pas question d’avoir tel ou tel opérateur contre le gouvernement car tous les projets vont bénéficier au peuple mauricien. Sans ces opérateurs, nous ne pouvons rien faire et l’idéal, c’est qu’on travaille tous main dans la main.

 

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