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Achat controversé de Molnupiravir : vers la thèse d’une fuite au profit de CPN Distributors

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Une source au sein du ministère de la Santé pourrait avoir « rencardé » CPN Distributors Ltd. C’est la piste explorée par la commission anticorruption pour expliquer comment cette société a pu fournir en urgence 999 000 comprimés de Molnupiravir le 7 décembre.  

Comment la société CPN Distributors Ltd a-t-elle su avant tout le monde que le ministère de la Santé avait besoin de Molnupiravir ? Au ministère, plusieurs fonctionnaires pensent déjà connaître la réponse. Du côté de l’Independent Commission Against Corruption (Icac), on progresse avec prudence, en explorant toutes les pistes. Toutefois, à ce stade de leurs investigations, les enquêteurs prennent très sérieux la possibilité qu’une source au sein du ministère ait informé la compagnie de Montagne-Longue avant qu’un appel d’offres ne soit lancé.   

Ce document a été déposé le 15 novembre au bureau de la Senior Chief Executive du ministère de la Santé.
Ce document a été déposé le 15 novembre au bureau de la Senior Chief Executive du ministère de la Santé.

Les dates de deux commandes de Molnupiravir passées en Inde par CPN Distributors Ltd coïncident avec celles de deux documents déposés au bureau de la Senior Chief executive (SCE) de la Santé. C’est cette coïncidence qui étaye la thèse d’une fuite d’informations au profit de l’entreprise de Jay Kumar Chuttoo.

Lors d’une réunion qui s’est tenue début novembre, les responsables du ministère ont évoqué le besoin d’obtenir ce médicament contre la Covid-19. Le 15 novembre, le Dr Reesaul, consultant en charge pour les maladies respiratoires, a déposé une demande intitulée « Request for purchase of Molnupiravir capsules for 30 000 SARS-Co V2 mild to moderate patients ». Il y précise la posologie individuelle : 800 mg deux fois par jour pendant 5 jours, ce qui correspond à 40 gélules pour chaque patient. La requête a été adressée à la SCE Dalida Allagapen.

Le même document a été adressé à la SCE le 24 novembre.
Le même document a été adressé à la SCE le 24 novembre.

Une deuxième correspondance portant le même entête a été envoyée le 24 novembre. La même requête a été faite à la SCE, avec le directeur des services de santé, le Dr Caussy, en copie.

La demande d’achat est approuvée le 25 novembre. Le Principal Pharmacist informe le ministère qu’il y a cinq fabricants en Inde et que quatre d’entre eux ont des représentants à Maurice. C’est ainsi que le 26 novembre, quatre fournisseurs soumettent leurs offres pour l’importation de 800 000 pilules.  

Au même moment, CPN Distributors Ltd confirmait sa transaction avec Optimus Pharma. Le fabricant du médicament en Inde a révélé les dates des commandes, le 15 décembre, dans une déclaration écrite. CPN Distributors Ltd a passé deux commandes, une le 19 novembre et une autre le 26 novembre, soit le jour où le ministère recevait les offres des quatre soumissionnaires.

Le 6 décembre, quand le contrat pour l’importation de 800 000 gélules a été alloué à Mauritius Pharmacy (Seegobin) Ltd, des hauts fonctionnaires connaissaient déjà le volume du stock disponible chez CPN Distributors Ltd. La liste des importations de la compagnie était en possession du Pharmacy Board puisque la réglementation impose que les détails des importations de médicaments lui soient transmis.

Un point reste à éclaircir : qui a fait savoir à CPN Distributors Ltd que le ministère de la Santé comptait acheter du Molnupiravir avant que cette société ne contacte le ministère, le 7 décembre, pour lui proposer son stock.

Par ailleurs, le 3 décembre, le fournisseur avait déjà livré 5000 comprimés à l’hôpital ENT et cette livraison n’a pas pu se faire sans l’approbation d’un responsable du ministère de la Santé. Selon nos informations, l’hôpital de Vacoas aurait reçu un appel provenant du ministère, entre le 2 et le 3 décembre, disant : « Enn stock Molnupiravir pe vini la ».


Me Ajay Daby, ex-Speaker : « Un ministre n’est pas le porte-parole des fonctionnaires »

Me Ajay Daby réagit à la déclaration de Kailesh Jagutpal selon laquelle il donne une réponse à l’Assemblée nationale en fonction de ce que lui donnent ses officiers. L’ancien Speaker fait ressortir qu’un ministre a le devoir de « scrutiny » ces éléments avant de faire des déclarations.

L’avocat indique que Kailesh Jagutpal « donne une impression dangereuse s’il dit qu’il est dirigé par ses officiers. C’est lui qui représente la politique du ministère ». L’ancien Speaker insiste que ce sont les officiers qui sont au service du ministre, pas le contraire. « Même s’il y a un degré de responsabilité de la part des officiers, un ministre n’est pas le porte-parole des fonctionnaires. »

S’il y a erreur, poursuit Me Ajay Daby, le ministre ne peut pas dire que ce sont ses officiers qui sont à blâmer. « Il a le devoir de vérifier tous les points sur lesquels il fera son intervention qui portera sa signature. Il ne peut donc ni induire en erreur, ni tromper la Chambre », explique-t-il.

Raison pour laquelle, dit-il, qu’un élu ne doit en aucun cas lire un discours. « Le système parlementaire veut s’assurer que ce qu’il lit ne vient pas d’une tierce personne. Il faut que l’intervention soit spontanée. Il peut coucher sur papier quelques points importants et ensuite les élaborer. Car toute intervention faite à l’Assemblée nationale par un ministre est discutée en amont avec les officiers concernés par le dossier. Quand il va discourir au Parlement, son discours doit refléter la réalité », conclut Me Ajay Daby.

Il rappelle que la loi dit qu’un ministre est redevable envers le Parlement « for whatever matters which relate to his Ministry ». Sa réponse, ajoute l’ex-Speaker, doit être basée sur des responsabilités. « S’il a induit le Parlement en erreur même en bonne foi dans l’absolu, il se met en danger. »

Mardi, durant sa conférence de presse, le ministre de la Santé a répondu à une question du Défi Quotidien qui voulait savoir s’il ne lisait pas les réponses préparées par ses officiers avant de le faire à l’Assemblée nationale. Il a répondu ceci : « À aucun moment je ne dois manipuler la réponse qu’on m’a donnée. Ce que les officiers qui ont travaillé le dossier me donnent, je dois le dire pareillement au Parlement. Jamais je ne décide de modifier une réponse. Sinon c’est une mauvaise façon de répondre. »

Interrogé avec insistance, Kailesh Jagutpal a fini par déclarer : « Au Parlement, il n’est pas question que je commence par poser des questions pourquoi c’est comme ça ». Il a ensuite ajouté : « J’ai dit ce que mes officiers m’ont donné à lire. »

 

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