Qui dit fin d’année dit boni, shopping, promos et cadeaux. Il est cependant important de rester vigilant, car la frénésie d’achats peut mener à l’endettement. Comment bien gérer son budget et éviter les dépenses et autres pièges ? Ce sont les questions abordées par Priscilla Sadien dans l’émission Explik ou Ka thématique du 9 décembre avec ses invités Hemraj Bhoyroo, Principal Consumer Affairs Officer au ministère du Commerce, et Suttyhudeo Tengur, président de l’Association pour la protection de l’environnement et des consommateurs.
Constat sur le terrain : les achats pour les fêtes de fin d’année ont débuté depuis quelques jours. Malgré une année difficile, les clients répondent présent chez les commerçants.
Pour Hemraj Bhoyroo, Principal Consumer Affairs Officer au ministère du Commerce, cela s’explique principalement par le fait qu’une bonne partie des salariés ont déjà reçu leur boni, celui-ci ayant été payé en avance cette année. « Les employés recevront aussi leur salaire plus tôt que d’habitude », dit-il.
Le mois de décembre est généralement associé aux dépenses. « Les Mauriciens en profitent pour réaliser des projets et faire des achats supplémentaires. Nous remarquons que la demande continue d’augmenter », avance-t-il.
Le ministère du Commerce est prêt à faire face à cette situation, soutient Hemraj Bhoyroo. « Des officiers sont sur le terrain en permanence afin de s’assurer que les droits des consommateurs sont respectés et qu’il n’y a pas de pratiques malveillantes visant à les piéger », assure-t-il.
« Les chiffres démontrent que les achats dans les principaux points de vente ont augmenté de 9,68 % et s’élèvent maintenant à Rs 34,5 milliards », fait, de son côté, valoir Suttyhudeo Tengur. Cela signifie, dit-il, que depuis l’entrée en vigueur des restrictions sanitaires, les consommateurs ont commencé à faire leurs achats et des provisions pour la fin d’année. « Et pour certains, bien avant de recevoir le salaire de décembre et le boni, ce qui explique pourquoi dans certaines grandes surfaces, il y a toujours beaucoup de clients et même une augmentation », indique-t-il.
Le président de l’Association pour la protection de l’environnement et des consommateurs (APEC) fait remarquer qu’«un tiers des consommateurs sont des acheteurs impulsifs. Des études relèvent aussi que beaucoup de consommateurs ne planifient pas leur budget d’achats. Ils ne font pas de liste et se retrouvent à acheter 40 % plus que ce qu’ils avaient prévu. »
À la liste des mauvaises pratiques, il faut ajouter le « panic buying », renchérit Hemraj Bhoyroo. « À la moindre rumeur, craignant un confinement, on se rue sur les supermarchés de peur qu’il ne manque des produits et on en achète en surplus. » Les consommateurs sont constamment sensibilisés au fait que ce n’est pas ainsi qu’il faut agir, dit-il. « Il faut d’abord considérer les besoins et non les envies, surtout si nous pouvons attendre. »
L’officier du ministère du Commerce l’affirme haut et fort : il n’y a aucune pénurie. « Il manque des choses à cause des consommateurs qui en achètent en excès craignant de ne pas en avoir plus tard. C’est donc nous-mêmes qui créons cette pénurie et nous sommes aussi parfois responsables de l’augmentation des prix. »
L’éducation des consommateurs est primordiale
Commerçants et importateurs savent comment appâter les clients et écouler leurs produits. « Ce n’est pas une mauvaise chose », lance le président de l’APEC, si ce n’est qu’il faut faire l’éducation des consommateurs. Or, à Maurice, ce n’est pas le cas, regrette Suttyhudeo Tengur. « Un consommateur éclairé et bien informé peut prendre des décisions judicieuses, il fera des choix intelligents et évitera les pièges. »
L’observatoire des prix
Un comité spécial travaille actuellement sur l’observatoire des prix, dit Hemraj Bhoyroo. « Les modalités seront bientôt annoncées. » Cet observatoire, assure-t-il, aidera « vraiment » les consommateurs. « Ce sera une version améliorée de ce qui existait. Nous avons aujourd’hui beaucoup plus d’expérience. » Une démarche qu’accueille favorablement Suttyhudeo Tengur. Il rappelle que des études ont démontré que les consommateurs ne font pas leurs achats dans un supermarché uniquement. « Ils choisissent différents lieux pour faire leurs provisions », indique-t-il. L’observatoire a ceci d’avantageux qu’il permet aux consommateurs d’avoir des informations exactes. « Les consommateurs obtiennent actuellement des informations des médias, des publicités et des réseaux sociaux uniquement. Selon mes informations, cet observatoire publiera chaque mois une liste d’informations relatives aux prix, commodités et autres infos pratiques. »
Autre avantage, poursuit le président de l’APEC, c’est que les consommateurs pourront rapporter les points de vente qui pratiquent des prix abusifs.
Néanmoins, il faudra s’assurer que des personnes compétentes siègent sur l’observatoire. « Il faut des professionnels de l’économie par exemple qui pourront faire des études, des enquêtes sur le terrain afin de s’assurer que les prix sont contrôlés. Donc, il faut une structure omniprésente pour protéger les consommateurs. » En fera-t-il partie ? « Je n’ai pas cette information. C’est le ministre qui nomme les membres du comité »,
répond-il.
L’augmentation des prix
Selon Hemraj Bhoyroo, l’augmentation des prix est due à plusieurs facteurs, dont certains ne peuvent être contrôlés. « Le ministère subventionne 11 produits essentiels, dont le fromage, l’huile, le lait et certains grains secs, afin de contrôler l’augmentation des prix. Tous les jours, nous veillons au grain à travers des études pour mieux encadrer les consommateurs. » Plusieurs contraventions ont été prises et même pendant le confinement, ajoute-t-il. « Quand il y a des abus, nous rapportons l’affaire et le ministre prend tout de suite des décisions, comme cela a été le cas pour réguler le prix de l’oignon et de la pomme de terre. » Néanmoins, Hemraj Bhoyroo reconnaît que le nombre d’officiers sur le terrain, 25 au total, n’est pas suffisant. Il souhaite qu’il y en ait plus à l’avenir. « Pour le moment, nous faisons le nécessaire avec les moyens dont nous disposons.»
La vigilance, le maître mot
Hemraj Bhoyroo tient à rappeler aux consommateurs que le monde entier est confronté à une période inédite. « Devant la situation économique, il est très important de faire attention à ses dépenses. Le maître mot est vigilance. Il faut acheter intelligemment et se préparer pour les problèmes et dépenses qui pourraient surgir à l’avenir. Certaines dépenses peuvent attendre », soutient-il.
l’Association pour la protection de l’environnement et des consommateurs.
Achat à crédit
L’achat à crédit fait partie des mœurs des Mauriciens, avance Suttyhudeo Tengur. « Toutes les catégories de consommateurs ont tendance à acheter à crédit. Ils vont utiliser leur carte de crédit, ils vont sur les applications mobiles ou en ligne… »
Toutefois, met en garde le président de l’APEC, il faut s’assurer que le produit acheté est valable et que le prix est raisonnable. « Il n’y a rien de ‘cadeau’ de ‘gratis’ de la part des commerçants, même quand on vous dit d’acheter maintenant et de payer dans quelques mois. Le consommateur doit prendre conscience qu’il aura toujours un pourcentage supplémentaire à payer et qu’il fasse attention aux promos et publicités », explique-t-il.
D’autre part, poursuit Suttyhudeo Tengur, le consommateur doit comprendre comment fonctionne une carte de crédit. « Par exemple, les banques ne font pas de profits sur les prêts bancaires mais avant tout sur les frais de transactions des cartes. Elles font de gros profits. Le consommateur ne s’en rend même pas compte. Il ne sait pas combien de frais il paie sur chacune de ses transactions », affirme-t-il.
Même son de cloche de la part de Hemraj Bhoyroo. « Le consommateur doit s’interroger sur le réel avantage d’une promotion ou publicité. Il faut rester prudent et ne pas être emballé par le zéro dépôt par exemple, qui favorise l’endettement », dit-il.
Le contrôle des prix
Premièrement, fait remarquer Suttyhudeo Tengur, la subvention sur certains produits se termine à la fin de l’année. Et deuxièmement, « les autres produits (NdlR, non subventionnés) sont de plus en plus chers ». Le président de l’APEC cite notamment les légumes. « Les légumes sont tellement chers que les consommateurs ne veulent plus en acheter », soutient-il. Tout cela lui fait dire qu’il faut un contrôle des prix. « Il y a plusieurs augmentations, avec des marges très élevées sur le sucre, les boissons gazeuses ou certaines marques de riz, de beurre et de céréales », ajoute-t-il.
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