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COP 26 : quel est l’enjeu pour Maurice ? 

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Présidée cette année par le Royaume-Uni et organisée en partenariat avec l’Italie, la COP 26 réunit les pays signataires de la Convention des Nations unies sur les changements climatiques. Cette conférence de l’ONU sur le climat se tiendra en Écosse du 1er au 12 novembre 2021. Elle verra la participation du Premier ministre, Pravind Jugnauth et d’une délégation mauricienne. Quels sont les enjeux pour Maurice ? 

Le point dans cet article.

Sunil Dowarkasing, écologiste : «La participation mauricienne nécessaire pour bénéficier des expertises»

mokshanandSunil Dowarkasing, écologiste et ex-cadre de Greenpeace International, se pose des questions sur l'ambition mauricienne : « En 2021, Maurice a soumis un autre Nationally Determined Contributions (NDC). Ce document atteste que sa réduction d’émission de carbone ne sera pas de 30 %, mais de 40 % en 2030. On le fait parce que sur papier on doit démontrer une ambition grandissante en comparaison avec 2015. Mais je me pose la question suivante : comment sommes-nous arrivés à ce chiffre ? Des calculs scientifiques ont-ils été effectués ? », se demande-t-il. 

Pour lui, il faut plus d’éclaircissements sur le NDC soumis par Maurice. Et par la suite, rendre public un rapport sur ce qui a été entrepris depuis la signature du premier NDC en 2015. « Nous avons un NDC conditionnel de 65 % et 35 %. Il sera financé par le gouvernement mauricien. Reste à savoir où nous aurons les 65 % de financement », ajoute-t-il. 

Il s’interroge sur les méthodes qui seront employées pour réduire l’émission de carbone d’ici 2030, alors que le pays n’y est pas arrivé jusqu’à présent. « Pire encore, il continue d’augmenter à un rythme de 3.73 % annuellement. Si nous continuons sur cette lancée, nous serons déjà à une augmentation de 40 % d’ici 2030 au lieu de réduire. Cela en comparaison avec la ligne de base de 1990. À mon avis, nous sommes donc totalement hors de cette atteinte à moins que le gouvernement ait des solutions magiques. La collusion entre les parties concernées est trop puissante pour permettre une transition et l'élimination du charbon. Dans les neuf ans qui nous restent, attendons de voir ce que le gouvernement va faire pour pouvoir atteindre l’objectif qu’il s’est fixé », renchérit l’écologiste. Ce dernier dira que le Premier ministre part très confiant à la COP 26 à Glasgow. Il va annoncer  au monde entier que Maurice va réduire son émission de carbone par 40 % d’ici 2030. « Pourtant, c’est en totale contradiction avec le Petroleum Bill présenté  au premier jour de la reprise du Parlement, soit la veille de son départ pour l’Écosse ! Il voyage déjà avec une valise très lourde avec le Wakashio oil spill. Nous verrons la tendance à la fin de son actuel mandat », souligne-t-il. 

Sunil Dowarkasing soutient que la COP 26 est cruciale pour réduire l’émission de carbone de 58 % et rester à 1,5 C du réchauffement climatique à la date limite de 2030. « Il est vital que les nations G20, dont les émissions de carbone sont à 80 %, agissent rapidement pour atteindre l’émission cible. Au cas contraire, nous allons traverser le seuil de 1,5 C de réchauffement climatique et ce sera la catastrophe », dit-il. En ce sens, il dira que Maurice et tous les autres pays vulnérables aux changements climatiques doivent agir. Ils doivent convaincre les pays comme la Chine et l’Inde de trouver une solution raisonnable pour réduire leurs émissions de carbone. Sinon, ils subiront les effets du dérèglement climatique. 

« Dans les 10 ans à venir, il est prévu que notre île sera affectée par  18 % plus de cyclones. Des rapports prévoient aussi d’éventuelles érosions d’environ 50 % de nos plages. Ce seront alors de grands défis. Je souhaite que le ministre de l’Environnement en soit conscient », énonce l’écologiste. De ce fait, il estime que la COP 26 est très importante pour Maurice sur plusieurs axes. Notamment en termes de ressources pour s’adapter aux changements climatiques. Et ce afin de bénéficier des 100 milliards de dollars que doivent offrir les nations G20 en soutien aux pays vulnérables par rapport au changement climatique. Une promesse faite par 2009. « Ce sommet est aussi nécessaire pour développer des liens bilatéraux entre les pays et bénéficier de leur expertise.  À titre d’exemple, celle des Pays-Bas pour la maîtrise des eaux sera très bénéfique pour Maurice. »

« Mais, j’avoue personnellement que je n’attends rien de la délégation mauricienne à la COP 26. Elle sera sans doute nulle en termes d’apport technique, ayant suivi leur démarche pendant plusieurs COP depuis 2015. Toutefois, attendons le discours du PM pour ce sommet qui selon moi sera du pur intellectual Greenwashing avec le Petroleum bill à son actif. On verra ce qui se passe ensuite », conclut l’écologiste.

Qu'est-ce que La COP26 ?

S’inscrivant dans la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CNUCC), la COP26 est la 26e session de la Conférence des Parties (COP). C’est un texte qui a été adopté à l’occasion du Sommet de la Terre à Rio de Janeiro en 1992. Ce afin de lutter contre le changement climatique au niveau mondial. Il s’applique depuis 1994. Ainsi lors des COP, les pays négocient des accords internationaux et veillent au respect des engagements pris dans le cadre de la Convention.

Les participants

Plus de 20 000 représentants et les dirigeants de 197 pays se retrouvent en Écosse pour la COP 26 qui s’ouvre ce lundi 1er novembre à Glasgow. Le président français Emmanuel Macron, le Premier ministre britannique Boris Johnson ou encore le président des États-Unis Joe Biden iront sur place.

Dr Khalil Elahee, expert en matière d’énergie : « Ça s’annonce très mal pour Maurice »

khalilExpert en matière d’énergie, Dr Khalil Elahee estime que le sommet de la COP 26 s’annonce très mal pour notre pays. Cela suite au dernier rapport de l’UNEP qui démontre que Maurice est loin de pouvoir atteindre l’objectif de 1,5C de hausse maximale avant la fin du siècle. Pour lui, les politiques et les puissances économiques ont effectué le plus facile des choix : faire ce qu'ils peuvent et non ce qu’ils doivent faire. « Ce sont les générations futures qui paieront le prix fort. En effet, l’adaptation au changement climatique devient plus difficile quand nous ne faisons pas tout pour réduire les émissions », renchérit-il.

Faut-il désespérer ? « Non. Car certains pays s’en sortiront même si la note sera salée pour ceux qui sont les plus vulnérables. C’est comme la Covid-19 qui a démontré que nous ne sommes pas tous égaux face à la menace », déclare-t-il. Partageant son constat réaliste, mais pas pessimiste, il souligne que les inégalités de notre monde ne feront que s’amplifier. Ainsi, la nature souffrira aussi, car elle ne s’adapte pas face aux changements climatiques, comme notre pays. Celui-ci lutte contre ce phénomène, tout en cherchant du pétrole dans les eaux. « Mon espoir réside en la société civile. Mais aussi en certaines personnes parmi la nouvelle génération. Cette dernière, j’espère, nous pardonnera nos abus et sera être à la hauteur de ce lourd héritage », conclut Dr Khalil Elahee.

Vassen Kauppaymuthoo, ingénieur en environnement : «C’est une opportunité pour négocier un accord au niveau international»

vassenEn tant que petits États insulaires en développement (PEID), Maurice est beaucoup plus vulnérable comparé aux autres pays faisant face aux impacts du changement climatique. De ce fait, des mesures importantes s’imposent et la COP 26 représente une opportunité. Celle pour négocier un accord politique et économique large au niveau international dans les domaines d’adaptation et d’atténuation du changement climatique. Ainsi, affirme l’océanographe et l’ingénieur en environnement, Vassen Kauppaymuthoo. 

Il est d’avis que des études spécifiques plus poussées et appuyées par une expertise et un financement international sont nécessaires. Notamment pour maintenir le niveau de résilience et notre capacité d’adaptation, ainsi que les mesures nécessaires face aux impacts du changement climatique. Ceux-ci sont déjà visibles à Maurice, Rodrigues et les autres îles de la République. En ce sens, Vassen Kauppaymuthoo considère que le gouvernement doit commencer par faire voir au monde les impacts du changement climatique sur notre île. Il doit aussi démontrer que des secteurs clés comme le tourisme ou les zones urbaines côtières sont en danger. « Cela sensibilisera la communauté internationale sur la nécessité d’agir en priorité dans les PIED, dont Maurice, Rodrigues, Agalega, Saint Brandon, Tromelin et les Chagos entre autres. Mais encore sur le besoin de fonds au niveau du Green Climate Fund  pour implémenter les mesures requises », ajoute-t-il. 

Parmi les mesures, on retrouve la relocalisation des habitants et des infrastructures côtières ; la construction des structures requises pour protéger notre patrimoine contre les impacts du changement climatique et le financement des études sur des sites prioritaires préalablement identifiés. Au niveau de l’atténuation, Vassen Kauppaymuthoo estime qu’il faut qu’elle aide vers une transition et une décarbonisation des divers secteurs de notre économie. Cela tout en ajoutant qu’avec l’objectif de 60 % en 2030, la transition vers les énergies renouvelables doit se faire avec une recherche de support technique, de fonds et de partenaires. Elle est nécessaire pour :

  • Développer l’économie verte et l’économie bleue. 
  • Électrifier le parc automobile.
  • Effectuer des études détaillées sur le potentiel des énergies renouvelables.
  • Faciliter la recherche et le développement dans ces secteurs novateurs à travers des appuis techniques et financiers. 
  • Mettre en place des pépinières d’innovation avec une collaboration et un transfert de savoir-faire ainsi que de technologies pour établir les bases de cette transition écologique et économique.

Josheena Naggea, doctorante en environnement : « L’accent doit être mis davantage sur la problématique de l’océan »

josheenaÂgée de 28 ans, la Mauricienne Josheena Naggea est doctorante en environnement à l’Université de Stanford. Pour elle, l’accent doit être mis davantage sur la problématique océanique lors de la COP 26. Un aspect pertinent pour les petits États insulaires comme Maurice. « Plus de 93 % d'énergie excédentaire que nous émettons provenant de l'augmentation de l'effet de serre est absorbé par l'océan », dit-elle. 

Elle explique cependant que notre océan est confronté à des risques multifactoriels liés au changement climatique. Une situation qui se complique à cause d’autres problèmes socio-économiques. Ce sont  la pollution, la surexploitation des ressources côtières, la surpêche et l’appauvrissement des terres, entre autres. Selon elle, ces impacts seront plus difficiles à gérer si Maurice ne travaille pas davantage sur les stratégies d'atténuation et sa capacité d'adaptation en tant que pays vulnérable au changement climatique. Pour la doctorante en environnement, le pays ne peut qu’espérer que cette COP 26 apportera plus de cohérence entre les objectifs et actions tant au niveau mondial que local. « Il est préoccupant d’observer des menaces d'extinction de certaines espèces marines endémiques à Maurice. Donc, il faut absolument que nous accentuions nos efforts pour trouver des solutions fondées sur la nature par exemple. Pour cela, on peut augmenter nos zones de protection côtières et marines. Il faut aussi protéger nos écosystèmes de carbone bleu, comme les mangroves et les herbiers marins. Tout cela fait partie d’une de nos stratégies d’atténuation qui contribue à notre résilience face au changement climatique », indique Josheena Naggea.

Hughes Vitry, président du MMCO : « Prendre des décisions pour l’avenir de notre pays »

hughesD’emblée, Hughes Vitry fait remarquer qu’il est urgent de prendre conscience de l’importance de la réduction des effets de serre sur la planète. Non seulement pour Maurice, mais pour le monde entier. Par conséquent, la participation du pays à la COP 26 est primordiale. En sachant surtout que c’est la génération actuelle qui prend des décisions pour l’avenir de la planète pour ne pas basculer dans une situation irréversible. 

Le président de la Marine Megafauna Conservartion Organisation (MMCO) à Maurice ajoute : « Nous n’avons pas le choix, car nous sommes victimes des pays pollueurs dont les dettes de carbones sont conséquentes. Ils continuent leurs pratiques en pensant qu’avec leur argent, nous arriverons à atténuer les changements climatiques. Demain, l’inexorable va arriver  si nous ne trouvons pas de solutions », dit-il. Hugues Vitry prend pour exemple la pollution quotidienne d’un bateau de  croisière dans les eaux maritimes. Cela équivaut à la pollution d’un million de voitures dans les grosses villes, d’où l’importance de passer aux énergies propres et durables. 

« Le pétrole est une bonne chose pour l’économie. Mais est-ce que nous sommes prêts après la tragédie écologique causée par le MV Wakashio ? Le pays peut-il faire face à plusieurs autres accidents marins qui se produiront à l’avenir ? Il ne faut pas que des paroles en l’air pour faire face aux changements climatiques. Il faut se poser les bonnes questions et adopter les bonnes pratiques tout en adhérant vraiment à la Convention sur le climat », conclut-il.

Shaama Sandooyea, activiste pour le climat et l’océan : « L’urgence climatique doit rester la priorité du GM »

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Credit Photo Tommy Trenchard /Greenpeace

Activiste pour le climat et l’océan, Shaama Sandooyea indique que l’océan est un important puits de carbone. Pour elle, le pétrole est mauvais pour le climat et la biodiversité marine. « Le mardi 26 octobre, le ministre de l’Environnement s’est mis à défendre le Offshore Petroleum Bill visant à faciliter l’exploitation et la production du pétrole dans nos eaux maritimes. Avec ce projet de loi, nous comprenons que le ministre de l’Environnement et le Premier ministre n’ont absolument rien compris à l’urgence climatique », dit-elle. 

La COP 26, rappelle-t-elle, a pour but initial de rassembler les dirigeants des États autour d’une table afin qu’ils puissent présenter leur plan d’action pour respecter l’Accord de Paris. Cela concerne particulièrement la réduction des émissions de gaz à effet de serre et l’adaptation face à la crise climatique pour les états insulaires et en développement, dont fait partie Maurice. Ainsi, le pays est éligible pour bénéficier des fonds auprès de grandes nations afin de s’adapter face à la crise climatique. Cependant, se demande-t-elle, à quoi servent des fonds quand les émissions de gaz à effet de serre sont en hausse et que les dirigeants du pays ne respectent pas leur promesse envers la planète et les générations à venir ? « Je pense que le ministre de l’Environnement et le Premier ministre vont simplement mendier des fonds et vanter quelques arbres et coraux, plantés çà et là. Or, ils sont complices de la destruction de nos écosystèmes naturels qui agissent comme des puits de carbones à Maurice. Tels que les marécages, les mangroves et les flancs des montagnes entre autres », conclut-elle.

Les objectifs fixés par Maurice 

Les autres requêtes du pays sur le changement climatique sont : 

  • La gestion des zones côtières.
  • La fourniture en eau.
  • La gestion des catastrophes naturelles.
  • L’impact de l’agriculture sur la biodiversité terrestre et marine.
  • Le tourisme et la santé.
  • Le rôle des femmes dans l’éducation et la lutte contre le changement climatique.
 

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