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Dérèglement climatique : selon une enquête de la Santé, le nombre de moustiques a doublé

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Au mois de juin, il y avait deux fois plus de moustiques à Maurice qu’à la même période l’année dernière. C’est ce que révèle une enquête du ministère de la Santé. Si dans les trois prochains mois, le nombre de cas de dengue ne fléchit pas, l’arrivée de l’été pourrait envenimer la situation.

Le nombre de moustiques recensés en juin 2023 est deux fois supérieur à celui de 2022. Tel est le résultat d’une enquête de la Vector Biology and Control Division (VBCD) du ministère de la Santé. « Le changement climatique pourrait être à l'origine de la forte présence constatée. Des nuits froides mais des journées relativement chaudes favorisent la prolifération des moustiques », explique le Dr Diana Iyaloo, responsable de la VBCD.

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Dr Diana Iyaloo, responsable de la Vector Biology and Control Division du ministère de la Santé.

Une situation avec laquelle la population pourrait bien être appelée à composer à l’avenir, à en croire notre interlocutrice. Car selon les données météorologiques, une tendance à la hausse des températures est notée ces dernières années. « Des températures élevées sont associées à des taux accrus de reproduction, de développement, de survie et de piqûres des moustiques », souligne-t-elle. 

Une larve du moustique-tigre, vecteur de la dengue, met 35 jours à se transformer en adulte à une température de 15 °C contre 9 jours seulement à 30 °C (Delatte et al. 2009). « Des hivers plus chauds, ou un retard dans le début de l'hiver, seront ainsi associés à une incidence plus élevée du moustique-tigre et à un risque plus important d'épidémie au cas où des maladies véhiculées par ce dernier seraient introduites dans le pays. La population mauricienne doit donc rester vigilante, se protéger des piqûres de moustiques et prévenir la prolifération des moustiques même en hiver », affirme la responsable de la VBCD. 

Endémique

Si les moustiques-tigres ont toujours été présents dans l’île et pendant toute l’année, le virus de la dengue, lui, ne l’est pas, contrairement à la Réunion où la dengue serait endémique. Selon les explications du Dr Diana Iyaloo, une maladie transmise par les moustiques devient endémique dans une région ou un pays si des cas locaux continuent d’être enregistrés sur une période de plus d’un an.  

« Dans le cas de Maurice, nous sommes actuellement confrontés à une épidémie et les chances de limiter une épidémie sont plus élevées en hiver. C'est pourquoi nous devons agir vite et prendre les mesures appropriées pour prévenir la prolifération des moustiques. Si nous empêchons la prolifération des moustiques et nous protégeons contre les piqûres, le cycle de transmission s'arrêtera », est-elle persuadée. 

Au cas contraire, prévient le Dr Diana Iyaloo, la dengue pourrait devenir endémique chez nous pour les raisons suivantes. Primo, le moustique-tigre est répandu à Maurice. Deuxio, l’arrivée de la saison estivale en octobre favorisera sa prolifération. Et tertio, l'insecte se reproduit dans les cours des maisons, les jardins, les terrains vagues, les montagnes, les ravins et les forêts qui sont souvent inaccessibles aux officiers du département sanitaire de la Santé pour les exercices de fumigation et de larvicides. 

Des précédents

Selon notre interlocutrice, l’avènement d’une épidémie en plein hiver n’est pas une situation inédite. En 2009, une épidémie de dengue avait été observée pendant la saison hivernale. En 2015, 2019 et 2020, ce sont des épidémies apparues en été qui se sont prolongées jusqu’aux mois d’hiver.
Ce qui signifie qu’une épidémie peut surgir même en hiver, lorsque la densité de moustiques est généralement moindre. « La propagation et la persistance d'une épidémie sont cependant fortement liées à la densité de moustiques et cet hiver, l'incidence des moustiques reste relativement élevée par rapport aux années précédentes », précise la spécialiste. 

D’où la nécessité, selon le Dr Diana Iyaloo, de maximiser les efforts de démoustication cet hiver. « Cela doit non seulement impliquer des efforts concertés du ministère de la Santé et des parties prenantes, mais aussi la participation de la communauté puisque les moustiques-tigres se reproduisent et se reposent dans les cours des maisons », rappelle-t-elle. 

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Sites de reproduction : les pneus en pole position

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Les pneus et les récipients sont les endroits préférés des moustiques pour pondre.

Les pneus sont les objets où les moustiques-tigres femelles préfèrent déposer leurs œufs, indique une étude menée en juin 2023 par la Vector Biology and Control Division (VBCD). 

Lors de cette étude, 892 sites et objets divers situés dans 328 cours de maison ont été inspectés. Les objets qui contenaient le plus d’accumulation d’eau étaient les pots de fleurs (312), les déchets (241) et les seaux (239). Toutefois, c’est dans des pneus que les officiers de la VBCD ont recensé le plus de larves de moustique, soit dans 10 % des pneus inspectés.

« Nos études montrent que le moustique-tigre aime se reproduire dans des eaux plutôt propres et ombragées que l'on trouve dans les cours des maisons. Il n'aime pas pondre dans l'eau sale des caniveaux ou des drains », explique le Dr Diana Iyaloo. D’où l’importance, selon la responsable de la VBCD, de vérifier au moins une fois par semaine les soucoupes des pots de fleurs, les seaux, les pneus et autres endroits où l'eau peut stagner dans la cour.

Par ailleurs, notre interlocutrice fait ressortir que les moustiques adultes aiment se reposer dans des endroits touffus. « Alors assurez-vous que vos arbres, buissons et plantes sont bien taillés », ajoute-t-elle.

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Baie-du-Tombeau, un os dur

La région de Baie-du-Tombeau est considérée comme un site particulièrement complexe par les autorités. Les exercices de fumigation, par exemple, restent peu efficaces. « Baie-du-Tombeau est très végétalisé, avec un grand nombre de cours inaccessibles parce que leurs propriétaires sont absents du pays. Des campagnes de nettoyage sont actuellement organisées dans la région et la problématique des propriétaires absents est étudiée. La fréquence des opérations de fumigation a également augmenté dans la zone », indique le ministère de la Santé.

12 caractéristiques du moustique-tigre

  1. Seule la femelle pique (le mâle n’a pas de trompe)
  2. Un moustique peut piquer jusqu’à plus de 50 personnes durant sa vie.
  3. La durée de vie d’un moustique est de 1 à 30 jours. 
  4. Une femelle peut piquer à intervalle de 3 jours.
  5. Les moustiques piquent davantage de 5h00 à 8h30 et de 15h30 à 20h00.
  6. Ils piquent trois fois plus à l’extérieur qu’à l’intérieur.
  7. Si une femelle est importunée pendant qu’elle suce le sang d’une personne, elle ira piquer une autre personne jusqu’à ce qu’elle soit satisfaite de la quantité de sang récoltée.
  8. Un moustique infecté par le virus de la dengue le restera jusqu’à la fin de sa vie.
  9. La femelle peut pondre de 50 à 1 000 œufs.
  10. Une femelle infectée peut transmettre le virus de la dengue à ses œufs.
  11. Un œuf de moustique peut rester vivant sans eau pendant 6 mois. Lorsqu’il pleut, l’œuf éclot et la larve se développe.
  12. Il faut une semaine avant qu’un moustique atteigne l’âge adulte. 
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Les gestes à adopter

  • Garder les fenêtres et les portes fermées lorsque les moustiques sont plus actifs.
  • Si possible, rester à l'intérieur durant ces phases de la journée.
  • Opter pour des vêtements – manches longues et pantalon – de couleur claire, les moustiques étant attirés par les couleurs foncées.
  • Éviter que l’eau ne s’accumule et stagne dans des objets se trouvant dans la cour.
  • Nettoyage régulier des gouttières et des drains
  • Couvrir les réservoirs d’eau
  • Enlever l’eau des soucoupes des pots de fleurs
  • Eviter que l’eau ne s’accumule sur les toits 
  • Ne pas jeter des déchets et ramasser les pneus usagers 
  • Mettre des petits poissons dans des bassins décoratifs
  • Redoubler de vigilance après une pluie car les œufs dans le sol peuvent éclore 
  • Utiliser des diffuseurs anti-moustiques et des « sandal moustik »
  • Opter pour des crèmes et sprays répulsifs
  • Utiliser des ventilateurs et des moustiquaires

Stérilisation des moustiques mâles

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Entre 60 000 et 100 000 moustiques mâles stériles devraient être relâchés chaque semaine.

Depuis octobre 2022, le ministère de la Santé s’est lancé dans un projet pilote au Champ de Mars, à Port-Louis, lequel devrait durer un an. Il s’agit de la Sterile Insect Technique qui consiste à lâcher des moustiques mâles stériles pour supprimer biologiquement la population du moustique-tigre dans la zone.

Comment se calcule la densité de moustiques ?

Le calcul de la densité de moustiques à travers le pays est une tâche confiée à la Vector Biology and Control Division (VBCD). En temps normal, au moins deux « enquêtes » sur les moustiques sont menées quotidiennement, lesquelles peuvent être regroupées en trois catégories en fonction de l'objectif et du lieu de l'enquête.

  • Sites sentinelles. La VBCD dispose de huit « sites sentinelles » à travers le pays : Port-Louis (au port), Champ de mars, Grand-Baie, Bel-Air, Bambous, Curepipe, Plaisance (aéroport) et Chemin-Grenier. Chaque site fait l’objet d’une enquête au moins une fois par mois afin d’évaluer la distribution spatio-temporelle et l'abondance des moustiques vecteurs. 
  • Présence de virus. Des enquêtes additionnelles sont menées lorsque la présence de maladies à transmission vectorielle est notée. Ces enquêtes se font autour des foyers des personnes infectées afin d’évaluer l’efficacité des mesures de contrôle autour de ces sites pour contrer la prolifération des moustiques (fumigation et ‘larviciding’). 
  • Enquête aléatoire. Des « spot check surveys », soit des enquêtes ponctuelles sur des sites (1) choisis au hasard, (2) à la demande du public, (3) à proximité des sites où se tiennent des enquêtes pour des punaises et (4) pour récolter des moustiques à des fins de test d’insecticide. 

Une enquête pour calculer la densité de moustiques se fait en comptabilisant le taux de moustiques adultes et celui des larves sur un site :

  1. Moustiques adultes. Il y a d’abord le calcul du nombre de moustiques adultes. Pour cela, il existe deux moyens de le faire. Dans le premier cas, un officier chevronné de la VBCD agit comme cobaye et laisse des moustiques poser sur lui avant de les capturer. Il y a la méthode « hand catch » et celle du « suction tube ». Un autre moyen consiste à utiliser un appareil, la « BG Trap » où les moustiques sont attirés, puis aspirés à l’intérieur d’une sorte de cuve. La formule mathématique Man Hour Density est ensuite utilisée pour calculer le taux de moustiques adultes. 
  2. Larves de moustique. Le nombre de larves présentes sur un site est aussi calculé. Pour cela, les officiers de la VBCD inspectent divers objets contenant de l’eau et comptabilisent le nombre qu’ils y retrouvent. Le Breteau Index est ensuite utilisé pour calculer le taux de larves. « L'indice de Breteau reste relativement élevé dans les régions du Nord et du Nord-Est, notamment Baie-du-Tombeau, Roche-Bois, Terre-Rouge, Pamplemousses, Petit Raffray, L'Amitié et Lallmatie. La plupart des objets contenant des larves se trouvent dans les cours des maisons et peuvent facilement être renversés et ne nécessitent donc pas de traitement larvicide », fait ressortir le Dr Diana Iyaloo. 

Surveillance et contrôle

Lorsqu’une épidémie de dengue est confirmée, le ministère de la Santé enclenche son Integrated Vector Management Strategy. Celle-ci comporte cinq axes. L’un d’eux consiste à surveiller et contrôler les vecteurs à travers cinq actions précises :

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