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Électricité : pour une bonne gestion de l’énergie  

L'efficacité énergétique est une priorité urgente pour les spécialistes.
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Au seuil de cette nouvelle année, on se penche sur le secteur énergétique et examine les priorités visant à permettre à Maurice de diversifier son bouquet énergétique. 

Quelles  sont les priorités immédiates en matière de politique énergétique pour l'île Maurice ? Le Dr Khalil Elahee explique que la demande en électricité, due à un usage de climatiseurs énergivores surtout, risque de battre un nouveau record de plus de 510 MW cet été.  

Priorité

« La priorité immédiate est de s’assurer que la fourniture n’est pas déficitaire. Le spectre du ‘black-out’  n’existe que dans l’esprit des prophètes de malheur. Même les ‘rolling load sheddings’, ces délestages programmés sur le réseau,  ne sont pas un danger si nous arrivons à appliquer une bonne gestion de l'énergie. Cela se fait déjà au niveau de l’entretien des machines qui est repoussé pour l’hiver si  c’est réalisable. Mais il faut veiller à ne pas en abuser. C'est la priorité des priorités », estime Khalil Elahee. 

Efficacité énergétique

Pour Khalil Elahee, la priorité immédiate est de s’assurer que la fourniture n’est pas déficitaire.
Pour Khalil Elahee, la priorité immédiate est de s’assurer que la fourniture n’est pas déficitaire.

Dr Khalil Elahee poursuit que l’autre priorité urgente de la politique énergétique est la maîtrise de la demande avec l'efficacité énergétique et les économies d'énergie.  Selon l’expert en énergie, « l’Energy Efficiency Management Office (EEMO) n’a pas les moyens pour arriver à inculquer une vraie culture de la gestion de l'énergie dans le pays ».

« Cette situation de pic de la demande à gérer, particulièrement face à l’apparition des « îlots de chaleur » un peu partout, ne fait que renforcer notre dépendance sur le charbon, le kérosène et l’huile lourde. Si nous arrivons à faire face à une demande record en électricité ce n’est pas en soit à cause des photovoltaïques, de l'hydro, de la bagasse ou des batteries, mais bien parce que nous avons oublié que nous devions nous passer des énergies fossiles. C’est aussi, donc, grâce à Terra qui est de retour avec son charbon, et même l’autre  vieille centrale à charbon de St-Aubin, que nous arrivons à éviter la crise. Notre dépendance est plus grande que jamais », met en avant l’intervenant. 

Les autorités ont travaillé sur une feuille de route pour le secteur énergétique. Il est prévu d'atteindre l'objectif de 60 % d'énergies renouvelables d'ici six ans. Est-ce réalisable ? À cette question, le Dr Khalil Elahee avance que si l’objectif d’atteindre 60 % d'énergies renouvelables d’ici six ans est toujours valable, c’est parce qu’il n’y a pas d’autre chose à faire. 

« Nous ne pouvons viser plus bas, mais cela ne signifie pas que l'objectif ne sera atteint qu'en rêvant. Au fait, il faudra penser différemment », dit-il, citant l’exemple de Rodrigues qui a une pointe de seulement 8 MW. Il se demande pourquoi ne pas envisager 100 % d’énergies renouvelables pour son électricité d’ici 2030. Il indique que 8 MW, c’est moins que la capacité de batteries que nous avons ici à Maurice. 

Stratégie

« C’est moins que pour la seule et unique centrale éolienne que nous avons installée dans toute notre histoire, celle de Plaine-des-Roches. Le comble est que nous avons déjà un plan pour Rodrigues, mais la mise en œuvre fait défaut. Il est de même pour la Roadmap vers les 60 % d'énergies renouvelables qui est un excellent document. Nous pouvons discuter des détails, mais les projets identifiés sont bien là. La réalité du terrain est bien autre en termes de concrétisation. Il n’est pas trop tard pour se rattraper à condition que nous changions de stratégie », recommande-t-il. 

Défi

L’expert en énergie explique que la nouvelle stratégie est mieux expliquée en revenant à l'exemple du problème de la demande record aux heures de pointe suite aux vagues de chaleurs humides. Il ajoute que des mini-coupures ont lieu dans la capitale car les gens ne déclarent qu’une partie de ce qu’ils comptent installer au moment de faire leur requête au Central Electricity Board (CEB) pour une construction. 
« Leurs bâtiments ne sont nullement bioclimatiques. Rapidement, ensuite, ils investissent dans des climatiseurs sans normes d'efficacité, car la chaleur est insoutenable. Ceci ne fait qu’augmenter encore la demande aux heures de pointe sur le réseau du CEB, comme un cercle vicieux. Il faut veiller donc, d’abord, à ce que toute nouvelle demande soit connue d’avance, qu’elle ne soit pas cachée », se désole notre intervenant. 

Planification

Le Dr Khalil Elahee pense aussi qu’il faut planifier de sorte que la demande soit réduite, grâce, par exemple ici, à la ventilation naturelle. « Il faut qu’elle soit autant que possible fournie à partir des énergies renouvelables. Les avantages sont pour tout le monde car combien de gens achètent un climatiseur pour seulement Rs 3 000, mais ensuite dépensent presque la même somme chaque mois pour son opération qui est très énergivore. Le CEB et le pays aussi en sortiront gagnants, comme aussi l'environnement  », évoque-t-il. 

Partenariat privé-État

Dr Khalil Elahee poursuit que cette nouvelle stratégie ne peut reposer sur le gouvernement uniquement. À ses dires, les collectivités locales ont un rôle essentiel dans l’approbation  de tout projet, car la demande en énergie doit être précisée, optimisée et fournie par les renouvelables, au moins partiellement. 

« Cela s’applique à une maison mais aussi à un ‘Shopping Mall’ ou une Smart City.  Le Energy Efficiency Building Code existe, mais il dort dans un tiroir quelque part et n’est pas appliqué. Un autre stakeholder crucial est le corps des professionnels comme celui pour  les ingénieurs et les architectes. Déjà l'Université de Maurice intègre dans ses cursus le Sustainable Energy Management et offre des cours de renforcement des capacités à leur intention. Le Mauritius Institute of Directors a aussi lancé une Climate Governance Initiative et les décideurs du privé sont aussi appelés, par exemple, à intégrer l'atténuation des causes du dérèglement climatique en adoptant des énergies durables comme une ‘Corporate Policy’ », précise l’expert.

Audits énergétiques  

Il pense aussi qu’ils doivent dépasser la tentation du ‘green-washing’ et s’embarquer avec d’autres parties prenantes dans une vraie révolution énergétique durable, par exemple avec des audits énergétiques qui ne sont pas des lettres mortes, mais des opportunités de profitabilité.

Leadership

L’expert en énergie plaide de plus pour  un « leadership clairvoyant », une meilleure gouvernance énergétique et une conscience éveillée au sein de toutes les parties prenantes. « Ce qu’il ne faut pas surtout, c’est un lock-in quelconque. Hier, c'était CT Power avec le charbon et, maintenant, l’ombre du Gaz naturel liquéfié (LNG) plane toujours. De tels projets gigantesques ne profitent qu'à certains qui ont des ‘vested interests’ », prévient notre interlocuteur. 

4 D

Dr Khalil Elahee croit, par contre, que les renouvelables avec la maîtrise de la demande, ce qu’on appelle le management de l'énergie, favorise les 4 D:  Démocratisation, Décentralisation, Décarbonation et Digitalisation. « Au lieu d’octroyer des contrats à des grosses compagnies étrangères, qui n’ont pas aussi des terrains à leur disposition comme nous l'avons vu, il faut privilégier le ‘roof-top’ photovoltaïque pour de nombreux petits producteurs or ‘prosumers’. Contre les vagues de chaleur, c’est idéal car il y a de l'électricité propre sur le site même, directement à partir  du soleil qui fait si rage, au moment voulu. Au lieu d’un seul mégaprojet de 100 MW, engageons 50 000 ‘producteurs-consommateurs’ de 2 kW en accédant aux financement vert pour le climat à l'intention des plus vulnérables », préconise l’ expert en énergie.

Subvention

Il revient sur la subvention des énergies renouvelables qui ne doit plus être un tabou, car cela se fait pour les énergies fossiles. « Subventionner les énergies propres, y compris la maîtrise de la demande, à l’instar des constructions bioclimatiques, les normes sur les climatiseurs efficaces ou le ‘solar cooling’ qui existe ailleurs, est la clé pour briser cette mentalité dominante qui est de chercher à avoir toujours de l’essence ou de l'électricité à partir des énergies fossiles au meilleur prix possible », affirme-t-il. 

Karim Jaufeerally soutient que le secteur du transport demeure un véritable défi.
Karim Jaufeerally soutient que le secteur du transport demeure un véritable défi.

Il estime de plus qu’ avec l'éducation, il faut aussi ces bonnes subventions pour casser la dépendance sur les énergies importées qui nous fait trop de tort.

Karim Jaufeerally, membre de l’Institute for Environmental and Legal Studies, affirme lui qu’il faut bien faire la distinction. « Quand on parle de 60 % d’énergies renouvelables, est-ce que c’est la consommation ou la production d’électricité? 60 % d’énergies renouvelables pour le secteur électriques représentent 25 % de l’énergie consommée (25 % - électricité, 25 % - generation of heat, 50 % - transport). À l’heure actuelle, on a que 25 % à 30 % de l’électricité qui vient des énergies renouvelables. Là, on veut l’ augmenter à 60 %. Ce sera très difficile », prévient-il. 

Obstacle majeur

Il poursuit que 50 % du secteur des transports dépendent à 99 % des énergies fossiles. La question du transport, que ce soit pour les avions, les bateaux, les voitures ou les camions, représente un défi majeur. « Les décideurs semblent éviter cette problématique, qui constitue un obstacle important dans la transition énergétique. Actuellement, seul le métro utilise partiellement de l'électricité renouvelable, mais la transition vers des sources d'énergies renouvelables pour le transport en général est difficile », indique Karim Jaufeerally. 

L’intervenant ajoute que l'utilisation de véhicules électriques, tels que les bus électriques ou les camions électriques, reste peu commune. Sans parler du transport maritime qui dépend encore largement des énergies fossiles, de même que l'aviation. Selon lui, bien qu'il y ait eu quelques tentatives d'introduction de carburants d'aviation à base de biocarburants, faire voler 20 000 avions à tout moment reste un défi majeur. 

« Maurice semble incapable de réaliser une transition en dehors des énergies fossiles sans que d'autres pays ne fassent de même. La transition vers les énergies renouvelables dépend largement de ce qui se passe à l'échelle mondiale. Le secteur des transports, bien que crucial, semble être ignoré dans une grande mesure », souligne l’intervenant. 

Électrification du transport public 

Pour Karim Jaufeerally, la priorité devrait être donnée à l'électrification du transport public, en particulier l'expansion du réseau de métro électrique. « Cela réduirait la dépendance aux combustibles fossiles dans le secteur des transports. Etendre le réseau du métro aura un coût mais c’ est un bon investissement. On dépense déjà Rs 5 milliards pour la construction de nouvelles routes. On pourra générer de l’électricité de sources renouvelables », croit-il. 

Karim Jaufeerally poursuit qu’il faut passer aux énergies renouvelables, mais il est difficile de basculer complètement vers une économie moderne fonctionnant exclusivement avec ces sources d'énergie. « Des études menées au cours des 25 dernières années montrent que la transition totale vers les énergies renouvelables n'est pas réalisable pour une économie moderne. Si l'on souhaite atteindre un objectif de 100 % d'énergies renouvelables, cela nécessiterait des changements fondamentaux dans notre mode de vie. Cela impliquerait une réduction de la consommation, des voyages et des achats. Le défi réside dans le fait que notre civilisation, y compris le système financier et bancaire, est étroitement liée aux énergies fossiles. C'est un mariage, pour ainsi dire, avec l'énergie fossile, et une transition complète semble presque impossible sans un divorce radical », fait-il ressortir. 

Il cite aussi les implications qui sont nombreuses. Karim Jaufeerally mentionne qu’il est difficile d'atteindre une transition à 100 % vers les énergies renouvelables sans accepter des changements profonds dans notre mode de vie et notre infrastructure économique.

Karim Jaufeerally pense qu’il serait judicieux que le gouvernement installe un grand nombre de panneaux solaires sur les bâtiments gouvernementaux. Les bureaux administratifs fonctionnent généralement de 9 heures à 17 heures, période pendant laquelle il y a une abondance de lumière solaire. « Le gouvernement devrait être un partenaire majeur dans le secteur des énergies renouvelables en menant par l'exemple et en installant des panneaux solaires sur ses infrastructures », préconise-t-il. 

Études sur les énergies renouvelables offshore 

Karim Jaufeerally pense aussi le gouvernement pourrait jouer un rôle crucial en initiant des études pour explorer les possibilités de l'énergie éolienne offshore. Il pourrait également encourager l'exploration des énergies marines, comme l'énergie des marées. « Des investigations approfondies sont nécessaires, et le gouvernement doit donner l'exemple », conclut-il, estimant que le gouvernement joue un rôle de leader pour stimuler la transition vers les énergies renouvelables. Sa participation active est primordiale, car sans mouvement, peu de progrès seront réalisés.
 

 

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