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Financial Crimes Commission - Sanjay Bhuckory, SC : «Une entorse aux pouvoirs du DPP sous la Constitution»

La dernière émission d’Au Cœur de l’Info pour 2023 était consacrée aux dossiers controversés du GM et au rôle des institutions.

Les dossiers qui ont ébranlé le gouvernement en 2023 laissent un goût d’inachèvement. C’est du moins l’avis du Senior Counsel, Sanjay Bhuckory. Il était l’un des invités de Nawaz Noorbux et de Jugdish Joypaul pour la dernière de l’émission Au Cœur de l’Info, sur Radio Plus, hier. 

« Les scandales et le rôle de nos institutions ». C’était le thème retenu pour la clôture d’une série « Spéciale Rétrospective 2023 ». Des scandales qui ont défrayé la chronique cette année ont été abordés. Parmi, l’affaire Franklin, la Stag Party ou encore les « Vimen Leaks ». Pour l’avocat Sanjay Bhuckory, ces cas devraient être abordés de manière distincte, tout en évitant de tirer des conclusions hâtives. Le Senior Counsel parle néanmoins d’un « goût inachevé ». « Eski travay pe fer ? Pa pe fer ? Ou pa pe fer sifizaman ? On ne sait pas qui pointer du doigt », dit-il. 

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L’avocat déplore la « non-réponse » des autorités ou du gouvernement au sujet de certains scandales. « À trois reprises, vous (ndlr Nawaz Noorbux) avez demandé au policier Ashik Jagai pourquoi il n’a pas arrêté Franklin par le passé, il ne répond pas », fait ressortir l’avocat. Idem, poursuit l’homme de loi, lorsque le leader de l’opposition, Xavier Luc Duval, avait demandé au ministre Maneesh Gobin s’il était présent lors d’une fête baptisée Stag Party à proximité de Grand-Bassin. « Ziska zordi pann gagn repons », fait-il remarquer. 

L’avocat dit comprendre que le manque éventuel de preuves contre l’Attorney General pourrait expliquer pourquoi il n’aurait pas été inquiété jusqu’ici. Sanjay Bhuckory estime toutefois que là n’est pas le problème. « La question est, est-ce que des Mauriciens vont accepter qu’un de leurs représentants n’ait pas répondu à cette question ? » se demande-t-il. 

Et au sujet des « Vimen Leaks », Me Sanjay Bhuckory se demande où en est l’enquête de police. « Je ne demande pas qui est coupable, ou pas. Mais, il faut un ‘update’ », estime-t-il. Pour le Senior Counsel, des institutions telles que la police, l’Independent Commission Against Corruption (ICAC), etc., devraient désormais être appelées à faire des « comptes rendus » réguliers. Ce, sans avoir à passer par le Parlement, à travers des questions parlementaires. Un « devoir », selon lui, envers le public ainsi que la presse, qui a permis de mettre en lumière plusieurs scandales. 

Pour l’observateur Malenn Oodiah, « un scandale en chasse un autre ». « Kouma dir ou pe get fim lor Netflix. Et nous finissons par occulter les problèmes de fond », considère-t-il. Malenn Oodiah dénonce le « trop » de pouvoirs concentrés dans les mains du Premier ministre, ce qui ne permettrait pas, selon lui, à des institutions de fonctionner de manière indépendante. « Nous constatons l’intervention de l’exécutif dans des institutions, ce qui ne permet pas à celles-ci de fonctionner correctement », a-t-il déclaré. 

Il se réjouit toutefois de la présence de la presse qui est bien « vivante » et qu’il considère de « fondamentale » dans le pays. « Il faut maintenant veiller à ce que la presse puisse continuer à faire son travail.

FCC : Nomination

La nouvelle Financial Crimes Commission (FCC), dont le projet de loi a été voté au Parlement cette semaine, a été abordée en deuxième partie de l’émission. L’avocat Sanjay Bhuckory s’est, dans un premier temps, appesanti sur le mode de nomination du futur directeur général. Le Senior Counsel propose une « Judicial Appointment Commission », calquée sur le modèle britannique, qui pourra aussi servir à faire des recrutements importants dans d’autres institutions, corps paraétatiques, voire le judiciaire, etc. « Cette commission est composée de 15 personnes et pour figurer parmi les membres, il faut passer par un exercice d’appel à candidatures et être sélectionné », dit-il.  Parmi, il y a des personnes de tous bords. « En 2022, le Chairman était un ingénieur. Cette année, c’est une Corporate Director », souligne-t-il. Selon lui, ce comité viendra résoudre les problèmes soulevés par des recrutements et des nominations.

Me Sanjay Bhuckory se désole qu’avec la FCC, son directeur ne sera pas tenu de soumettre des dossiers d’enquête au bureau du Directeur des Poursuites Publiques si la FCC décide de ne pas donner suite à une enquête. Ce qu’actuellement l’ICAC est contraint de faire sous la section 47(6) de la Prevention of Corruption Act (PoCA). « En d’autres mots, le DPP ne pourra intervenir aussi longtemps que la FCC ne loge pas l’affaire en cour », souligne-t-il. Et même lorsqu’une affaire sera logée par la FCC, Me Sanjay Bhuckory se pose des questions de ce qu’il adviendra d’un cas dont la charge a été mal rédigée par la FCC ou que le dossier n’est pas bien ficelé. Ce qui, selon l’avocat, ne permettrait pas au DPP d’exercer pleinement ses pouvoirs sous la section 72 de la Constitution. « C’est une entorse aux pouvoirs du DPP sous la Constitution », fait-il ressortir. Pour l’avocat, le DPP dispose à la fois du « locus standi » et des matières nécessaires pour contester la constitutionalité des pouvoirs de la FCC. 

Quant à Malenn Oodiah, il dit appréhender une « nouvelle crise institutionnelle » avec l’avènement de la Financial Crimes Commission. « Pour moi, il s’agit d’un coup d’État constitutionnel », avance l’observateur. Et d’ajouter : « Pou mwa, se enn min miz lor pouvwar DPP ».

2024

Malenn Oodiah est d’avis que le pays ferait face actuellement à des « moments graves », parlant d’une « crise » globale, institutionnelle et systémique qui toucherait de nombreuses institutions. « Je suis effrayé de la dynamique que toute cette affaire a pris », lance-t-il. L’observateur tient, pour cela, le Premier ministre comme responsable. Il estime aussi que l’année 2024 sera « l’année de tous les dangers », du fait de la tenue des prochaines élections générales. « Je pense que nous sommes dans une situation de guerre, du moins interne. D’un côté, il y a ceux qui ont choisi l’autocratie avec des pouvoirs absolus. De l’autre, il y a ceux qui sont attachés aux valeurs démocratiques, la liberté d’expression et d’opinions, les droits, etc. Et il est important que nous empêchions cette dérive vers l’autocratie », prévient-il. 

Quant à Me Sanjay Bhuckory, il considère comme une « importance capitale » que les institutions fonctionnent de manière transparente et indépendante. « Sans cela, nous n’aurions plus de repères et tout deviendra possible », craint-il. Le Senior Counsel dit cependant avoir une « foi inébranlable » dans le judiciaire, que ce soit comme avocat ou comme citoyen. « À chaque fois qu’il y a un [une perception] excès ou abus, vous pouvez saisir la Cour suprême pour trancher. (…) Cela permet de vraiment assainir la situation. C’est parfois un mal nécessaire de passer par ces remous », estime l’avocat. 

 

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