Interview

Good Governance and Integrity Reporting Bill - Me Antoine Domingue: «Un chantage constitutionnel aux citoyens»

Le Good Governance and Integrity Reporting Bill remet-il en question le principe de burden of proof ? Il est vrai de dire que le Good Governance and Integrity Reporting Bill renverse la charge de la preuve. Mais le « reverse burden of proof » en soi n’est pas un problème. Il existe plusieurs jugements du Judicial Committee de Londres qui en font état. De plus, Bertrand de Speville, Anti-Corruption consultant de Speville & Associates, en parle dans un papier présenté à la 8e “International Anti-Corruption Conference”. Il faut comprendre que ce projet de loi ne criminalise pas le fait d’avoir des biens inexpliqués. Or, un délit pénal est caractérisé par un acte, une omission ou une situation de complicité. Avec ce texte de loi, aucun de ces éléments n’existe. Le texte vise une situation de fait et c’est pour cette raison que je dis que le Good Governance and Integrity Reporting Bill ainsi que les amendements constitutionnels vont trop loin. Ils risquent de ne pas être efficaces.

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L’Integrity Reporting Services Agency et le Board auront-ils trop de pouvoirs ? La question des pouvoirs de ces institutions est secondaire. On ne peut punir les citoyens sans qu’ils n’aient commis une infraction. L’ordonnance de confiscation que prévoit le projet de loi est une sanction. Cela donnera le pouvoir à des bureaucrates de s’emparer des biens des citoyens. Il n’y a aucune garantie que ces bureaucrates, qui seront sous le contrôle direct d’un ministre, soient indépendants. On se dirige vers une interface entre le ministre et les employés d’une institution qui auront des pouvoirs étendus qui touchent à plusieurs piliers de la Constitution. Quels risques que cette loi soit utilisée comme un outil politique à l’avenir ? La façon dont le texte de loi a été rédigé, je ne peux en déduire autrement. Le gouvernement ne sait pas comment utiliser sa majorité des trois quarts. Et je dis cela dans son intérêt. Serait-il mieux d’amender les lois existantes pour combattre la fraude et la corruption ? C’est justement ce qu’il fallait faire. Il y a une intention “to exercise a constitutional blackmail on the citizens of Mauritius”. À quoi bon une clause de confidentialité quand il y a déjà une Official Secrets Act ? Il y a des principes beaucoup plus fondamentaux que la clause de confidentialité. Plusieurs hauts fonctionnaires auront un devoir statutaire de rapporter des cas d’enrichissement suspect. Cela met-il en péril les droits fondamentaux des citoyens ? Je dois avant tout préciser que je ne suis pas contre une loi pour combattre l’enrichissement illicite. Mais il faut le faire selon les procédures et dans le respect des droits constitutionnels garantis par la loi suprême du pays. On va demander aux citoyens d’expliquer la provenance de leurs biens et s’ils ne le font pas dans un délai de 21 jours, ils commettent un délit pénal et risquent la prison. Où est passé le droit constitutionnel au silence ? On veut priver les citoyens en général de leurs droits au silence et de la présomption d’innocence. Que pensez-vous du fait que le gouvernement veuille soustraire l’Asset Recovery Unit de l’autorité du DPP pour celle de la FIU ? Je ne vois pas l’utilité de placer l’Asset Recovery Unit sous la tutelle de la Financial Intelligence Unit (FIU). Celle-ci existe dans plusieurs pays au monde et elle s’occupe des « renseignements » qu’elle transmet aux autorités concernées. La FIU ne peut devenir une “enforcement authority” et ne peut se substituer au Directeur des poursuites publiques (DPP). C’est une tentative de subvertir le système pour outrepasser les pouvoirs du DPP.

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