Société

Journée contre la violence envers les femmes: la torture conjugale aux multiples visages

Ce mercredi, est célébrée la Journée contre la violence envers les femmes, avec l’accent sur  les différentes formes de violence qu’elles subissent au foyer… Des Mauriciennes racontent leur calvaire. De nombreuses femmes sont victimes de violences verbales, physiques, sexuelles et économiques. Alors que certaines souffrent en silence, d’autres préfèrent sortir de leur mutisme pour dénoncer leur conjoint ou leur agresseur et trouver des solutions pour sortir de ce cycle infernal. Certaines, paniquées, ont même tenté de mettre fin à leurs jours pour échapper à la violence. Elle est victime de violence conjugale. Vanida Mootoosamy se bat contre vents et marées pour échapper aux griffes de son agresseur. Cette femme entrepreneure de 29 ans qui dit ne plus avoir peur, témoigne à visage découvert. Elle encourage d’autres victimes à faire de même. « Une semaine après mon mariage, alors que j’avais 25 ans, j’ai vécu une très mauvaise expérience. Coups, harcèlement et humiliations… Mon mari me frappait avec toutes sortes d’objets sans se soucier des conséquences », raconte Vanida Mootoosamy.  « J’ai quitté le toit conjugal pour trouver refuge chez mes parents. Et, là, il me harcelait. Après un certain temps, je suis retournée à la maison, car il m’avait promis qu’il changerait de comportement. Deux jours à peine après notre réconciliation, il m’a obligée à regarder des films avec lui jusqu’à fort tard dans la nuit. Je devais cuisiner à trois ou quatre heures du matin. Il me crachait dessus », dit-elle. Cette humiliation était inacceptable. Vanida décide alors de demander de l’aide auprès de ses parents et de GenderLinks. Grâce à cette organisation, elle a bénéficié des services d’un psychologue. Elle a suivi des cours d’entrepreneuriat et, aujourd’hui, elle crée des cartes de visite qu’elle vend. La directrice de GenderLinks, Anushka Virasawmy, salue l’initiative de Vanida Mootoosamy. « La situation est difficile. Au travail, nous avons noté deux cas. Dépourvues d’un encadrement convenable, des femmes n’arrivent pas à mettre fin à ce cycle infernal. Elles font aussi face à l’inégalité des chances, notamment pour les logements sociaux. Par manque d’information, elles ne parviennent pas à résoudre leurs problèmes. Elles doivent se rendre à droite et à gauche pour des démarches, d’où l’importance de lancer une ‘One Stop Shop’ pour qu’elles puissent avoir accès aux renseignements importants », affirme-t-elle. Des séances de formation et un meilleur encadrement sont également essentiels pour la famille. Outre la violence domestique, la violence verbale est très répandue dans la société et peut causer la dépression chez les victimes.

Insultes, injures et mots blessants

Pour sa part, Amina K. estime que la violence verbale a des répercussions plus néfastes. Il m’insulte et m’accuse de lui être infidèle. « Mon mari travaille dans le secteur public où il est un parfait ‘gentleman’. Il se flatte de ne m’avoir jamais frappée en douze ans de vie commune. Mais, ces paroles blessantes m’ont poussée à une tentative de suicide, il y a deux ans. Je n’en pouvais plus. Quand il me voit en larmes, il me ridiculise. « Bez to sime ale, ou al mor », dit-il. Il ne me laissera jamais vivre en paix. « Mais je n’ose partir ». Pour le psychothérapeute Sam Coomar Heeramun, la violence verbale est banalisée. « Les mots peuvent causer des dégâts émotionnels chez les hommes comme chez les femmes. L’humiliation permet de nuire à la réputation d’une personne. Comparé à la violence physique, il n’y a pas de trace visible mais les mots blessants peuvent aggraver la situation, menant à la dépression ».  

Violences sexuelles

La violence sexuelle ajoute également au calvaire de nombreuses femmes, dont certaines sont fréquemment victimes de viol conjugal. Personne n’en parle de peur de porter atteinte à l’intimité du couple. Pourtant, le viol est considéré comme un délit, selon la section 249 du code pénal. Les victimes recherchent protection et réconfort auprès de la famille. Après le mariage, certaines sont contraintes de subir des sévices sexuels. Selon le sociologue Pavi Ramhota, le viol conjugal reste un sujet tabou à Maurice. « Des femmes sont sodomisées et agressées sexuellement par leur époux, et les cas ne sont pas rapportés à la police », relate-t-il. « Certains obligent leurs épouses à avoir des relations sexuelles contre leur gré quand ils sont sous l’influence de l’alcool ou encore les forcent à visionner des films pornographiques », affirme-t-il.  
   

Témoignage de France: une Mauricienne défigurée à l’acide sulfurique par son ex-mari

  [[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"4942","attributes":{"class":"media-image alignleft size-full wp-image-8133","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"300","height":"350","alt":"T\u00e9moignage de France"}}]]«Je me suis mariée à 19 ans. Un ami de mes grands-parents m’avait présentée à mon futur mari. Un mois après le mariage, je me suis envolée pour La Réunion. Quand j’y suis arrivée, la famille de mon mari a tout de suite montré qu’elle ne m’aimait pas et m’insultait. J’avais tout raconté à ma mère qui m’a interdit de retourner à Maurice. Ce serait une honte pour la famille surtout que j’étais enceinte. Je prenais des médicaments antidépressifs. Le suicide semblait être la seule solution pour moi. Je n’avais aucun moyen financier pour m’en sortir. J’étais prisonnière », dit Renuka Ramasawmy, 48 ans aujourd’hui, défigurée à l’acide sulfurique par son ex-mari. Son mari l’empêchait de sortir, et l’accusait de relations extraconjugales. « Je travaillais alors avec lui et il me traitait en esclave. J’ai demandé le divorce qu’il a refusé, disant qu’il préférerait me tuer ». Un soir, il avait aspergé la maison d’essence avec, semble-t-il, l’intention d’y mettre le feu. « J’ai ainsi trouvé le tuyau d’arrosage. Le lendemain, j’ai brisé la tirelire des enfants pour me rendre au tribunal. Quand les gendarmes sont arrivés sur les lieux, ils m’ont dit qu’il voulait me traumatiser, mais, il n’avait aucune intention de me tuer. J’ai dû retourner vivre avec les enfants. Les amis ne voulaient plus m’aider car ils avaient peur de mon mari ». Le 28 février 1994, il est venu chercher les passeports et les autres documents mais il les a brûlés. « Il savait que je faisais des démarches pour retourner au pays. Quand j’ai tenté de l’empêcher, il m’a jeté de l’acide sulfurique au visage, en présence de ma fille de six ans. Je me suis cachée les yeux et j’ai commencé à hurler ». « Je suis restée à l’unité des grands brûlés de l’hôpital pendant deux mois, avant d’aller en France pour recevoir d’autres soins. Pendant mon séjour à l’hôpital, il a entrepris des démarches. Il a prouvé qu’il était atteint de troubles mentaux. Après un long combat, j’ai réussi à obtenir le divorce. Aujourd’hui, je vis en France et viens très souvent à Maurice ».  
   

Megane Marie de Passerelle Women Centre: « La prise en charge des victimes est une priorité »

 
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/div> L’association Passerelle ouvrira bientôt les portes d’un centre de refuge d’urgence pour accueillir les femmes en détresse. « Il faut revoir notre politique de ‘response’ pour leur venir en aide. Une femme en danger tente tant bien que mal de trouver refuge dans un abri d’urgence. La victime qui souhaite être en sécurité a le temps de mourir. Son agresseur peut à loisir lui faire du mal. Passerelle viendra à leur rescousse et leur proposera d’autres services également », affirme Mégane Marie, bénévole de l’association.  Le centre devrait être opérationnel dès 2016. [row custom_class=""][/row]  
   

Aurore Perraud, ministre de l’Egalité des genres: « Il faut simplifier les procédures »

 
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Les victimes sont-elles bien encadrées à Maurice ? Au niveau du ministère, un important travail est fait pour parer à toute éventualité. Pour améliorer nos services, nous travaillons en collaboration avec les opérateurs téléphoniques afin d’assurer à ce que tous les services hotlines sont gratuits. Il est inacceptable qu’une femme ne puisse nous envoyer un appel de détresse en n’importe quelle circonstance. Autrefois, le ‘Family Support Bureau’ et la ‘Police Family Protection Unit’ ne travaillaient pas en équipe. L’un disposait de six bureaux à travers le pays et l’autre, sept. Les victimes se rendaient dans des centres, sans pouvoir bénéficier de services appropriés. Désormais, les mêmes services sont proposés dans treize bureaux. Il faut simplifier les procédures. Des logements sociaux doivent être offerts aux femmes vulnérables, victimes de violence économique. Ces logements ne seront pas des dortoirs, mais des maisons familiales. Nous sommes en phase de discussion avec le ministère concerné. Une victime ne doit pas devoir retourner à la maison où elle a été victime de viol ou violence.  De janvier 2015 à ce jour, 2 375 cas de violence domestique ont été rapportés à la police et 3 534 au Family Support Bureau. La Gender Unit accueille-t-elle hommes et femmes ? Les hommes sont aussi des victimes. Ils sont les bienvenus chez nous. Ils seront accueillis avec beaucoup de respect et de dignité sans discrimination. Les hommes battus n’avouent pas qu’ils sont victimes de maltraitance. Nous les encourageons à briser le silence.
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