Société

Légalisation - Cannabis : un débat qui n’en finit pas

La vente de la marijuana devrait bientôt être légale au Canada. C’est ce qu’a fait ressortir son gouvernement, qui compte présenter un projet de loi l’année prochaine. Le débat sur la légalisation du cannabis est donc relancé sous nos latitudes. Plusieurs pays se prononcent en faveur de son officialisation. Quel est l’impact de cette mouvance internationale sur Maurice ? Le Canada pourrait devenir, l’année prochaine, l’un des plus grands pays occidentaux à autoriser l’usage généralisé de la marijuana. En effet, le gouvernement canadien présentera un projet de loi en 2017 pour la légalisation de cette drogue. Toutefois, Jane Philpott, ministre de la Santé du pays à la feuille d’érable, a promis de garder la marijuana hors de portée des enfants. Elle a aussi assuré que ce ne sera pas un marché lucratif pour les barons de la drogue. Le Canada est loin d’être une exception : plusieurs pays à travers le monde ont déjà légalisé la marijuana, considérée comme une drogue douce, pour un usage récréatif ou thérapeutique (voir infographie). Où se situe Maurice dans ce débat ? Depuis plusieurs années, des organisations non gouvernementales (ONG) militent pour la légalisation du gandia. Pour Selven Govinden, porte-parole du Cannabis Legalization And Informative Movement (Claim), notre pays est très en retard en raison, dit-il, de la lenteur des autorités mauriciennes à prendre une décision à ce sujet. Le porte-parole de Claim insiste pour la légalisation du cannabis, et non pour la dépénalisation. Il souligne qu’une légalisation contrôlée aura des retombées positives sur l’ensemble de la population. « De nombreuses recherches ont démontré que le cannabis ne peut être considéré comme une drogue dure. Or, à Maurice c’est toujours le cas. Ce qui est tout à fait contraire aux idées de développement que projette le gouvernement. Nous sommes convaincus que cette légalisation aura pour effet immédiat la régression de la toxicomanie à Maurice. En outre, elle aidera le gouvernement à venir à bout des drogues synthétiques qui font des ravages parmi les jeunes. »

«Perception erronée»

Selven Govinden précise que les paramètres devront être les mêmes que pour le tabagisme et l’alcool. Il souligne que si Maurice veut être un pays moderne, il devra aussi se mettre à jour sur le plan légal. « Il ne suffit pas de légaliser. Il faut  aussi régulariser et éduquer. En collaboration avec des associations, les autorités doivent rencontrer les parents et les élèves pour les sensibiliser. La répression ne mène à rien. Bien au contraire, il y aura un carnage social si on n’évolue pas avec le cadre légal », fait-il valoir.
Véronique Le Clézio, présidente de l’association ViSa, qui milite pour une meilleure qualité de vie sans tabac depuis plus de 14 ans, ne partage pas cet avis. Si elle concède que les peines encourues par les consommateurs de cannabis sont parfois lourdes et injustes, elle est néanmoins catégorique : « Pas question de légaliser le cannabis à Maurice. »
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Manifestation et concert

Le Cannabis Legalization And Informative Movement (Claim) et le Grup zistis universel (GZU) tiendront une manifestation pacifique le 1er mai à Beau-Bassin. Cet événement sera suivi d’un concert gratuit.

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Elle affirme que notre pays doit avoir sa propre identité et conteste le raisonnement selon lequel le cannabis ne représente pas un danger car il n’est pas une drogue dure. « Je ne vois pas en quoi la légalisation peut être bénéfique pour les Mauriciens, et surtout pour la jeunesse mauricienne. Elle serait synonyme de consommation accessible. La perception que le cannabis ne fait pas de tort est erronée », souligne Véronique Le Clézio. Notre interlocutrice est d’avis qu’il faut avoir des interdits pour qu’une société fonctionne correctement. « La plupart des consommateurs de gandia fument des cigarettes. De plus, c’est un paradis artificiel et les dégâts seraient immenses si Maurice adoptait une telle législation. La situation est la même dans tous les pays où le cannabis a été légalisé, qu’on le veuille ou non. Tous les consommateurs sont pareils. »
 

Kunal Naik, du Collectif Urgence Toxida:  «La régularisation permet d’éliminer le marché noir»

À Maurice, la population n’est pas assez informée sur les politiques concernant les drogues. La majorité des gens ne font pas la différence entre dépénalisation, décriminalisation et légalisation. Le Communications & Advocacy Officer du Collectif Urgence Toxida (Cut), Kunal Naik, affirme que seuls ceux qui sont informés comprennent le pourquoi de la légalisation, ou plutôt la régularisation. « La régularisation permet d’éliminer le marché noir et de contrôler la qualité du produit en vente. L’Uruguay est le seul pays au monde qui a régularisé le cannabis. Et c’est l’État qui en contrôle la production et la vente à travers des centres agréés. C’est important de comprendre que la vente est contrôlée, ce qui fait que seules les personnes majeures peuvent s’en procurer. Dans ce modèle de marché régularisé, les mineurs n’auraient pas accès au cannabis. La vente est aussi faite selon des quotas stricts pour éviter que la drogue ne se retrouve sur le marché noir », explique -t-il. L’ONG Cut demande aux autorités de revoir les politiques en matière de drogue. Elle souhaite que le gouvernement réunisse des gens dans le domaine pour étudier ce qui se passe dans d’autres pays et les retombées positives des mesures comme la décriminalisation de toutes les drogues au Portugal il y a plus de 15 ans. « Après avoir bien étudié les différents modèles, Cut penche pour la décriminalisation des drogues pour que les consommateurs ne soient plus criminalisés. 70 % des personnes qui sont en prison à Maurice à cause des délits liés aux drogues sont de simples consommateurs et non des trafiquants. Tant que le cannabis reste illégal à Maurice, des gens souffrant notamment de certains cancers ou d’épilepsie ne pourront bénéficier des bienfaits du cannabis médical », souligne Kunal Naik.
 

Questions à Imran Dhannoo, responsable du centre Idrice Goomany: «Maurice n’est pas prêt»

[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"15902","attributes":{"class":"media-image alignleft size-full wp-image-26840","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"278","height":"338","alt":"Imran Dhannoo"}}]]Votre constat sur ce qui se passe au Canada ? Il est vrai qu’il y a une mouvance internationale et plusieurs associations souhaitent que la légalisation du cannabis soit une réalité à Maurice. Or, nous devons agir en tenant compte du contexte. Nous devons savoir quelle stratégie de plaidoyer élaborer. Nous ne devons pas oublier que le cannabis est une substance psycho-active néfaste pour les mineurs. N’allons-nous pas encourager la dépendance physique des gros consommateurs de cannabis ? J’estime que Maurice n’est pas prêt en termes de conscience collective. Pensez-vous que l’interdiction du cannabis encourage la consommation de drogues synthétiques ? Il s’agit d’une fausse corrélation. En effet, les Mauriciens ne sont pas prêts à accepter l’idée de la légalisation. Il faut regarder le problème des drogues de synthèse différemment. Même si nous légalisons le cannabis, cela n’empêchera pas la consommation d’autres drogues. Nous avons introduit la méthadone car il y avait d’importants dégâts et nous ne pouvons prendre le risque de légaliser le cannabis. Que faut-il faire dans ce cas ? Nous sommes plutôt pour la décriminalisation du cannabis dans un premier temps. Notre priorité devrait être de revoir les lois. Les personnes qui ont consommé du cannabis la première fois ne doivent pas être condamnées et leur certificat de moralité ne doit pas en faire mention. À Maurice, nous avons environ 200 000 consommateurs récréationnels. Ils ne doivent pas être emprisonnés, mais plutôt envoyés dans un centre de soins. Ce n’est pas un crime de consommer du cannabis, mais c’est la santé publique qui est affectée. D’ailleurs, nous souhaitons que la commission d’enquête sur la drogue dégage des solutions durables.
 

L’avis des Mauriciens 

Yuvhana Bhiwa, 28 ans: «Les jeunes consommeraient moins de drogues synthétiques»

« Si le cannabis est légalisé, les jeunes consommeraient moins de drogues synthétiques. De plus, le cannabis n’est pas offensif et ne nuit pas à la société. Les consommateurs de cannabis sont calmes. Il n’y pas d’effets secondaires sur la santé. Il y a même des études qui démontrent que le cancer peut être guéri avec le cannabis. »

Vishal Hosanee, 35 ans: «Il y aura des abus»

« Bien que le cannabis soit une drogue douce, il ne doit pas être légalisé. On n’est pas lucide quand on en consomme. Bon nombre de consommateurs de drogues prennent le volant et mettent en péril leur vie et celle des autres. Et si le cannabis est légalisé, il y aura des abus. Les autorités ne pourront contrôler les trafiquants. »

Kinsley Clair, 25 ans: «Nous sommes en retard»

« Il n’y aura que des avantages si le cannabis est légalisé à Maurice. Bon nombre de touristes estiment que nous sommes en retard en ce qui concerne la légalisation de cette drogue douce. On ne meurt pas en consommant du cannabis de manière responsable. Les autorités dépensent une forte somme d’argent pour l’achat de médicaments. L’usage médical de cette drogue doit être considéré à Maurice. »

Dans le monde

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Usage Thérapeutique

De nombreux pays et états autorisent l’usage thérapeutique du cannabis sous forme de médicaments : l’Italie, l’Allemagne, la Belgique, la Suisse, Israël, la Roumanie, la Slovénie, la Russie et plusieurs États des États-Unis. En Australie, le cannabis est illégal mais décriminalisé dans quelques États, dont le Sud du pays. Un ou deux plants peuvent être cultivés pour usage personnel.    
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