Interview

Maladies rénales - Dr Zaher Gendoo néphrologue : «Le dépistage précoce pour un meilleur traitement»

Le dépistage. Tel devrait être le maître mot à l’occasion de la Journée mondiale du rein, le 9 mars. C’est ce que prône le Dr Zaher Gendoo, néphrologue à l’hôpital Apollo Bramwell.

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Les maladies du rein sont nombreuses. Avant d’aborder le sujet, pouvez-vous nous rappeler les fonctions de cet organe ?
Les reins ont une fonction bien importante. Ils ajustent les électrolytes c’est-à-dire la quantité de produits ainsi que la quantité d’eau qu’il y a dans le corps pour les garder ou les éliminer. Ils jouent ainsi un rôle purificateur et font partie intégrante de l’appareil urinaire. Les reins ont aussi une fonction hormonale.

Qu’est-ce qui peut empêcher un rein de jouer son rôle ?
Il y a les maladies secondaires telles le diabète et l’hypertension qui sont les deux maladies qui peuvent avoir une incidence dans la production de l’urine. Mais il y a aussi les infections, les maladies génétiques, héréditaires telles la cystite et le syndrome de l’Alport par exemple). Les maladies urologiques comme les calculs rénaux (pierres) ainsi que les maladies métaboliques peuvent aussi causer des problèmes.

Parmi les maladies du rein, on peut également citer la glomérulonéphrite qui est considérée comme une maladie primaire. Elle n’a pas de causes spécifiques, mais peut affecter le rein tout comme celles qui peuvent causer des obstructions soit par des pierres ou par la prostate et les tumeurs.

De nombreuses personnes souffrent d’infections urinaires, quelles peuvent être les conséquences de cette maladie ?
L’infection urinaire peut causer des problèmes de néphrite chronique. Cela concerne particulièrement les femmes qui n’ont pas porté une grande attention à une infection urinaire. Surtout si à la base il y avait une malformation. C’est ce qui fait que certaines femmes ont des infections urinaires à répétition jusqu’à ce que cette infection touche les reins en entraînant une néphrite chronique et une insuffisance rénale.

Pourquoi cette infection touche-t-elle les femmes en particulier ?
Par pudeur, certaines femmes n’osent pas dire qu’elles ont un problème, sauf quand cela devient grave et qu’elles ont de la fièvre. Mais quand il s’agit d’une simple infection, elles ont tendance à la banaliser ou bien cela passe inaperçu.

Est-ce que ces maladies rénales surviennent à un âge spécifique ?
On peut avoir une maladie des reins à n’importe quel âge. Il y a des enfants qui naissent avec des malformations aux reins et qui ont des problèmes autour de l’âge de 5 ou 10 ans comme le syndrome néphrotique. D’autres peuvent être affectés par des maladies héréditaires comme le syndrome de l’Alport ou cystite qui peut commencer à l’adolescence.

À partir de la cinquantaine, ceux qui souffrent du diabète ou de l’hypertension peuvent avoir des problèmes aux reins, alors que ceux âgés de 60 ans et plus peuvent développer un cancer du rein, des myélomes, une glomérulonéphrite secondaire. Les infections urinaires ou d'autres infections peuvent causer une septicémie et ainsi affecter les reins qui sont des organes très sensibles.

Quels sont les facteurs de risque de ces maladies. Vous avez mentionné le diabète, l’hypertension artérielle, les maladies cardiaques. Est-ce qu’il y en a d’autres ?
Il y a la cigarette et la surconsommation de boissons alcoolisées qui diminuent la résistance des reins et causent des problèmes.

Les maladies des reins sont considérées comme silencieuses, peut-on quand même les prévenir ?
Il y a des maladies qui ne peuvent être prévenues. Si on les a détectées à travers un test de dépistage, on peut les soigner. Le dépistage devrait être fait surtout s’il y a des symptômes de la néphrotique avec des gonflements et des infections urinaires qui nécessitent des examens. Le dépistage pourrait se faire chez les enfants en milieu scolaire en cherchant les protéines ou la présence de sang dans l’urine et ainsi permettre un dépistage précoce.

«L’avantage d’une transplantation rénale c’est que cela va éliminer de facto les sessions de dialyse pour ceux souffrant d’insuffisance rénale»

Est-ce que le dépistage devrait se faire quand il y a des symptômes ou de façon systématique ?
S’il n’y a pas de symptômes cela n’est pas nécessaire. Mais si un enfant a été malade et qu’il a été hospitalisé, c’est une occasion à saisir pour faire des investigations supplémentaires en examinant son urine et faire un dépistage.

Arrivé à un certain âge il est bon de faire des check-up, soit à partir de 20 ans, s’il n’y a pas eu d’autres problèmes antérieurs. Et on peut renouveler l’exercice chaque cinq ans.

Qui sont ceux qui devraient songer à faire ce genre de test de dépistage en priorité ?
Ceux qui ont des antécédents familiaux du diabète ou qui des proches qui souffrent de l’hypertension. Ceux qui ont un taux de cholestérol élevé devraient aussi prendre des précautions et faire un test de dépistage ainsi que ceux qui ont des proches qui ont une cystite ou qui sont morts d’une maladie rénale.

Qu’en est-il de ceux qui ont des infections urinaires à répétition ?
Ils doivent faire des check-up, une cystoscopie ou des examens ultrason ou échographie pour chercher pourquoi ces infections sont récurrentes.

Vous avez mentionné le cholestérol. Le thème de la Journée du rein est « Rein et obésité, une vie saine pour des reins sains ». Pouvez-vous nous expliquer quel est le rapport entre le rein et l’obésité ?
L’obésité est un des facteurs de risque important. Si l’indice de masse corporelle d’une personne dépasse 30, elle est à risque. Si c’est à 40, il y a définitivement un problème. Mais de manière générale, quand on a un excès de poids, cela a une incidence non seulement sur les reins mais les autres organes également comme le cœur.

Beaucoup de personnes souffrent d’insuffisance rénale à Maurice et doivent avoir recours aux sessions de dialyse. Pouvez-vous nous expliquer l’importance de cela ?
La dialyse est destinée aux personnes qui souffrent d’insuffisance rénale au stade 5 (phase terminale). Leurs reins ne fonctionnent pas normalement, 90 % des reins étant affecté. Les 10 % restants ne peuvent assumer les fonctions qu’elles auraient dû assumer comme l’élimination de ce qui n'est bon pour l'organisme. Les sessions de dialyse servent donc à suppléer à la fonction des reins. C’est un traitement à vie s’il n’y a pas de transplantation ou si le patient n’est pas éligible à une greffe.

La transplantation est une option à envisager pour ceux qui peuvent trouver un donneur compatible ou si on peut effectuer un prélèvement cadavérique. La personne peut alors être placée sur une liste d’attente et recevoir la greffe par la suite. Là il n’aura plus besoin de sessions de dialyse.

«Il faut prendre en considération les facteurs de risque et faire des check-up médicaux et des traitements réguliers...»

La loi concernant les dons d’organe va connaître des changements pour justement favoriser les dons. En quoi cela va-t-il aider les personnes souffrant d’insuffisance rénale ?
L’avantage d’une transplantation rénale c’est que cela va éliminer de facto les sessions de dialyse pour ceux souffrant d’insuffisance rénale. Sa qualité de vie va ainsi s’améliorer, car les sessions de dialyse doivent se faire plusieurs fois par semaine, à raison de quatre heures par session, c’est pénible. Cela peut lui prendre une demi-journée à chaque fois et avoir une incidence sur son travail. Avec la transplantation rénale, le malade redeviendra autonome. Les coûts vont aussi diminuer, car une fois une transplantation rénale effectuée il n’y a qu’un suivi médical régulier à effectuer alors que les sessions de dialyses coûtent cher.

Qu’elles sont les complications associées aux autres maladies des reins ?
Cela peut entraîner des problèmes cardiaques, diverses infections, la malnutrition, la dépression. Dans certains cas, ceux qui n’ont pas encore subi des sessions de dialyse peuvent connaître un affaiblissement des os, c’est la dystrophie osseuse.

Est-ce qu’il y a moyen d’éviter cela. Certains évoquent une consommation régulière d’eau.
Ce n’est pas un traitement mais c’est bon de la consommer à volonté. Cela va aider à éliminer les impuretés dans le corps à travers l’urine, mais ne va pas garder un rein sain. Quand on ne boit pas suffisamment de liquide, cela entraîne la déshydratation et provoque un problème d’insuffisance rénale aiguë mais pas chronique. Un des signes de la déshydratation c’est une urine jaunâtre.

Ce qu’il faut c’est prendre en considération les facteurs de risque et faire des check-up médicaux et des traitements réguliers pour retarder ou diminuer la progression des maladies rénales. Mais il y a des maladies qu’on peut guérir avec des médicaments et d’autres pas.

Les médicaments sont utilisés pour divers traitements. Peuvent-ils aussi être la cause de certaines maladies rénale ?
Certains sont effectivement toxiques pour les reins. Il faut les utiliser avec précautions et bien suivre les recommandations de son médecin. Il est bon de boire beaucoup d’eau également quand on prend des médicaments.

Rein et obésité

La Journée mondiale du rein est observée ce 9 mars. Il a pour thème cette année « Rein et obésité, une vie saine pour des reins sains ». Pour le Dr Gendoo, c’est l’occasion de sensibiliser la population particulièrement ceux qui sont à haut risque et ceux qui ont des antécédents familiaux sur les précautions à prendre. Il rappelle également que les personnes à hauts risques sont ceux qui sont diabétiques, qui souffrent de l’hypertension, qui abusent de l’alcool et de la cigarette.

Le néphrologue recommande aussi une alimentation saine et équilibrée (pas d’excès de sel, de gras et de sucre). Un mode de vie sain avec des activités physiques régulières est aussi préconisé. Pour lui, il est important de veiller à ce que les maladies rénales ne progressent pas rapidement.

Les jeunes et ceux qui sont encore en bonne santé sont visés également, afin qu’ils ne développent pas de maladie rénale.

Le maître mot pour prévenir ou pour traiter à temps une maladie rénale c’est le dépistage précoce et le check-up régulier à partir de l’âge de 20 ans. Les facteurs de risque devraient être éliminés également.

1 264 sous dialyse l’année dernière

Selon le National Health Report 2015 du ministère de la Santé, 1 132 personnes étaient sur dialyse à fin 2014. Selon un relevé du ministère effectué l’an dernier, de 493 patients en l’an 2000, 1 228 malades étaient sur dialyse à décembre 2015, et 1 264 l’année dernière. Selon les estimations, ce nombre devrait atteindre 1 500 cette année.

 

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