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Poursuites au pénal : la FCC et le DPP face à un partage de pouvoirs délicat

Me Sanjay Bhuckory, Senior Counsel. Me Gavin Glover, Senior Counsel.

Comment se répartira le travail de poursuites pénales entre la Financial Crimes Commission et le Directeur des poursuites publiques ? Deux Senior Counsel se penchent sur la question.

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Voté le 19 décembre 2023 au Parlement, le Financial Crimes Commission (FCC) Act a reçu, le 21 décembre 2023, l’assentiment du président de la République. Les Senior Counsel Sanjay Bhuckory et Gavin Glover évoquent les difficultés de la mise en pratique de cette loi.  

Me Gavin Glover estime qu’il s’agira, avant tout, de pourvoir les postes prévus sous la nouvelle loi, notamment celui de directeur général (DG), et ensuite recruter le personnel. Il faudra ensuite savoir où se trouvera le quartier général de la FCC, dit-il. « Il y aura forcément une transmission de dossiers qui devra se faire. Ce ne sera pas une chose simple, qui pourra être faite du jour au lendemain. À partir de là, il y aura un réajustement à faire. Une fois la loi promulguée, il faudra s’assurer de la mise en œuvre de la FCC, car elle va remplacer les lois cadres existantes de l’Icac et autres.»

D’autre part, le Senior Counsel souligne que la nouvelle loi risque d’enlever la prérogative du DPP d’un droit de regard sur un dossier qui sera classé. Ce que craint également Me Sanjay Bhuckory. Selon lui, contrairement à l’Independent Commission Against Corruption (Icac), la FCC ne sera sous aucune obligation de soumettre au DPP un rapport complet des investigations qu’elle aura abandonnées. « Ce faisant, la FCC priverait le DPP de son pouvoir d’instituer des poursuites sous l’article 72 (3) (a) de la Constitution pour la bonne et simple raison qu’il ne serait même pas au fait de l’existence d’un quelconque dossier », explique-t-il. 

Contestation du FCC Act

Qui du DPP ou du DG de la FCC aura le dernier mot ? Pour Me Sanjay Bhuckory, le DG de la FCC aura le dernier mot dans les cas où il décide de mettre fin à une enquête. Cependant, lorsque le DG engage une procédure pénale, c’est le DPP qui aura le dernier mot, étant habilité, en vertu de la Constitution, à reprendre, poursuivre ou interrompre la procédure. 
Cependant, pour Me Gavin Glover, le problème n’est pas d’avoir le dernier mot. Mais le fait que le DPP ne pourra pas demander à la FCC de lui envoyer un dossier qui a été classé au niveau de l’enquête. 

Qui est habilité à contester le FCC Act ? 

« Toute personne dont les intérêts sont lésés peut saisir la Cour suprême pour demander qu’un article du texte de loi soit déclaré anticonstitutionnel », répond Me Sanjay Bhuckory. Me Gavin Glover nuance : la contestation « ne peut venir que du DPP ». De même, précise-t-il, un citoyen, qui sera poursuivi en vertu de la nouvelle loi, « pourra en contester la constitutionnalité ».
Le recours en vue d’une contestation doit se faire par voie de plainte constitutionnelle devant la Cour suprême, s’accordent à dire les deux Senior Counsel. 

La FCC priverait le DPP de son pouvoir d’instituer des poursuites sous l’article 72 (3) (a) de la Constitution car il ne serait pas au fait de l’existence même du dossier." 

Me Sanjay Bhuckory, rappelle qu’une telle action doit être introduite, « dans les trois mois suivant la contravention », sous le motif qu’une disposition spécifique de la Constitution a été violée à l’égard du requérant. 
Me Gavin Glover avance, lui, que le DPP pourra demander une déclaration à l’effet que ses pouvoirs sous l’article 72 de la Constitution ont été restreints.


Les textes de loi abrogés

À travers le FCC Act, la FCC deviendra l’agence centrale à Maurice pour enquêter et poursuivre les délits financiers tels que la corruption, le blanchiment d’argent, la fraude, les délits de financement du trafic de drogue, entre autres. Plusieurs textes de loi seront abrogés et remplacés par le FCC Act : The Prevention of Corruption Act, the Asset Recovery Act, the Good Governance and Integrity Reporting Act and Part II of the Financial Intelligence and Anti-Money Laundering Act.

 

L’article 142 du FCC Act

L’article 142 du FCC Act stipule qu’à la suite de la conclusion d’une enquête et à la réception d’un rapport en vertu de l’article 58, la Commission (FCC) peut engager des poursuites pénales qu’elle estime appropriées pour toute infraction prévue par la présente loi ou la loi sur la déclaration des avoirs (Declaration of Assets Act). Par ailleurs, le texte de loi établit que lorsque la FCC engage des poursuites pénales, cela se fera sans préjudice des pouvoirs du DPP, qui lui sont « exclusivement conférés » en vertu de l’article 72 (3) (b) et (c) de la Constitution, pour reprendre, poursuivre ou abandonner de telles poursuites pénales. La loi précise aussi que le DPP peut mettre fin devant toute Cour aux poursuites pénales engagées par la FCC, en vertu de l’alinéa (a), en fournissant les raisons qu’il juge appropriées pour cette cessation devant le tribunal.


 Ce qu’a dit l’Attorney General

Intervenant le 19 décembre 2023 à l’Assemblée nationale, l’Attorney General, Maneesh Gobin, parle de renforcement des lois existantes. Selon lui, les pouvoirs du DPP ne sont pas remis en question par le FCC Act. « Le DPP existe depuis 1964. Ses pouvoirs sont restés les mêmes depuis, indépendamment de ce que dit l’opposition », a-t-il affirmé. Du côté de l’opposition, Xavier-Luc Duval a parlé d’attaque sans précédent sur les pouvoirs du DPP.

 

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