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À St-Ignace, Rose-Hill - Pierre Dinan : «On ne pourra pas cacher le prêt indien au FMI»

Pierre Dinan

La série thématique « Vivre ensemble », initiée par la congrégation des Jésuites de Maurice, s’est poursuivie, le mardi 10 juillet avec une conférence sur le Budget 2018-2019. Comme questions : « Est-ce magnifique, comme le dit le Gouvernement ? Est-ce nul, comme le dit l’Opposition ? » Les organisateurs ont choisi un invité de marque, en la personne de l’économiste Pierre Dinan, pour y répondre.

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Fidèle à lui-même, Pierre Dinan a fait preuve de sobriété, en trouvant les mots justes et sans jamais tomber dans la complaisance. Après avoir noté quelques bonnes mesures dans le Budget 2018-2019 et en fin de présentation, il s’est dit  agacé  par le prêt indien de Rs 17 milliards, « car cet argent n’a pas été versé au Consolided Fund, il est passé par la State Bank (SBM), or celle-ci est cotée à la Bourse. Si l’État mauricien ne peut pas rembourser ce prêt, il tombera sur la tête des actionnaires de la SBM. C’est un exemple de tromperie, car ce prêt n’est pas pris en compte dans la dette publique. On ne pourra pas cacher le prêt indien au Fonds monétaire international (FMI).» De la même manière, il a abordé le projet de Safe City, un projet sécuritaire confié au fabricant de téléphonie mobile chinois Huawei, avec  « des caméras installées pour surveiller la population. Il s’agit d’un emprunt qui n’est pas passé par le Consolidated Fund. Il y a quelque chose qui cloche, il n’y a pas de transparence. Le Safe City, c’est du hot potato », a-t-il déclaré. Puis commentant, le rapport de l’Eastern And Southern Africa Anti-Money Laundering Group, il a fait état d’un « méchant rapport  », soupçonnant certains pays africains d’être jaloux de Maurice. « Nous avons réussi à améliorer nos lois et nos pratiques pour nous conformer aux normes de l’ Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). Mais peut-être que nous n'avons pas suffisamment fait notre case, lorsque les experts du groupe étaient à Maurice. Mais, il faut réagir en s’améliorant », dit-il.

«À quoi sert le Budget ?»

D’abord pédagogique, Pierre Dinan a essayé de résumer les fondamentaux du Budget. « À quoi sert un Budget ? Celui de l’État en l’occurrence », s’est-il d’emblée demandé ? Dès cette  question posée, il a décliné une série d’étapes et de mots-clés qui ont servi à jeter un véritable éclairage sur cet exercice comptable national annuel. D’abord, sur le Consolidated Fund, cette caisse qui sert à recueillir les recettes de l’État, à commencer par les diverses taxes, les dépenses, dont les salaires des fonctionnaires, les aides sociales, les pensions, les subventions aux collectivités locales. Enfin, il y a les « dépenses capitales », essentiellement dédiées aux travaux infrastructurels et qui émargent aussi du Consolidated Fund.

Mais le Budget et ses projets ne seraient qu’un vain exercice oral sans la Finance Act, pas encore votée,par laquelle le pouvoir législatif valide la liste des dépenses. « Le gouvernement dispose d’une majorité confortable pour voter cette loi », rassure Pierre Dinan. À Maurice, poursuit-il, la présentation du Budget fait l’objet d’un véritable étalage, alimenté par la presse et les commentaires des citoyens. « Le Mauricien a raison de s’y intéresser, car c’est son argent, perçu à travers les taxes, que le ministre des Finances va utiliser. Ce que ce dernier fait comme choix nous affecte. Parce qu’on paie des taxes », fait-il observer, avant de nuancer : « L’État ne peut pas tout faire, parce que nos ressources sont limitées et malheureusement, nous ne sommes pas capables d’exploiter les 2,3 km2 de notre zone maritime exclusive. »

Les dépenses de l’État

Dans le même souffle, il explique que d’année en année, les dépenses de l’État deviennent supérieures à ses recettes, mais « le déficit, cela se finance »,  soit en empruntant à Maurice ou en se tournant vers l’étranger. « On peut recourir à la dette interne, en empruntant aux Mauriciens, banques locales et autres compagnies ou à l’étranger (Inde, Chine ou France), ou encore aux institutions financières comme la Banque mondiale ou le FMI. Mais les dettes sont plus importantes lorqu'on emprunte en monnaies fortes. Il faudra alors puiser dans nos réserves. » Celles-ci s’expriment en termes d’importations et d’exportations. La vente du sucre (en baisse) et du textile, nos services touristiques et financiers, nous procurent des devises étrangères. À ce stade, Pierre Dinan confie qu’en 1979, Maurice ne possédait que des devises pour six mois d’importations, d’où l’obligation de se tourner vers le FMI, lequel avait imposé une dévaluation de la roupie. Le service de la dette place Maurice, mais pas que, sous l’étroite surveillance des institutions de Bretton Woods ou celle de Moody’s, une agence de notation, afin de vérifier notre capacité de remboursement. « Moody’s travaille avec des gros investisseurs, à qui, il donne des conseils », précise-t-il.

Dans un autre ordre d’idées, il s’est appesanti sur le Produit intérieur brut, qui représente la somme de toutes les rémunérations d’un pays et ses bénéfices. « En fait, c’est la somme de tous les efforts accomplis par les Mauriciens », explique-t-il. Et de détailler les dépenses, selon les ministères budgétivores, dont celui de la Sécurité sociale, l’Éducation, le Logement et la Santé.

 

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