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Transition énergétique : les préoccupations refont surface

La proportion d’électricité produite à partir de sources renouvelables à Maurice est passée de 21,5 % en 2021 à 19,2 % en 2022.

Les derniers chiffres de Statistics Mauritius révèlent une baisse de la proportion d’électricité produite à partir de sources renouvelables, suscitant des inquiétudes quant à la réalisation des objectifs énergétiques du pays.

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«Nous accusons un retard considérable pour atteindre les objectifs de 3 mégawatts (MW) pour les ‘religious institutions’, 2 MW pour les ONG et 3 MW pour les véhicules électriques, notamment en raison de la mauvaise définition du Central Electricity Board concernant les voitures électriques, excluant les Plug-In Hybrid Electric Vehicles, ce qui révèle un manque de cohérence dans la mise en œuvre de cette vision ». C’est l’avis exprimé par Khalil Elahee, chargé de cours à l’Université de Maurice, après la publication des derniers chiffres de Statistics Mauritius qui font état d’une baisse de la proportion d’électricité produite à partir de sources renouvelables, soit de 21,5 % en 2021 à 19,2 % en 2022. 

Malgré ces chiffres, le ministre des Services publics et de l’Énergie, Joe Lesjongard, continue d’afficher son optimisme concernant les objectifs fixés par le gouvernement qui consistent à atteindre une production électrique à base d’énergies renouvelables à 35 % en 2025 et 60 % en 2030. Dans un entretien accordé au Défi Plus samedi, le ministre a affirmé miser sur les projets de fermes photovoltaïques qui vont, selon lui, apporter 172,7 MW additionnels, sur d’autres projets à venir d’une capacité de 156 MW ainsi que sur la biomasse qui devrait contribuer à hauteur de 31,5 % sur le réseau électrique. 

Pour Khalil Elahee, « le ministre Lesjongard se trouve contraint de maintenir l’objectif ambitieux de 60 % d’énergies renouvelables d’ici 2030. Cependant, pour y parvenir, il faut mettre en œuvre toutes les mesures nécessaires et agir rapidement ». Il fait aussi ressortir qu’il est impératif de développer la capacité nécessaire pour implémenter les mesures recommandées dans la feuille de route élaborée par la Mauritius Renewable Energy Agency (Marena). 

« Selon la Roadmap, nous aurions déjà dû avoir cette année une capacité de 2 MW de panneaux photovoltaïques flottants à Tamarind Falls, mais avec le retard accumulé, nous sommes contraints de revoir nos objectifs à la hausse et de repousser l’échéance, ce qui est loin d’être sérieux », estime l’expert en matière énergétique. 

« Ce problème n’est pas nouveau, puisque l’objectif initial était de 35 % d’énergies renouvelables en 2025, puis de 40 %, mais les retards ont conduit à repousser la cible à 60 % pour 2030. Ce pourcentage est crucial en termes absolus et concrets. La gestion de la demande est également primordiale, étant donné que nous avons déjà atteint un pic maximal de 492 MW en 2022, nous rapprochant dangereusement du ‘high case scenario’. Or, l’objectif de 60 % repose sur le ‘base case scenario’, selon une réponse du ministre au Parlement en mai 2022. Il est donc nécessaire de prévoir une demande plus élevée avec la reprise économique et de s’engager dans la maîtrise de la demande », explique Khalil Elahee. 

Selon lui, « lors de la prochaine saison estivale, nous risquons d’avoir un déséquilibre entre la demande et l’approvisionnement. Bien que le retour de Terra puisse temporairement résoudre ce problème, cela ne va pas dans le sens de l’élimination du charbon. De plus, le National Biomass Framework dépend fortement de la mise en œuvre, car il serait cohérent de confirmer dès maintenant la fermeture des centrales de Saint-Aubin, Terra et Omnicane entre 2025 et 2027, en commençant par celles alimentées au charbon. » Toutefois, déplore-t-il, « nous constatons que les contrats pour continuer à utiliser le charbon sont reconduits, ce qui montre un manque de cohérence dans notre gouvernance énergétique ».

Vassen Kauppaymuthoo, ingénieur en environnement, avance quant à lui que pour accélérer le déploiement des énergies renouvelables, notamment solaire et éolienne, encore faut-il surmonter les obstacles financiers et logistiques. « L’objectif du gouvernement est ambitieux mais cela nécessitera un engagement plus fort et une accélération des efforts », dit-il. Tout en mettant en exergue que la transition énergétique est cruciale pour l’indépendance énergétique de Maurice.

Notre interlocuteur ajoute que les projets d’exploitation de l’énergie océanique et de fermes photovoltaïques offrent des opportunités concrètes pour progresser rapidement. « Cependant, il est impératif de réfléchir en dehors des sentiers battus pour maximiser le potentiel des énergies renouvelables, notamment en considérant les déchets organiques et en favorisant des idées novatrices. » Pour ce qui est du développement de la biomasse, Vassen Kauppaymuthoo pense que la mise en œuvre prendra du temps. 

Pour sa part, le député travailliste Patrick Assirvaden, ancien président du Central Electricity Board, se dit préoccupé par le projet de « woody biomass » que compte introduire le gouvernement. « Le ‘woody biomass’ va contribuer à la déforestation. C’est du n’importe quoi. Joe Lesjongard est en train d’entrer dans l’histoire comme un ministre qui n’a rien pu implémenter en termes d’énergies renouvelables. Son prédécesseur, Ivan Collendavelloo, a eu une plus grande influence dans ce secteur », dit-il.

 

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