Société

Quel avenir pour le patrimoine architectural ?

Même s’il y a la volonté politique de financer la rénovation du Plaza et du théâtre de Port-Louis, l’État tarde à mettre en place une politique de conservation du patrimoine s’inscrivant dans la durée. En attendant, de nombreux bâtiments historiques périclitent. Ces dernières semaines, les déclarations encourageantes de certains ministres, dont celui des Finances, laissent entrevoir la possibilité d’une rénovation prochaine du théâtre de Port-Louis et du Plaza. Ces travaux coûteront des centaines de millions de roupies, vu l’état de délabrement avancé dans lequel se trouvent ces deux bâtiments. De plus, outre ces deux théâtres, il existe à Maurice de nombreux édifices historiques tombés en décrépitude, comme l’hôtel de ville de Curepipe, la gare Victoria, l’école Beaugeard, en grande partie démolie, et l’ancienne prison centrale.
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/div> Selon Thierry Le Breton, de l’association SOS Patrimoine, l’État n’a jamais eu de vision à long terme en ce qui concerne la préservation du patrimoine. « Cela n’a jamais été la priorité d’aucun gouvernement. Pourtant, le patrimoine, c’est l’âme d’un pays. C’est cela qui nous permet d’avoir une identité allant au-delà de tout communautarisme. » L’absence d’une politique à long terme pour la protection du patrimoine architectural peut aussi donner lieu à un gaspillage de fonds publics. L’état dans lequel se trouve aujourd’hui le théâtre de Port-Louis, qui a pourtant fait l’objet d’une rénovation importante dans les années 90, en est la preuve flagrante. « Il est regrettable qu’à peine vingt ans après sa rénovation, le  théâtre de Port-Louis soit aussi délabré », explique Thierry de Commarmond, architecte. « Il faut faire en sorte que les bâtiments rénovés produisent assez de ressources financières pour assurer leur entretien de façon régulière », ajoute-t-il. Pour Thierry Le Breton, le budget alloué à la maintenance des bâtiments du patrimoine est trop faible. « Il est indispensable d’assurer la maintenance technique de ces constructions. Le manque d’entretien ne concerne pas uniquement les édifices historiques. On préfère laisser les bâtiments à l’abandon pour, après, les démolir. Les postes de police, par exemple, ont quasiment tous été démolis pour être remplacés par d’horribles cubes en béton, dépourvus d’intérêt architectural. En plus, la plupart sont désormais sales et abîmés, faute d’entretien », dit-il.
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Contribution à l’économie

Une politique réfléchie de préservation du patrimoine architectural peut avoir des retombées économiques et sociales très positives pour le pays. « À Maurice, quand on parle de réhabiliter un site historique, on se focalise exclusivement sur le bâtiment », indique Thierry Le Breton. « Cependant, les édifices historiques sont un atout pour le secteur touristique. En plus, l’hôtel de ville de Curepipe, le théâtre de Port-Louis et le Plaza, par exemple, peuvent redynamiser le centre-ville et contribuer à attirer davantage de clients dans les commerces se trouvant à proximité. » La Citadelle est un exemple de site historique qui attire les touristes. Peut-on parler, dans le cas de cet édifice, d’une réhabilitation réussie ? Selon Ricardo Ramiah, qui dirige une compagnie de Land Surveying, cette bâtisse a été transformée en centre commercial. « La Citadelle est devenue un arrêt presque obligatoire pour les touristes souhaitant faire du shopping. Ce lieu a malheureusement perdu son cachet historique. La présence de quelques magasins n’est pas forcément une mauvaise chose, mais il ne faut pas que La Citadelle soit réduite à être un vulgaire centre commercial. » Ricardo Ramiah estime qu’il faudrait mettre en avant l’histoire de La Citadelle et l’ingéniosité de son architecture, par exemple, à travers des spectacles. Il est aussi regrettable que certaines parties de La Citadelle aient été bétonnées au lieu d’être restaurées dans les règles de l’art. En plus, la façade est en partie défigurée par les panneaux qui indiquent la présence de différents commerces qui s’y trouvent.
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Financement

Pour Thierry de Commarmond, il est important de commencer par faire une étude de marché pour savoir comment rentabiliser les bâtiments historiques une fois leur rénovation terminée. « La salle des fêtes du Plaza, par exemple, peut, en plus des mariages, accueillir des conférences, des défilés de mode ou des récitals. » Il est aussi indispensable, selon lui, d’établir un partenariat entre l’État et le secteur privé. « Le gouvernement ne peut, à lui seul, financer la rénovation de tous les bâtiments historiques du pays. Il faudrait faire appel à des fonds privés, par exemple, à travers le CSR », poursuit-il. Cependant, pour bénéficier du soutien de compagnies privées locales ou d’organismes internationaux, il est important de montrer qu’il y a la volonté politique de préserver le patrimoine architectural. Selon Thierry Le Breton, il existe de nombreuses sources potentielles de financement. Toutefois, les bailleurs de fonds veulent voir des dossiers bien ficelés avant de financer des projets. « Il ne s’agit pas seulement de rénover. Il faut qu’il y ait des projets cohérents et des garanties à long terme pour la conservation des édifices historiques ».

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Questions à... Nelly Ardill présidente de SOS Patrimoine

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L’État a-t-il une politique cohérente pour la protection du patrimoine architectural de Maurice ? Il y a eu, par le passé, quelques bonnes idées et beaucoup de bonne volonté. Néanmoins, à chaque changement de gouvernement, certaines de ces bonnes idées passent à la trappe. Il faut impérativement que les ministères concernés, c’est-à-dire ceux des Finances, du Tourisme et de la Culture, travaillent de concert pour instaurer une politique efficace de gestion de notre patrimoine. La plupart des pays l’ont fait et Maurice est vraiment à la traîne dans ce domaine. Il ne suffit pas d’avoir de belles plages pour attirer les touristes. Ces derniers visitent un pays également pour sa richesse culturelle et ses bâtiments historiques. Le patrimoine mauricien n’est pas suffisamment exploité. Il est aussi impératif d’apporter des amendements à certaines lois. Par exemple, il faut imposer un espace de dix mètres autour d’un monument class historique, afin de le mettre en valeur. Il faut aussi une loi permettant de proscrire la démolition de bâtiments classés, comme cela a été le cas avec l’école Beaugeard à Port-Louis. Mis à part le Plaza et le théâtre de Port-Louis, quels sont les sites qui doivent être réhabilités ? La priorité est, en ce moment, l’hôtel de ville de Curepipe. C’est un lieu qui a toujours été très important pour les citadins. Malheureusement, ce bâtiment est aujourd’hui en très mauvais état et il faut le rénover de toute urgence. Il y a notamment de gros problèmes d’infiltration d’eau. Il faut aussi s’occuper du jardin botanique de Curepipe, du jardin de Pamplemousses et du château de Mon-Plaisir. Il faudrait aussi profiter des projets de Smart Cities pour essayer de réhabiliter et donner une nouvelle fonction à certains monuments historiques. À Port-Louis, on pourrait, par exemple, créer une dynamique de développement social et économique autour de La Citadelle. Il y a également le Moulin-à-Poudre, vestige des présences hollandaise, française et britannique à Maurice. Le National Heritage Fund (NHF) dispose-t-il de suffisamment de moyens ? Il faut commencer par donner davantage d’autonomie à cet organisme. Le NHF manque cruellement de moyens financiers, mais aussi d’experts tels que des architectes et des ingénieurs spécialisés dans la réhabilitation de vieux bâtiments. Je pense que le NHF doit subir des réformes administratives profondes. Ce qui me semble absurde, c’est que ses locaux soient situés dans un bâtiment privé à Port-Louis. Au lieu de continuer à payer des loyers exorbitants, l’État devrait réhabiliter certains de ces bâtiments classés et y aménager les bureaux du NHF, entre autres. Il y a, notamment, le bâtiment Surcouf à Port-Louis, un lieu chargé d’histoire et très bien situé. Quelle politique doit être mise en place en priorité pour la sauvegarde de notre patrimoine ? Il est évidemment important de préserver le patrimoine architectural, mais il ne faut pas se cantonner aux bâtiments historiques. Le projet de galerie d’art national pour mettre en avant nos plasticiens est une bonne idée. Il faudrait aller de l’avant avec ce projet. On pourrait également valoriser nos jardins et participer aux Floralies internationales. Cette manifestation peut aider à faire découvrir un autre aspect de Maurice. Il est important que les ministres concernés expriment leur volonté de valorisation du patrimoine et rencontrent le secteur privé pour travailler sur un projet commun. Les gouvernements se sont limités à des effets d’annonce et il y a eu peu de résultats concrets. C’est pourquoi il faudrait créer une sorte d’audit de la société civile, hors élections, pour obliger les responsables à aller jusqu’au bout de leurs ambitions.
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